Chapitre 32

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Le vent chaud caresse les joues d'une petite fille aux cheveux d'or. Elle court avec insouciance à travers les rues de terre battue, en direction des dunes verdoyantes. Sa mère est commerçante et, comme tous les matins, est occupée à troquer des marchandises – étoffes, bijoux en bronze, épices venues des terres lointaines – tandis que la petite, du haut de ses huit ans, passe son temps à explorer les environs.

Le village est petit, modeste. Ses habitants parlaient une langue que la jeune fille ne comprend pas, mais tous la regardent avec bienveillance. Ce sont des gens bons, de ceux dont l'avenir est tranquille. Ce jour-là, la fillette a trouvé un champ de fleurs près de la forêt, d'un rose éclatant, comme une tache vive dans l'océan de verdure. Ses petites mains s'approchent des pétales avec émerveillement et ses yeux se remplissent d'étoiles. Celles-là feront plaisir à maman. Je vais lui faire un beau bouquet. Le parfum doux et sucré caresse les narines de l'enfant qui se tortille sur place à l'idée de rentrer au village avec ce cadeau. Le soleil se cache derrière les nuages et la petite redresse la tête, pressée de renter. L'heure tourne, et il ne faut pas que sa mère s'inquiète de son absence. Les bras chargés de fleurs, elle se hâte à reprendre son chemin vers sa maison. Mais lorsqu'elle atteint enfin le village, un frisson glacé parcourt son échine. Les voix familières des villageois, leurs rires, tout semble s'être évanoui. Un sentiment de terreur l'envahit lorsqu'elle voit une foule d'habitants se regrouper en hurlant. La petite fille ralentit son pas et ses sourcils se froncent légèrement alors qu'elle s'approche du petit magasin de sa mère.

Les habitants sont horrifiés, et se pressent pour apporter leur aide. Il y a des personnes blessées dans les rues, et les maisons ont été saccagées. Varunn tente de se frayer un passage en jouant des coudes pour éloigner cette petite foule de curieux. La porte du magasin est ouverte. Son regard se pose sur les tissus jetés à terre et sur les objets renversés sur le sol. Ses petites mains serrent les fleurs, et son souffle devient plus court. Elle avance, lentement. Un pas, puis un autre. L'un des villageois tente de retenir la petite fille, en vain. Il est trop tard, elle l'a vue. Sa mère, étendue sur le sol. Varunn ne comprend pas tout de suite. Le corps de la femme qu'elle aime est là, immobile, ses yeux fermés. Il y a des traces de lutte sur sa peau, des taches rouges qui maculent ses vêtements. Les mains de Varunn tremblent, mais elle reste figée sur place.

Les fleurs qu'elle tenait si fièrement tombent sur le sol. Les sanglots secouent le corps de cette enfant, qui s'agenouille pour secouer l'épaule de sa mère. Elle dispose chacune des fleurs cueillies avec soin autour du visage de celle qui l'a aimée et hurle de douleur. Ses petits doigts se referment autour d'une des tiges et une énergie sombre se dégage, en réponse à une colère sourde et brûlante qu'elle ne contrôle pas. Son cœur se remplit de douleur, de rage, et de peur envers ces pirates qui lui ont tout pris. Les pétales des fleurs qu'elle tient dans ses mains commencent à se faner : leur rose éclatant devient plus sombre. Ils se flétrissent sous ses doigts, comme s'ils étaient le reflet de la noirceur de son cœur. Les fleurs, autrefois si pleines de vie, ne sont désormais que poison. Des fleurs maudites, empoisonnées par la magie qui coule en elle, incontrôlable.

Varunn tombe à genoux, les fleurs noircies toujours serrées dans ses mains. Les brigands sont partis, mais cette douleur, cette perte, et ces fleurs, sont ancrés en elle. Du cœur brisé d'une petite fille sont nées les premières jusquiames noires.

VarunnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant