Chapitre 16

406 28 0
                                    

Ma préparation au combat est dure, il faut dire qu'Erika ne me laisse pas d'autres choix que d'être toujours plus performante. Désormais, je maîtrise quelques techniques de combat au corps à corps et au combat à l'épée, mais ce n'est pas ma plus grande force. L'idée de devoir blesser Saevald pour prouver ma valeur ne m'enchante pas, puisque je me sens redevable envers cet homme. Mais je dois encore m'entraîner davantage pour espérer l'impressionner. Le combat avec un maigre bout de bois en forme d'épée ne permet pas de rendre compte des progrès que j'ai effectués, car l'arme falsifiée est beaucoup plus légère que le métal. Mais malgré cela, Erika reste confiante.

« Le combat à mains nues te convient bien, malgré quelques maladresses. Il te faudra plus de temps pour manier les armes tranchantes, et on ne dispose plus que de quatre jours avant ton jugement.

— Mais je croyais que le test face au fils du chef commençait à l'épée ? S'il ne me juge pas assez forte, je n'aurais pas le temps de lui montrer mes autres aptitudes.

— Oui, c'est la coutume. Tu devras le désarmer pour espérer ne pas mourir au bout de dix secondes. Après cela, tu le combattras en corps-à-corps. »

Je joue avec mon épée de bois de façon nonchalante, complètement déconnectée de la réalité.

« Raconte-moi encore le déroulement du duel. »

Erika s'assoit en tailleur en face de moi, sa canne robuste à son chevet.

« Bien. Vous entrerez tous les deux dans le cercle qui sera dessiné pour l'occasion. Tout le monde pourra assister à votre duel : soldats, recrues ou villageois. Puisque tu attires beaucoup de rumeurs et que tu combattras le chef de l'armée, tu peux être sûre que l'ensemble des Jomsvikings sera présent pour vous regarder. »

Je baisse les yeux vers le sol, consciente que cette cérémonie de sélection des jeunes recrues de l'armée sera l'occasion de critiques et de moqueries à mon égard.

« Il faut que tu gardes à l'esprit que les femmes qui s'engagent dans l'armée sont très peu nombreuses. Il y aura des paris de lancés sur ton recrutement ou non dans les rangs des soldats. Ne prête pas attention aux montants des mises ni aux pronostics qui seront annoncés. »

J'acquiesce vivement et écoute soigneusement les conseils de mon mentor.

« Une fois le duel annoncé, tu disposeras d'une lame, généralement une épée, tout comme ton adversaire. Ce sera l'occasion pour toi de montrer tes valeurs du combat. Car les Jomsvikings ne combattent pas pour tuer mais pour protéger ou défendre. Tu dois respecter Saevald lors de ce duel, par exemple en l'attaquant toujours de face, jamais de dos ou lorsqu'il est au sol. Ton seul objectif doit être de le désarmer pour t'éviter des blessures corporelles sévères.

— Et si je n'arrive pas à le désarmer ?

— Alors tu devras gagner du temps. Le duel ne durera pas plus de cinq minutes. Si aucun des adversaires ne s'avoue vaincu avant ce temps, ce sera aux haut placés du village de décider du vainqueur.

— Et si c'est Saevald qui me désarme en premier ?

— Dans ce cas, esquive un maximum de ses attaques jusqu'à réussir à reprendre ton arme. Si vous en venez aux mains, là aussi il te faut respecter quelques règles. Tu ne dois pas frapper le visage de façon à défigurer le fils du chef. Tu pourrais être blâmée pour cela. Ne vise pas son menton, sa nuque, ses tempes ou son nez car certains coups dans ces zones sont mortels. »

Erika mime chacun de ses gestes pour être sûre que je comprenne bien ce qu'elle dit. Elle me montre des points stratégiques à attaquer pour mettre à genoux un adversaire ou lui couper le souffle quelques instants, de quoi l'immobiliser. Tant de techniques qu'il me paraît peu probable d'appliquer sur Saevald à la carrure plus large et plus puissante que la mienne.

Pour mettre fin à ce point théorique, Erika se redresse et se positionne sur ses jambes frêles, son épée de bois en mains :

« Allez, approche. Affronte-moi comme si j'étais ton ennemie. »

Je ramasse mon arme légère et me déplace lentement, observant la défense de cette femme. Je m'avance rapidement et lui assène un furtif coup vers ses reins. Erika contre mon attaque et abats son bois sur mon tibia. Je recule et affronte son épée, les deux armes croisées avec force. Je peine à maintenir ma position sous la pression dynamique de ma tutrice. Erika libère son étreinte et je glisse en arrière sur le sol. La pointe de son épée touche avec insolence le milieu de ma poitrine, à l'endroit du cœur.

« Tu t'es bien débrouillée. Mais je ne suis toujours pas désarmée. »

Je soupire et laisse tomber ma tête contre la terre froide de la forêt. Je roule sur le côté et ramasse mon épée mollement, vaincue. Erika se redresse à l'aide de sa canne et m'aide à me relever en souriant :

« Tu es fatiguée. Cela fait beaucoup d'informations pour aujourd'hui. »

J'acquiesce et souffle, épuisée. Je range mon épée contre le tronc massif du chêne comme mon mentor me l'a appris. Un doute me prend et je fronce les sourcils, réalisant à quel point la date du duel était proche.

« Quand pourrai-je me battre avec une vraie arme ? Ce bois est si léger que je crains ne pas réussir à manier un métal lourd.

— Je comprends. Mais hélas, les membres du conseil refusent de nous prêter des épées forgées. Je suis désolée, Varunn, mais tu devras apprendre à connaître ton arme le jour même de ton duel. »

Ces paroles résonnent dans ma tête comme une sentence macabre. Si je n'arrive pas à soulever mon épée pour combattre Saevald, alors c'en est fini de moi. 

VarunnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant