Varunn

Chapitre 17

Erika défroisse soigneusement les plis de ma tunique et resserre les lacets qui se croisent dans mon dos. J'entends au loin des rires et de la musique qui proviennent de la fête nocturne du village à l'occasion de l'épreuve de sélection des jeunes recrues de l'armée.

« Tu as peur, pour demain ? »

Je frémis lorsque les doigts fins de mon mentor touchent la peau frêle de mon dos et je redresse mon visage avec assurance :

« J'appréhende ce moment, mais ce n'est pas la peur qui m'anime. Plutôt un mélange d'excitation et la sensation de me jeter dans l'inconnu. »

Elle acquiesce et relève légèrement mes manches.

« Ce soir, tu dois te concentrer sur toi. Profite de la fête, mais ne te couche pas trop tard pour être en forme pour le duel. Tu as pu t'entraîner avec Aaskell aujourd'hui ?

— Oui, nous nous sommes battus dans les règles de l'art, pour me préparer au jour réel. Il est très agile et malin, ce petit. J'ai réussi à le désarmer, mais je n'ai rien pu faire contre sa vitesse d'enfant. Il m'a sauté sur le dos comme un diablotin et j'ai perdu le combat. »

Erika rit doucement et je remarque les rides qui plissent le coin de ses yeux et ses joues.

« Aaskell est très doué, je dirai même que c'est la recrue la plus prometteuse. Il a pu participer à de nombreuses gardes et rondes de surveillance du territoire avec l'armée ; un privilège, car les autres soldats sont tous âgés d'au moins 18 ans. Mais il est trop jeune pour devenir soldat. »

C'est durant l'une de ces rondes qu'il m'a trouvée dans le désert. Je contemple mon reflet dans le miroir et souris à Erika pour la rassurer. Elle m'a gentiment accueillie sous son nouveau toit pour m'aider à me préparer à la fête de ce soir. Je glisse mon regard vers son lit de paille sur lequel est étendue une riche tunique.

« Tu ne revêts pas ta robe ? »

Les yeux d'Erika s'assombrissent et elle secoue légèrement la tête.

« Non, je ne voudrais pas abuser de la grâce que m'a accordée Sven. J'ai été libérée de mes chaînes, mais cela ne fait pas de moi une femme légitime pour m'inviter à cette soirée.

— Mais tu... Et moi donc ? Ne suis-je pas une ancienne esclave ?

— Certes, mais tu fais partie des volontaires de l'armée, il te faut te montrer aux villageois avant les duels de demain.

— Je refuse d'y aller sans toi.

— Pourtant il le faut. Je suis désolée, Varunn. »

 J'effectue une moue, mais Erika me pousse légèrement vers la porte telle une mère qui dépose son enfant à la garderie.

« Tu ne peux pas m'abandonner comme ça !

— Je ne t'abandonne pas, voyons. Je serai là pour ton combat de demain, je te le promets. »

Je cède finalement et prends une grande inspiration pour me donner du courage. La porte se referme derrière moi et je me retrouve soudain seule dehors. Guidée par les bruits des festivités, j'avance prudemment vers la grande bâtisse qui ressemble à un bar. Autour de la fontaine centrale, des femmes et des hommes dansent joyeusement en rythme. L'heure est à la fête puisque les adolescents qui seront sélectionnés pour intégrer l'armée demain feront la fierté de leur famille. Çà et là, des groupes sont rassemblés autour de grandes tables, ce qui me contraint à slalomer entre les bancs. Seule et un peu intimidée, je me cache près du comptoir massif en bois. Je m'assois sur une chaise et laisse reposer mes coudes sur ce grand meuble qui me sépare de la serveuse.