Virgile m'a embrassée. Et je l'ai embrassé aussi.
Ce moment tourne en roue libre dans mon cerveau, se cogne à toutes les parois de mon crâne, émettant un écho de bruits, d'odeurs, de sensations, qui me transportent à mille lieues de mon bureau, sur cette terrasse, dans les bras de Virgile.
Notre danse. Ses mains sur moi. Sa bouche dans mon cou. Sa langue contre la mienne.
Ses paroles.
Mon départ.
Je n'ai trouvé d'autre solution que de m'enfuir. Je ne savais pas comment réagir. Je ne m'imaginais pas que je lui plaisais ; cela semblait si improbable... Mais cette soirée, ce baiser a tout bouleversé, et je suis désorientée face à un tel tournant.
Mon week-end en famille n'a pas réussi à amoindrir ces souvenirs, au contraire : chaque instant passé loin de l'architecte me poussait à davantage penser à lui – quelle cruelle ironie.
Ma soeur et sa compagne, Alexane, étaient ravies de notre visite ; cela fait cinq ans qu'elles sont mariées, et elles ont organisé une charmante petite fête à laquelle nous nous sommes amusés comme des fous.
Mes parents, plus heureux et soudés que jamais depuis leur voyage aux Canaries, nous ont tous éblouis de leurs sourires et de leurs peaux bronzées. Cassiopée me connaît si bien que je pense qu'elle a vite saisi que quelque chose me tourmentait, mais elle ne m'en n'a pas soufflé un mot. Elle sait qu'il vaut mieux qu'elle attende que je vienne à elle. Je l'adore.
Nous avons donc dîné à sept – les mariées, et leurs familles proches respectives– dans un charmant restaurant breton, avant de faire la bringue le dimanche dans une salle réservée pour l'occasion. Même si mes idées ne se sont pas éclaircies à propos de Virgile, ces moments m'auront au moins permis de m'amuser un peu loin de Lille, de mon travail, de Virgile – et cela m'a surtout fourni une bonne excuse pour ne pas le retrouver le dimanche soir, puisque mon train revenait dans la nuit.
Je tournais à deux à l'heure hier, et ce n'est pas mieux aujourd'hui. J'ai refait une crise d'angoisse si puissante dans la soirée que j'ai cru en mourir. Mais je suis toujours là. À mon bureau. Les yeux rivés sur la nouvelle lettre trouvée mardi, que j'ai amenée ici pour me donner un peu de courage durant mes dures journées.
« Si j'osais professer
Oh Déesse
Je dirais « je vous aime »
Oh DéesseVos lèvres souples et tendres
Pécheresse
Vos mains graciles et doucesPécheresse
Je pourrais vous confier
Oh Aimée
Mes rêves de bohème
Oh AiméeLaissez moi donc vous prendre
Ma BeautéOh rien qu'un bout de pouce
Oh Beauté
Lâcher un pleur à minuit »
Cette lettre éveille en moi une myriade de sensations plus fortes les unes que les autres. Sans que je sache pourquoi, elle m'évoque mon baiser avec Virgile. Ce poème est si puissant, si parlant, peut-être plus sensuel que les précédents. Son aura est particulière, voilà tout. Comme je le disais au poète dans ma dernière lettre à son intention, je m'habitue de plus en plus à sa plume, je m'imprègne de plus en plus à ses mots, et même si je n'en comprends sûrement pas la totalité du sens, je me les figure à ma façon. Et j'adore ça.
Ce que j'adore moins, c'est penser à Virgile, encore et encore.
Son corps collé au mien. Sa chaleur. Sa passion. Mon extase. Ma fuite.
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À la lettre près
Storie d'amoreQuand Virgile et Véga se rencontrent sur un palier d'escalier, c'est le coup de foudre. Chacun d'eux est, sans le savoir, troublé par la présence de l'autre, qui leur apparait comme parfait. Grand timide, Virgile n'ose faire le premier pas ; Véga, a...