55 - Véga

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Les fleurs sont là, inodores, immobiles. Mais à travers leurs faux pétales se cachent des promesses qui chantonnent à mes oreilles des chansons d'amour.

J'ai regardé la vidéo de Virgile. Après avoir ouvert son présent de lundi, je le devais bien.

La boîte était énorme. Je l'ai déposée délicatement dans mon salon, et ai filé au travail ; le soir, elle était toujours là. Comme un enfant à son anniversaire voyant ses cadeaux mais devant attendre le dessert pour les ouvrir, je l'ai fixé en mangeant, faisant monter mon impatience volontairement.

Puis, je me suis assise sur mon tapis de fourrure, et ai déballé le cadeau.

J'en suis restée muette.

Une maquette de maison s'y trouvait. Une vraie maison, avec des murs, un petit jardin à côté, des baies vitrées, et même quelques meubles.

Le toit amovible et deux murs baissables révélaient l'intérieur de la construction. Une chambre, une salle de bains en nuances de bleu, un immense salon au canapé crème, une adorable cuisine s'y trouvaient ; un parterre de fleurs décorait le dehors.

Mon cœur a fondu.

Parce que dans chaque pièce, se trouvait un petit papier plié en quatre, sur lequel étaient inscrites quelques phrases tapées à l'ordinateur.

Dans la cuisine moderne, sur un papier blanc, était inscrite une promesse chatoyante : « Cela pourrait être l'endroit où on mangerait des crêpes et du jus de cranberry, en se souriant tendrement. ».

Sur un papier vert, posé sur la table basse du salon : « L'endroit où nous ririons, nous chamaillerions, en jouant comme des enfants. L'endroit où tu monterais tes Legos, où je dessinerais des brouillons de plans, où on passerait la fin de nos journée à deux dans un silence agréable, juste avec la présence de l'autre. ».

Dans la salle de bain, niché dans la minuscule baignoire, sur une feuille bleu nuit : « La pièce où on se brosserait les dents en même temps, où je dessinerais des cœurs sur le miroir embué et où tu appliquerais ton rouge à lèvres framboise qui te va si bien. ».

Et, enfoui sous les petits draps du lit, sur un carré rose : « Le lieu où l'on dormirait, l'un contre l'autre, apaisés. Le lieu où je te répéterais tous les jours que je t'aime dans le creux de l'oreille, où tu me répondrais peut-être que tu m'aimes aussi. »

Cette maison était celle de ses rêves, de ses fantaisies. La maison dans laquelle il espérait nous voir un jour, parce qu'il voulait vivre avec moi, jusqu'à la fin de ses jours. Parce qu'il n'aime que moi. Parce qu'il est sûr de lui, parce qu'il est persuadé que je suis celle dont il a besoin pour s'épanouir encore plus. Il me veut dans son futur.

En voyant tout ça, cette construction fantastique, détaillée, ayant dû lui demander un travail colossal, j'ai été convaincue que lui aussi était celui que je voulais. Celui qu'il me fallait.

Je le savais déjà, à vrai dire. La douleur du manque que je ressentais à cause de son absence surmontait largement celle causée par son mensonge.

Et au fil des semaines, la seconde s'est estompée. Il n'aurait pas dû, mais au fond, comme il l'a si bien dit, ce qui est fait est fait. Peut-être que rien ne se serait passé s'il ne m'avait pas écrit ; peut-être que nous nous serions quand même embrassés sur le balcon de la boîte de nuit, mais que nous aurions fait semblant de n'avoir rien ressenti et aurions tout mis de côté. Personne ne peut le savoir.

Il ne m'a pas achetée avec ses présents. Il m'a convaincue car il a mis son temps, son cœur, son âme et ses tripes dans le moindre cadeau qu'il m'a fait, et encore plus dans ce dernier. Il m'a séduite à nouveau, sans subterfuge, en étant lui-même, et cela m'a suffit, parce qu'il est un homme extraordinaire.

Alors, je me suis empressée d'aller visionner son enregistrement, en entier cette fois.

J'ai versé quelques larmes, je crois. Ses mots m'ont touchée en plein dans la poitrine, m'ont retournée, mise en vrac. Sa sincérité, sa sensibilité, m'ont chamboulée et touchée plus que de raison, encore plus que la moindre des lettres envoyée par Oscar.

Je suis restée assise devant mon écran de longues minutes, avant de relancer la vidéo. Et de la relancer encore. Et encore. J'ignore combien de fois je l'ai regardée. Mais la moindre de ses paroles est ancrée en moi désormais.

Puis, je lui ai envoyé un message. Tout bête, tout simple.

Je ne sais même pas s'il se souvient de notre conversation, des mois auparavant.

« C'est juste un anniversaire, pas de quoi en faire tout un plat.

— Je peux toujours te le souhaiter quand même, ou ça porte malheur ?

— C'est le souhaiter la veille qui porte malheur, en tout cas chez moi. Tu peux me le souhaiter dans quatre mois que ça comptera quand même !

— Je te le souhaiterai dans quatre mois, alors. »

Moi, je n'avais pas oublié.

Mes quelques mots sonnaient pour moi comme un drapeau blanc, un premier signe pour lui montrer que je pensais à lui, que j'avais avancé, que je lui avais pardonné pour de bon. Mais il fallait faire plus. Lui exprimer clairement.

J'ai mis du temps à trouver quoi faire. Une poignée de jours à réfléchir, me creuser la tête, pour faire la meilleure chose.

Et j'ai repensé au tout début. Au début de notre histoire.

J'ai foncé sur Internet, me suis renseignée, ai un peu galéré, mais ai fini par accomplir ce que je cherchais à faire.

Je sors de chez moi et, une fois dans le hall, glisse une enveloppe dans sa boîte aux lettres. Cette fois, je connais l'adresse du destinataire.

Toute lettre, toute confession, mérite réponse.

À la lettre prèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant