53 - Véga

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Je ne sais pas ce qui m'a pris. Quand j'ai vu Virgile, la tête m'a tourné, j'ai perdu pied et tout sens commun. Je me suis mise à nu d'un coup, sans que je ne voie rien venir. Mais ce que je sais, c'est que là, je n'ai pas menti.

Je suis une adulte. Je suis mature. Je ne veux pas rester dans les non-dits, dans cette tension entre lui et moi. Je veux voir si nous deux, c'est vraiment possible, sans les mensonges. J'ai besoin de savoir si Virgile est l'homme qu'il me faut.

Quand je me réveille le lendemain matin, je trouve une rose en Lego sur le pas de ma porte. Je l'apporte bêtement à mon nez, et mon cœur loupe un battement.

Je file la ranger avec les autres, que je ne regrette finalement pas d'avoir gardé. Ces fleurs sont immortelles, tant que je ne les détruit pas.

Et actuellement, j'ai tout, sauf envie de les réduire en miettes. Je me dis qu'elles portent un message d'espoir. Que je peux parvenir à pardonner à Virgile.

Avant de partir, je jette un œil à mon tiroir de bureau, comme si j'avais le pouvoir de voir à travers ; je sais que la clé USB où Virgile semble s'expliquer y est. Il faut que je la consulte. Mais pas maintenant, alors que tout est encore frais.

Le jour d'après, ce sont deux bouteilles de jus de cranberry qui se dressent sur mon palier. Dilué comme je l'aime, le jus rouge brille à travers les bouteilles transparentes. Je souris.

Le voir me remet en mémoire nos soirées à jouer rien qu'à deux, sur son canapé. Je me souviens qu'il était si intimidant, timide, mais aussi si drôle, perspicace et charmant.

Je me souviens que Virgile n'est pas qu'un arnaqueur. Il est aussi l'homme dont je suis tombée amoureuse au premier regard.

Tout au long de la semaine, je retrouve une multitude de cadeaux divers.

Tous me rappellent un de ces précieux souvenirs que j'ai partagés à ses côtés. Je ne sais si c'est intentionnel ou non, mais je suis presque certaine que oui.

Un adorable petit tableau, représentant une averse se déversant sur une ruelle, qui me replonge dans cette soirée où j'ai couru sous la pluie avec lui. À cette soirée qui m'avait tant troublée, qui m'avait fait me dire que, peut-être, il m'aimait aussi, au moins un peu.

Un affreux bonnet de bain fluo, qui me fait pourtant sourire, et me rappelle que nous nagions ensemble, avant que tout s'enchaîne. Virgile me battait toujours à la course, mais je m'en fichais, parce que le voir nager aussi bien que Mipha* me donnait l'impression de gagner quelque chose quand même.

Un nouveau jeu vidéo, puisque c'est cette passion commune qui nous a rapprochés au début. J'y joue le soir même, en buvant le jus qu'il m'a offert.

Une carte céleste, avec toutes les étoiles et constellations, pour cette soirée en boîte où nous nous sommes embrassés. Où je l'ai embrassé. Je ne sais plus qui de nous deux a fait le premier pas, mais à vrai dire, ce n'est pas ce qui compte.

Ce qui compte, c'est que le moindre de ces présents me fait me sentir toute chose. Je m'imagine qu'il revit les mêmes moments que moi en boucle.

Le pardon, ce n'est pas quelqu'un chose d'acquis : c'est quelque chose qu'on gagne, et Virgile est en train de se frayer un chemin vers le mien plus facilement que je ne le croyais.

Quand je repense à la brûlure de son mensonge, je grince des dents ; quand je songe au fait que je lui ai menti également, je serre les poings.

Mais je me rappelle de ses yeux qui brillaient tant sur mon palier, de sa paume pour une fois si glaciale sur la peau de ma joue, et mes remords se font plus légers.

À la lettre prèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant