15 - Véga - Tourner la tête

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Une mèche s'échappe
De ta chevelure

J'entends les basses résonner du sixième alors que je n'en suis qu'au palier de l'appartement d'Oscar et Virgile. Quentin a eu la main forte sur la sono, on dirait.

Notre voisin du six fête en ce vendredi dix février ses vingt-neuf ans, et a décidé pour l'occasion d'inviter tout l'immeuble chez lui. Nous ne nous connaissons pas vraiment, mais puisque tous les habitants de l'immeuble s'entendent bien, nous avons tous pris l'habitude de nous inviter les uns chez les autres lors de ce genre d'évènements.

Voilà pourquoi je sonne désormais à sa porte, une bouteille de champagne à la main, la respiration hachée à cause des quatre étages montés à pied – ce fichu ascenseur n'a toujours pas été réparé.

— Salut, me lance l'hôte de la soirée.

La musique m'agresse les tympans, mais il me faut seulement quelques minutes d'adaptation.

— Salut, je lui souris. Bon anniversaire ! j'ajoute en lui tendant la bouteille.

— C'est gentil, merci. Il ne fallait pas ! proteste-t-il.

Il s'empare tout de même du mousseux et ferme la porte derrière moi. L'entièreté de l'appartement est décoré dans les tons bleus, la couleur de la soirée – à mon grand dam.

Le concept d'une soirée à thème est à mes yeux un peu dépassé – laissons les gens s'habiller comme ils le souhaitent, enfin ! – mais je me suis tout de même prêtée au jeu, histoire de ne pas faire tâche.

De fait, j'arbore un tailleur bleu roi que j'ai chiné la veille pour un prix plus qu'acceptable. Je ne pense jamais le remettre, mais peut-être que ma soeur aura un coup de cœur pour lui.

Et puis, il faut l'avouer, il fait un super décolleté : je porte la veste en cache-cœur, sans rien dessous. Quitte à posséder une poitrine plus plate qu'un écran de télé, autant en profiter.

Les mamies aigries diront que ma tenue est provocante, mais je n'approuverais pas. Ainsi, je me sens confiante, même si la couleur ne me sied guère.

— Tu es... resplendissante, souffle Quentin, toujours à deux pas de moi.

Je pince les lèvres, lève le regard vers lui.

La réserve de Quentin égale la mienne ; c'est sûrement pour ça que nous n'avons jamais beaucoup discuté. Mais là où je me considère plutôt comme une timide « gênée », lui m'apparaît davantage comme un timide « peureux ».

Je catégorise les personnes dans des boîtes, oui. J'en ressens le besoin, pour les appréhender, les comprendre mieux.

Son compliment me prend donc de court, et je prie pour que le brasier que je sens s'étaler sur mes joues ne soit pas si voyant que je l'imagine.

— Merci beaucoup, je chuchote, si bas que je doute qu'il m'entende.

Il remonte ses lunettes sur son nez fin, s'éclaircit la gorge.

— On a installé un buffet dans le salon, mais si tu manques de quelque chose, tu peux aller jeter un œil dans la cuisine. Tu veux que je te serve à boire ?

— Non, c'est bon, je vais m'en charger, je lui signale, tâchant de me faire entendre par dessus le bruit.

— J'insiste, appuie-t-il.

Et il s'éloigne.

Bon, d'accord.

Je quitte l'entrée à mon tour, et trois pas plus tard, me retrouve entourée de personnes que je ne connais ni d'Ève ni d'Adam, mais qui me claquent une bise comme si nous avions élevé les Pikachus ensemble.

À la lettre prèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant