25 - Virgile

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On sonne à la porte.

Je me lève, me dirige vers l'entrée en me frottant les yeux : qui est-ce ?

J'ouvre.

C'est Véga, son pull chocolat et ses lunettes noires, qui se trouvent devant moi.

— Bonsoir, me sourit-elle.

— Salut ? je lui réponds, le ton trop interrogatif à mon goût. Je veux dire, bonsoir aussi. Entre, je t'en prie.

Nous sommes mercredi quinze mars. J'ai vingt-six ans et un jour.

Nous sommes mercredi. Véga et moi nous sommes embrassés vendredi dernier et depuis, silence radio. Je ne l'ai pas vue du week-end – cela dit, normal, puisqu'elle était avec sa famille ; le lundi, je n'ai pas aperçu une mèche de ses cheveux, et hier, je ne me suis pas rendu à la piscine.

Je ne m'attendais pas à la trouver là ce soir. Je ne pensais pas qu'elle viendrait.

Notre baiser tourne en boucle dans ma tête depuis ce soir-là. J'y pense tout le temps. Tout le temps, c'est-à-dire quand je me réveille, quand je bosse, quand je mange, quand je me douche, quand je m'endors. Je ne peux effacer la sensation de ses lèvres sur les miennes.

Mais ce à quoi je songe le plus, c'est son départ précipité. Son départ que je n'ai su arrêter. Son départ que je n'ai pas vraiment compris : nous venions de partager un moment intime, je venais de lui confier à demi-mot ce que j'éprouvais pour elle, et elle s'est enfuie. Comme ça.

C'est pour ça que je la contemple s'installer dans mon salon, perplexe : pourquoi est-elle là, alors qu'elle a quasiment couru loin de moi vendredi soir ?

— Oh, tu as un nouveau jeu ?

Elle a l'oeil. En même temps, le boitier est encore posé sur la table basse.

— Oui, tout à fait, je bégaye. Oscar me l'a offert hier. Un verre de cranberry ? je lui propose, par automatisme.

Elle hoche la tête, sa fossette se creuse.

— Il y avait une occasion particulière ? m'interroge-t-elle pendant que je nous sers.

— Je ne sais pas si c'est vraiment particulier, mais c'était mon anniversaire, réponds-je en retournant dans le salon.

— Pourquoi ça ne serait pas particulier ?

Elle hausse un sourcil sur son front ; cette mimique la rend encore plus adorable. Nous trinquons.

Ça me fait tout drôle d'entretenir une conversation normale avec elle. Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi ne semble-t-elle pas tourmentée, chamboulée ? Est-elle complètement indifférente à notre baiser, ou bien cache-t-elle vraiment très bien son jeu ?

Je me racle la gorge avant de parler, tâchant d'éviter les tremblements de ma voix.

— C'est juste un anniversaire, pas de quoi en faire tout un plat. Ce n'est pas un évènement que j'apprécie fêter, surtout, je confesse.

Elle ne pose pas de question. Cela ne m'étonne pas. Si j'avais confié cela à quelqu'un d'autre, j'aurais forcément eu des « Mais c'est chouette, un anniversaire, non ? Pourquoi tu n'aimes pas en parler ? ».

Pas avec Véga. Elle respecte ce que je confie, mes limites, et sait que si je veux discuter de quelque chose, je le ferais. Ça ne la rend que plus charmante et désirable à mes yeux.

— Je peux toujours te le souhaiter quand même, ou ça porte malheur ?

— C'est le souhaiter la veille qui porte malheur, je l'informe, en tout cas chez moi. Tu peux me le souhaiter dans quatre mois que ça comptera quand même ! je ris légèrement.

À la lettre prèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant