43 - Véga

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Je ne réponds pas à Virgile. Je ne peux pas. Je n'en n'ai pas la force. À cet instant, je me fiche qu'il s'inquiète, que je sois la pire petite amie du monde. C'est lui qui a commencé, dirait un enfant de cinq ans. je ne suis pas cet enfant. Mais il a quand même commencé.

Même si j'entends sa voix au travers de ma porte, je ne réponds pas. Mon téléphone vibre en vain. Adossée contre ma porte, j'attends qu'il parte.

J'entends des pas, des voix troubles, puis plus rien. Un murmure. Le silence à nouveau.

Je soupire, m'en voulant d'être soulagée ; je n'ai ni la force de manger, ni de me doucher, la tête en ébullition, la culpabilité et la rage trop fortes.

Je file au lit, mais ne trouve le sommeil que tard dans la nuit, à l'heure où les étoiles sont toutes levées et me chuchotent de ne plus y croire.

*

J'ai des cernes monstres et un fichu mal de crâne en me levant ce matin.

Je passe la journée difficilement ; je sors très tôt de chez moi, histoire d'éviter Virgile. Mon attelle m'empêche d'aller bien vite, mais je n'ai plus mal, alors je me hâte.

Au travail, tout m'irrite, m'use. Je tâte de rester agréable avec mes collègues : ils n'y sont pour rien, si Virgile s'est foutu de moi.

Lorsque je rentre enfin, je soupire de soulagement en constatant que Virgile ne campe pas devant ma porte – il en aurait été capable.

Je ne veux toujours pas le voir. Lui parler. Surtout pas le toucher.

Je ne sonne pas chez lui ce soir-là. Ni le suivant.

Mais vendredi, lorsqu'un fracas se fait entendre à ma porte, je prends sur moi et vais ouvrir. Il faut que je l'affronte.

*

— Bordel, Véga, qu'est-ce qui s'est passé ? s'écrie Virgile quand nous nous retrouvons face à face. Pourquoi tu répondais pas ?

Il avance d'un pas vif pour me serrer dans ses bras, mais je recule aussi net. Mon mouvement le blesse, je le vois bien. Mais je me répète que je dois être forte. Droite. Froide. Je ne peux pas me laisser déborder par mes sentiments. Je dois avant tout comprendre.

— Il y a un problème ? m'interroge-t-il. Véga, insiste-t-il face à mon mutisme, tu me fais peur là. J'ai fait quelque chose de mal ?

— Je sais pas. Est-ce que mentir, c'est mal ? je lui lance à vif.

Il se crispe, je le vois – et il le sait.

— Est-ce que demander à ton meilleur ami de recopier les lettres que tu as écrites, c'est mal ? je continue, incisive. Est-ce que faire croire que ces lettres d'amour étais juste entre toi et moi, me mentir au nez, c'est mal ? je hurle cette fois.

Là, c'est lui qui recule. Ma tentative de rester froide est ratée bien comme il faut. Tant pis.

— Que... Je...

— Vas-y, Virgile, je l'encourage avec sarcasme, qu'est-ce que tu va me pondre comme mensonge, encore, dis-moi ? Quelle justification peux-tu apporter au fait que tu m'as fait croire que ces poèmes venaient de toi, alors qu'Oscar les as vus, les a lus, les a recopiés ? Ne me dis pas qu'ils les a écrits, aussi ?

Je lance cette dernière pique ironiquement, mais au fond de moi, j'ai besoin d'être sûre que mon instinct se trompait.

Mais au vu du visage de Virgile, je crois qu'il avait raison.

— Non, je frappe, glaciale, dans un déni complet. Non. Tu n'as pas fait ça. Tu ne m'as pas fait ça, Virgile, hein ? Pas à moi ?

J'oscille entre sanglot et cri, dépassée par les évènements. Mon esprit galope, mon cerveau turbine, tachant de démêler le vrai du faux, tirant ses propres conclusions.

À la lettre prèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant