Quelle journée de merde.
J'ai toujours détesté les jeudis.
Je me souviens qu'en primaire, c'était le jour du calcul mental – mais version Koh Lanta.
On sortait nos ardoises et nos craies, la maitresse énonçait les calculs, et nous devions trouver la réponse le plus vite possible. Celui qui répondait en dernier était éliminé de la compétition, mais devait tout de même écrire ses résultats ; l'élève restant à la fin recevait cinq bons points d'un coup.
Je n'ai jamais compris ce qui était passé par la tête de la prof ayant inventé ce concept ignoble et si peu pédagogique.
Inutile de préciser qu'en général, j'étais la première éliminée – enfant, je détestais les chiffres. Et au lieu de m'encourager et de me tirer vers le haut, la maîtresse ne faisait que m'adresser un sourire contrit avec un faible « dommage ». Mademoiselle Hochart ne m'a jamais appréciée, de toute façon.
Au collège, le jeudi, c'était cours de sport. Et que ce soit badminton, piscine, course ou danse, je n'y ai jamais pris plaisir. Je ne suis pas une grande sportive, certes, mais j'ai toujours fait de mon mieux pour y arriver. Faire de l'exercice en soi n'était pas le véritable problème. C'étaient les vestiaires.
Le fait qu'ils soient remplis de cet air toxique composé à 99% de déodorant et de parfum chimiques à la grenade ou la vanille était un simple détail par rapport au mal-être que présentait la simple présence de mes congénères de l'époque.
J'ai eu mes règles tard, mais ne dépasse paradoxalement pas le mètre soixante. Je suis ce qu'on pourrait appeler un petit modèle ; et, en comparaîson avec ces bombes de chair et de courbes gracieuses, je ressemblais, au mieux à un lutin, au pire à une planche de bois. Autant dire que ces moments ne m'ont pas vraiment permise d'apprécier mon corps à sa juste valeur, et m'ont plutôt fichu des sacrés complexes avec lesquels il m'arrive encore de me battre.
Comme si je n'avais pas déjà assez pris les jeudis en grippe, il a fallu que mes années de terminale les grave pour de bon dans ma mémoire en tant que jours de malheur.
Tous les jeudis de huit à douze, nous avions un devoir sur table. Plancher sur des exercices de physique ou une dissert' de philo en étant à moitié réveillée n'était pas chose aisée, c'est une certitude, surtout avec en prime les kilos de stress qui me pesaient sur l'épaule droite – la gauche étant déjà occupée par ma peur de l'échec.
J'ai adoré ces quatre heures hebdomadaires – notez le sarcasme.
Et à la fac, il n'est pas inconnu que le jeudi soir est celui de la bringue et de la décadence par excellence.
Je n'allais que très peu aux soirées étudiantes – je n'étais soit pas invitée, soit pas motivée – et tantôt je m'agaçais d'entendre tous ces bruits de fêtes dérangeants, tantôt je me morfondais sur mon manque de vie sociale et mon décalage par rapport aux autres.
Enfin, pour résumer : les jeudis ont toujours été pour moi marqués d'une croix rouge.
Aujourd'hui, cela n'a pas changé.
C'est le milieu de semaine, tout le monde est crevé et se languit d'un dimanche au calme ou de vacances aux soleil ; il reste trois jours à tirer, mais ils paraîssent longs et pénibles.
J'ai potassé mes dossiers toute la journée, et ai aussi dû présenter à mon équipe, sous l'oeil de Tom, le projet Aloate de façon officielle. J'ai bien tenté de me défiler, mais aucun de mes arguments – assez faibles je dois l'avouer – n'ont été reçus par le boss.
J'ai donc passé une vingtaine de minutes à débiter mon texte, en fixant le minuscule trou dans le mur d'en face, me sentant jugée à chaque instant.
VOUS LISEZ
À la lettre près
RomansaQuand Virgile et Véga se rencontrent sur un palier d'escalier, c'est le coup de foudre. Chacun d'eux est, sans le savoir, troublé par la présence de l'autre, qui leur apparait comme parfait. Grand timide, Virgile n'ose faire le premier pas ; Véga, a...