26 - Véga

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— C'est toi qui m'écris les lettres ?

Choc. Stupéfaction. Bouleversement. Trouble.

Tout se mélange en moi alors que Virgile se retourne brusquement vers moi et me fixe, les yeux grand ouvert et une mine aussi choquée que la mienne.

Nous nous dévisageons quelques secondes.

Bon sang, c'est lui qui m'écrit les lettres ? C'est lui depuis le début ?

J'ai l'impression de recevoir le cadeau de Noël que j'attendais depuis toujours, et en même temps, de me faire écraser par le traîneau du petit papa.

Sapristi.

Il reste figé, ses yeux dans les miens, la bouche comparable à celle d'un Magicarpe mort. Je reste également plantée sur la demi-marche des escaliers, n'osant me rapprocher davantage.

Je l'ai bien vu glisser une enveloppe beige dans ma boîte aux lettres, je ne suis pas folle ?

— Virgile, je dis. C'est toi qui a écrit ces lettres ?

Ma voix n'est plus qu'un souffle, un murmure quand je pose cette question une seconde fois. JE n'arrive pas à y croire.

Il n'esquisse toujours aucun mouvement, puis hoche doucement la tête, une fois, deux fois.

— Oui.

Son timbre plus rauque que d'habitude sonne aussi bien que la poésie qu'il m'a adressée.

— Oui, c'est moi, souffle-t-il, les oreilles rouges.

Bordel.

Joie. Stupéfaction. Allégresse. Espoir. Incompréhension, aussi.

Je veux lui poser douze mille questions, lui demander pourquoi, comment, quand, et tant d'autres choses – mais je n'ai pas le temps. La psychologue m'attend, et déjà que je n'étais pas très enthousiaste à l'idée d'aller la voir, j'en ai encore moins envie maintenant. Mais c'est comme ça.

Je voudrais rester, le bombarder de questions et de baisers, mais je dois filer.

Les yeux embués par des larmes sorties de nulle part, un sourire ne demandant qu'à s'épanouir sur les lèvres, je descends pour de bon de l'escalier et fait quelques pas vers lui.

Je dois rester rationnelle. Pragmatique.

— Tu es là ce soir ? m'enquiers-je.

Il met un instant à répondre, décontenancé.

— Oui.

— Dix-neuf heures, dans mon appartement. Sois à l'heure. Je dois y aller. À ce soir.

Je me retourne sans un mot de plus, et file en direction de la porte du hall. Virgile ne me rattrape pas.

Je crois que c'est pour le mieux. Je dois réfléchir. Seule.

Il est vraiment l'auteur de ces lettres que je reçois depuis deux mois ? Pourquoi ne m'en a t-il jamais parlé ? Cela signifie-t-il qu'il m'apprécie vraiment, au delà de la simple amitié ? Et que ça a toujours été le cas, dans la mesure où j'ai commencé à recevoir ces billets il y a un moment déjà ?

Je suis complètement embrouillée, et en même temps submergée par une vague d'euphorie grisante que je ne parviens à réfréner. Virgile m'a écrit. À moi. L'homme que j'admire et convoite en secret depuis que je l'ai rencontré semble nourrir les mêmes sentiments que moi.

À vrai dire, je n'espérais que ça, tout en essayant pourtant de ne pas trop espérer. Malgré ma fatigue, mes tourments, mes tracas, ces quelques minutes viennent de me remplir d'une joie inaltérable.

À la lettre prèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant