33 - Véga

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C'est à ma grande surprise que je retrouve une enveloppe brune dans ma boîte aux lettres en rentrant du boulot ce lundi.

Je ne pensais pas que Virgile m'en écrirait encore, puisque je l'ai « démasqué ». Mais après tout, le romantisme n'a pas de limite.

Un immense sourire suspendu aux lèvres, je grimpe jusqu'à chez moi, mange un bout, et m'empresse ensuite d'ouvrir la lettre.

« Qu'arrivent mes aveux

aussi doux que tes yeux

au milieu de ton cœur

à faire ton bonheur

Que ce baiser volé

dans un lieu enchanté

fasse parvenir nos âges

sur le même rivage

Que cette étreinte laisse

entrevoir ma promesse

Et puissent s'envoler

nos âmes entremêlées »

C'est magnifique, comme toujours. Son attention me touche, et j'ai l'impression d'été de retour deux semaines plus tôt, quand j'ignorais encore tout de la vérité. Je n'en reviens pas d'avoir pu croire un instant que Quentin était l'auteur de ces phrases si belles. Non, ça ne pouvait être que Virgile. C'était évident.

Sa lettre apporte encore plus de gaieté à ma journée pourtant en joie déjà. J'ai déjeuné pur la deuxième fois avec les collègues avec qui je suis allée au bar l'autre soir, et nous avons bien ri. Je me sens plus intégrée à l'équipe, moins distante, et je m'aperçois qu'il ne tenait qu'à moi de faire un pas vers eux. Je me sens moins seule – même plus du tout – et le message de ma sœur m'annonçant qu'elle me paierait une visite début mai n'a fait que m'égayer encore plus. La lettre de Virgile ne fait qu'ajouter la cerise sur le gâteau.

Je lui écris vite fait une réponse, moins belle et pertinente que celles que j'ai déjà pu faire par le passé, mais peu m'importe.

« Cher poète,

Je ne devrais plus être surprise par vos mots, depuis le temps. Mais je pense que je le serais toujours un peu, puisque vos vers forment une symphonie à mes oreilles que je ne me lasserai jamais d'entendre.

Je pourrais vous lire à l'infini. Je ne saurais toujours pas donner la signification de ces poèmes, mais ils me retournent encore plus qu'au début, car je sais qui tu es. J'ose espérer que nos âges et nos âmes s'envoleront dans la même direction, oui. Mon cœur, lui, bat déjà d'un bonheur difficile à contenir, mais que j'ai plaisir à sentir. Tu me fais me sentir bien, tout simplement. »

J'ajoute un petit Post Scriptum, scelle le papier, et me voilà dans les escaliers, à grimper les marches trois par trois pour arriver chez lui. L'ascenseur est réparé depuis une ou deux semaines, mais je n'ai pas le temps de l'appeler – ce serait surtout inutile.

Nous avons installé une sorte de routine plutôt agréable, et qui nous permet de garder un équilibre entre nos amis, nos vies personnelles, et nos moments à deux. Je sais que le lundi est sa soirée avec oscar, mais je ne peux attendre pour sonner et venir lui donner ma lettre.

Je trépigne presque devant sa porte, et quelque instant après, sa tête apparait.

— Oui ? me demande-t-il.

— Tiens, lui dis-je en lui tendant ma lettre.

— C'est pour moi ? demande-t-il un peu bêtement.

— C'est pour le poète. Donc oui, c'est pour toi, je souris.

À la lettre prèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant