« Il va falloir décider du cercueil, si ce n'est pas déjà fait, choisir les fleurs, le lieu d'inhumation. Souhaitait-elle être enterrée ou incinérée, rappelez-moi ? Combien de personnes seront présentes à la cérémonie ? Vous êtes-vous occupés du traiteur ? »
L'effervescence autour de moi me donne le tournis.
Ma mère est morte hier. Sur son lit d'hôpital, Frédéric à ses côtés. Elle a tenu à peine deux semaines là-bas.
Je me sens vide et à la fois plein d'émotions que je ne connaissais pas jusqu'alors.
Perdre quelqu'un, c'est étrange. Je sais que ma mère ne foulera plus jamais le sol, ne sourira plus jamais – non pas qu'elle l'ait beaucoup fait –, ne me grondera plus, ne rira plus, ne touchera plus personne. Elle ne sera plus là, tout simplement. Ça fait bizarre, un peu.
On l'enterre dans cinq jours. Mon père est dévasté. Il veut que je vienne. Je pense que je vais le faire.
J'ai rendu visite à ma mère deux autres fois, avant qu'elle ne meure.
Je n'ai pas décroché un mot. La première fois, Frédéric était encore présent. Mais la dernière fois que je l'ai vue, elle était seule, encore plus malade. Elle a essayé de me dire des choses, mais la morphine devait la faire délirer, parce qu'elle m'a dit qu'elle m'aimait.
Frédéric est veuf, mon paternel a le cœur brisé une seconde fois. Son étoile s'est éteinte.
*
Cinq nuits ont passé. J'enterre ma mère aujourd'hui.
Oscar me voit quitter l'appartement tout de noir vêtu ; lorsqu'il m'interroge, je ne réponds rien. Notre amitié est à nouveau de mise, mais tout de même moins solide qu'avant. Nous respectons les limites de chacun – le temps fera le reste, je me dis.
Une trentaine de personnes se trouvent dans l'Église Notre Dame de Pellevoisin en ce 28 mai. Ma mère a tenu à se faire enterrer à Lille, bien qu'elle n'y vivait plus. Je n'ai jamais compris comment elle pensait. Je ne le saurais jamais.
Quand je lève la tête pour observer le ciel, je le vois d'un côté bleu, d'un côté gris, comme s'il ne pouvait se décider.
L'ambiance est austère, sinistre, et je frissonne. De froid ou de mal-être, je ne sais pas.
Le prêtre commence à parler ; quelques reniflements parsèment l'assistance, qui pleurent la perte de cette femme « si merveilleuse ». Moi, je ne lâche pas une larme.
Frédéric fait un petit discours. Mon père aussi ; personne n'y voit d'inconvénient. Ses mots résonnent dans le bâtiment sacré et en mon être entier.
Pour ma part, je reste assis sur mon banc, à attendre la fin de la messe, la fin des sermons, la fin de cet enterrement sinistre, la fin de cette journée.
Enfin, la libération.
Nous sortons tous la mine grave, mettons le cercueil de ma mère en terre, jetons nos fleurs dessus ; les deux hommes de sa vie essuient leurs larmes, mais ne se prennent pas dans les bras.
Un repas est prévu après la cérémonie ; je n'étais pas censé y aller, mais en voyant la mine de mon père, je change d'avis.
Je préviens Oscar par message vocal que je ne rentrerai pas manger, et passe trois heures assis à table avec des gens que je ne connais que peu, qui se remémorent des moments joyeux passés en compagnie de ma génitrice.
Mon paternel et moi sommes côte à côte, en bout de table ; la dame en face de moi tente d'engager la conversation avec moi, mais je l'envoie rapidement sur les roses.
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À la lettre près
RomanceQuand Virgile et Véga se rencontrent sur un palier d'escalier, c'est le coup de foudre. Chacun d'eux est, sans le savoir, troublé par la présence de l'autre, qui leur apparait comme parfait. Grand timide, Virgile n'ose faire le premier pas ; Véga, a...