56 - Virgile

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Je claque la pile de courrier sur la table de la salle à manger en apostrophant Oscar :

— Je suis là !

— Tu m'en vois ravi ! s'exclame-t-il depuis le canapé, où il est en train de préparer des futurs cours.

— Tu t'amuses bien ? je lui demande en trifouillant nos courriers – que de la pub, comme d'habitude.

— Carrément, raille-t-il. La géographie c'est la vie, marmonne-t-il ensuite.

Je ricane.

— Et toi, au taf ?

— Nickel.

Dan n'est pas repassé une seule fois m'ennuyer. Je ne sais pas si c'est mon petit discours énervé de la dernière fois qui l'en a dissuadé pour de bon ; je suis étonné, et à la fois soulagé qu'il se soit éloigné.

— Tant mieux.

Une lettre. Une lettre beige que je reconnais bien. Dessus, un papier collé, où s'inscrivent des lettres gigantesques en police OpenDyslexic. Elles forment un nom que je déchiffre rapidement : le mien.

Je cligne des yeux. Qu'est-ce que...

— Tu vas à la piscine ou pas ?

— Hein ?

— Deux.

Je redresse la tête, hébété.

Oscar repose sa question.

— Euh, ouais, je réponds en hâte, à nouveau focalisé sur ce que je tiens entre les mains. J'y vais, là.

Je tourne les talons, consulte ma montre ; il faut que je me grouille pour aller nager. J'ignore ce que contient cette enveloppe que, de tout évidence, Véga m'a envoyée ; je brûle d'envie de le savoir, mais cela attendra.

Pendant que je nage, transperce l'eau, bois la tasse quelquefois à cause de mon inattention, je ne pense qu'à cette lettre.

Elle a dû découvrir la maquette.

J'ai mis des jours à la faire, me suis appliqué à réaliser pile ce que j'avais en tête. Le plus dur, c'était les petits mots. Mais en me creusant la tête, j'ai réussi. J'ai dicté à mon portable ce que je voulais dire, avant d'imprimer les phrases une à une sur un papier de couleur différente, afin de savoir que la bonne description allait dans la bonne pièce.

J'espère que je ne me suis pas foiré. J'espère que ça ne lui a pas fait peur, que je me projette autant. Mais en même temps, il faut savoir ce qu'on veut. Et ce que je veut, c'est elle. Pour toute la vie.

Savoir que quelqu'un est fait pour nous, ce n'est pas évident. On a peur de se planter, d'aller trop vite. Et même quand on est sûr, tout peut arriver. Mon père était persuadé que Chantal était la bonne, mais il a déchanté. Ils ont divorcé. Ça arrive.

Toutefois, je sais que Véga, c'est ma moitié. C'est une certitude. Peut-être que je ne suis pas la sienne, mais je pense que si.

Je nage moins longtemps que d'habitude, trop pressé de rentrer à l'appart et de découvrir ce qu'elle a à me dire.

— T'as déjà là ? remarque Oscar quand je passe la porte.

Je ne lui réponds même pas et file dans ma chambre récupérer la lettre cachée dans un tiroir du bureau.

— Tu manges pas ?

— Si, si, j'arrive, je crie avant de claquer ma porte.

Mais avant ça, je dois lire. Seul. Si c'est vraiment une lettre, je me demande comment je vais y arriver. Mes yeux vont saigner. Mais je me refuse à demander à Oscar une nouvelle fois. Je me débrouille.

À la lettre prèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant