CHAPITRE VI : Une petite bande

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- 17 septembre 2028 - Pennsylvanie - Allegheny National Forest

Raphaël entra dans la chambre en claquant la porte. La superbe salle parquetée l'accueillit comme un temple, calme et serein, où les rayons du soleil caressaient le plancher. Cameron, vêtu d'une large chemise à manches courtes rentrée dans un pantalon chino, travaillait sur le petit établi d'alchimie dont ils disposaient et qui était installé contre le mur intérieur de la chambre, coté porte. Sur l'étagère supérieure de la desserte, un petit bol où brûlait du palo santo fumait paresseusement. Son camarade lui jeta un regard interrogatif. Sa clairvoyance était telle qu'il pouvait distinguer l'aura de colère attachée à Raphaël.

— Eh bien, commenta-t-il, quelle humeur. Je vais brûler de l'encens.

Tandis que Cameron s'activait, Raphaël marcha jusqu'à son lit, retira ses chaussures et s'y affala lourdement. Le ventre noué, il passait et repassait la scène dans sa tête. Il avait menacé Zachary. Il s'était senti prêt à mettre ses menaces à exécution. Cependant, avec le recul, il réalisait à quel point il ne voulait pas en arriver à de telles extrémités. Parce qu'elles impliquaient de tout perdre. Il commençait à sérieusement craindre que sa scolarité ici ne soit en danger, son esprit ombrageux déployait toutes sortes de scénarios dont il sortait toujours perdant. La joie qu'il avait ressentie en entrant à Veritas s'évanouissait dans l'angoisse de l'instant.

Soudain, une odeur de lavande et de tilleul gagna ses narines, infiltra sa respiration puis s'épandit langoureusement dans ses poumons.

— Tu veux en parler ?

Il redressa la tête et aperçut Cameron, debout devant son établi, occupé à écraser des plantes avec un pilon. Raphaël laissa son crâne retomber dans le matelas.

— Non, souffla-t-il, ça va.

— Zachary Valdez est une véritable enflure.

Cette fois-ci, il s'assit complètement, interloqué. Comment savait-il ? Il ne voulait pas en discuter avec Cameron parce qu'il estimait ne pas le connaître suffisamment, mais son nouveau camarade semblait enclin à le déchiffrer. Il tourna son visage sculptural vers lui et déploya un sourire.

— Tu te demandes comment je le sais, pas vrai ? J'ai une très grande capacité de clairvoyance. Je sais que tu es en colère, que Zachary Valdez est en cause et que ta cousine a le béguin pour moi.

Raphaël rit doucement.

— Pour le dernier tu n'as pas vraiment besoin d'un don de clairvoyance.

— Ce n'est pas faux, admit-il sans cesser de sourire.

— Et alors ?

— Comment ça, « et alors » ?

— Brook, elle te plait aussi ?

Il secoua doucement la tête et baissa les yeux sur sa préparation.

— Tu détournes le sujet.

— Tu évites la question.

— Honnêtement ? C'est une très jolie femme, mais je ne la connais pas assez pour savoir. Peut-être qu'elle me plaira à moi aussi, ou peut-être pas. Peut-être que moi-même, je ne lui plairai plus. (Il se tourna complètement vers Raphaël.) J'espère que tu n'attendais pas une réponse réconfortante.

— Non. Je ne lui dirai rien de toute façon. (Il recula pour s'adosser au mur.) Tu prépares quoi ?

— Une décoction contre les maux de tête, pour une amie à moi qui est non-dotée. Elle m'avait demandé la recette, j'ai dû lui expliquer qu'elle ne serait efficiente que si elle est préparée par un mage.

RivalitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant