CHAPITRE XLVI : La vraie question

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- 12 février 2029 - Pennsylvanie – Jackson Township

Sous le ciel blanc du matin, les toitures des lotissements s'alignaient les unes derrière les autres, le long de la rue étroite et peu fréquentée. La modeste demeure des Anderson parut dans la lumière froide de cette journée hivernale. Zachary gara la voiture près du trottoir, puis tous deux descendirent, direction le petit porche couvert de crépis. Raphaël ouvrit et s'engouffra dans la chaleur du hall, suivi de près par son Némésis, qui referma dans leurs dos. À l'instant où le battant claqua, Carmen surgit hors de la cuisine pour débarquer dans le salon, en robe de chambre et une tasse de café à la main. Elle gratifia les deux hommes d'un regard immense.

— Raphaël ! s'exclama-t-elle. Tu aurais pu prévenir que tu ne rentrais pas, je me suis fait un sang d'encre ! (Elle s'approcha et toucha son visage.) T'es pâle comme la mort, t'es malade ? Vous avez trop fait la fête ?

— Je suis désolé, répondit simplement Raphaël. J'aurais dû vous prévenir, c'est que...

Aucune excuse ne put franchir ses lèvres.

— C'est de ma faute, intervint Zachary. J'avais perdu son téléphone, Raphaël n'y est pour rien, il a dû passer la nuit avec moi.

Carmen élargit le regard et Zachary réalisa l'ambigüité de sa phrase. Putain, le con.

— Parce que je vomissais. J'étais bourré.

Elle va l'engueuler.

— Mais lui non, c'était juste moi.

Carmen pouffa.

— Zachary... j'apprécie l'énergie que tu mets à protéger mon fils, mais je sais reconnaître un mensonge quand j'en vois un. Et tu mens très mal, renchérit-elle en lui adressant un clin d'œil hilare.

Il détourna les yeux et Raphaël avala ses lèvres, très amusé mais parfaitement touché.

— Désolé, lâcha le fils Valdez.

— Je ne suis pas fâchée, lui répondit gentiment Carmen. J'aimerais juste savoir ce qui s'est passé, mi pequeño.

— Rien de grave, maman. J'ai oublié de vous prévenir. Désolé de vous avoir inquiété.

Sa mère lui adressa un regard inquisiteur qui glissa ensuite vers Zachary.

— Zachary, ça te dirait de rester manger ?

Le jeune homme leva sur elle ses deux yeux surpris puis se tourna vers Raphaël. L'illusionniste lui adressa un sourire radieux et il abdiqua, vaincu par le feu de ses immenses prunelles.

— Pourquoi pas, oui.

Sa réponse se fit moins enjouée que voulu, mais le jeune homme n'avait pas l'habitude d'être très démonstratif. Son expression émotionnelle demeurait limitée par l'habitude qu'il avait, avec sa famille, de ne jamais rien laisser paraître. En vérité, il était heureux de passer du temps avec Raphaël, mais la perspective de manger en compagnie de ses parents le laissait quelque peu mal à l'aise. Nous étions dimanche, aucun d'entre eux ne travaillaient. Carmen offrit à Zachary de prendre un café et l'invita à s'asseoir avec elle dans la cuisine, où Noah préparait des Migas à l'espagnole. Raphaël, le menton appuyé dans la main, somnolait presque, tandis que sa mère, curieuse et enjouée, livrait son Némésis à un interrogatoire mal déguisé. Une fois le repas prêt, ils s'installèrent tous à la table rectangulaire qui occupait le mur du fond, juste sous l'une des fenêtres de la cuisine.

— Sers-toi encore Zachary, insista Noah, tu n'as presque rien pris.

— Je n'ai pas très faim.

— Allez, prends-en plus ! Un gaillard costaud comme toi doit bien manger.

RivalitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant