Rivalité

CHAPITRE XL : Seven Dragons

- 7 février 2029 - Pennsylvanie – West View

La chambre de Raphaël était une petite pièce couverte d'une vieille tapisserie blanche à motifs floraux et dont le parquet de bois grinçait. Elle était munie d'une unique fenêtre, dans le mur en face de la porte, donnant directement sur le voisinage. À droite se trouvait son lit une place, confortable, avec d'anciens montants à barreaux blancs, tandis que de l'autre côté siégeait son bureau, devant lequel il était assis, les yeux rivés sur son ordinateur. Une pluie fine battait tranquillement les carreaux. Dehors, le jour blanc laissait passer une lumière froide dans la chaleur de la salle.

Raphaël faisait défiler la liste d'écoles de magie Pennsylvaniennes que proposait le site. Aucune des plus réputées n'acceptait les élèves renvoyés pour faute grave, comme lui. Ne restait alors que les cinq dernières écoles, celles qui étaient les moins bien classées. Il y en avait une assez proche de chez lui, « Seven Dragons », mais il s'agissait de celle dont il revenait.

Elle était connue pour être l'un des établissements les plus mal fréquenté de l'état. Difficile d'accéder à un poste à hautes responsabilités lorsque l'on sortait d'un tel endroit, mais le jeune homme n'avait pas vraiment le choix. Ses parents n'avaient pas les moyens de déménager pour le moment et Seven Dragons était l'unique établissement des environs à accepter les étudiants dont le dossier scolaire avait été entaché.

Et dire que quelques jours plus tôt, il était à Veritas ! Il plongea son visage dans ses mains, abattu. Il se remémorait sans mal les heures supplémentaires, le soutien scolaire et toutes les révisions interminables qu'il s'était infligé dans son ancienne école, afin d'être accepté à Veritas.

La plupart des élèves à Seven Dragons étaient dissipés et bruyants, à tel point qu'il était plus difficile pour lui, à l'époque, d'étudier dans l'établissement que d'étudier chez lui. C'était un retour à la case départ. Il se rappelait des jours où, rentrant à vélo avec Brook, ils discutaient de ce qu'ils feraient lorsqu'ils seraient acceptés à Veritas. Il se rappelait des hurlements des étudiants dans les couloirs, des courses, des bagarres entre groupes et affaires sordides tout droit sorties d'une production Hollywoodienne. Pour endiguer la violence et assurer la sécurité des élèves, mais également des professeurs, l'établissement avait mis en place des règles strictes, engagé d'anciens protémages comme surveillants, instauré un système punitif cruel ainsi qu'un couvre-feu. Beaucoup de choses possibles à Veritas étaient interdites à Seven Dragons : s'entrainer dehors, patienter dans les couloirs, se réunir près des portes, avoir son portable sur soi. En entrant, les élèves étaient systématiquement fouillés, les dortoirs comptaient des dizaines de lits et pas de bureau. L'école était constamment en manque de matériel.

Penser à y retourner faisait non seulement sentir à Raphaël un profond sentiment d'échec, mais également de l'appréhension. L'illusionniste n'avait jamais eu de souci à Seven Dragons. Il faisait partie d'un groupe, allait à la salle, pratiquait le Pencak Silat et avait toujours eu recours à la violence. Sa carrure et sa taille, mais également ses bonnes compétences de mage, lui avaient valu de mettre au tapis tous les types qui avaient tenté de le soumettre. Beaucoup de provocateurs étaient passés sous ses poings et Raphaël, qui avait en lui un surplus de rage incontrôlable, avait usé des conflits comme d'une excuse pour se défouler. Et ce n'était pas à Seven Dragons qu'on portait plainte pour un coup de poing, les conflits étaient réglés en interne. Cependant, Raphaël ne se sentait pas apte à faire face à ses anciens amis. Qu'allaient ils dire ? Ils risquaient fort d'en rire. Il les entendait déjà : « Alors, les bourges t'ont viré ? » ou « Ils n'ont pas aimé l'odeur de la pauvreté ? ». Il ignorait même si on lui ferait bon accueil, sachant qu'il n'avait pas vraiment cherché à les recontacter.