CHAPITRE XXXI : Maintenant, tu me hais.

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- 23 janvier 2029 - Pennsylvanie - proximité de Pittsburgh

Raphaël essuya rapidement ses yeux, enfonça une main dans sa poche et en sortit un bracelet brésilien usé. Il le regarda longuement, sans parler, avant d'enfin ouvrir la bouche.

— Tu te souviens ? souffla-t-il. Tu m'avais dit... que tu gardais le Nisivita ultimum pour te souvenir... de ce que tu avais fait.

Zachary hocha silencieusement la tête, les yeux fixés sur son Némésis, rongé par l'appréhension. Qu'allait-il lui dire ? Raphaël leva son regard empli de détresse vers lui, les sourcils bas et tristes, avant d'avouer :

— Pour moi, c'est pareil. Il y avait... un garçon, dans mon ancien collège. Il s'appelait William... Chandler. Il n'était pas franchement sociable... Il n'avait pas vraiment d'ami et moi... tu t'en doutes, (Il sourit un peu, sans joie aucune.), j'en avais plein. On le taquinait un peu, au début... on pensait que c'était juste des blagues. Puis c'est devenu un truc qu'on faisait tous les jours. Tous les jours, on le faisait chier. Tout... était un prétexte pour se foutre de lui. Ses lunettes, son nom, ses cheveux, ses t-shirts...

Zachary l'écoutait attentivement, sentant la stupeur grandir à mesure que se déroulait le long fil d'une histoire qu'on redoutait de lui révéler. Il voyait s'ébaucher un portrait de Raphaël qu'il n'aurait jamais envisagé.

— On lui a pourri la vie, putain... je m'en veux tellement. (Il marqua une pause.) Ses affaires finissaient dans les poubelles, on le bousculait, on cherchait des insultes, c'était devenu un jeu... (Il avala ses lèvres, les yeux humides.) Ça me faisait rire... et plus je l'emmerdais, plus les autres riaient comme des cons... J'avais l'impression d'être le type le plus cool du collège.

Raphaël baissait les yeux sur ses genoux, incapable de croiser le regard de Zachary. La tristesse le tenaillait, une culpabilité irrespirable qui ne l'avait jamais quitté.

— Tu n'aurais pas voulu me connaître à ce moment-là, Zach... Arrête de croire que j'aurais dû arriver avant... je n'aurais jamais dû arriver du tout. (Ses lèvres trémulèrent.) Tu n'imagines pas toutes les horreurs qu'on lui a fait... j'étais un monstre, Zach... j'en serai toujours un.

Le fils Valdez ouvrait la bouche sans s'en apercevoir. Raphaël dans le rôle du bourreau était l'idée la plus invraisemblable qu'on ne lui avait jamais présentée. Il ne pouvait pas s'y résoudre, mais la vérité était là, en face. Crue, tranchante, implacable. Il déglutit.

— Qu'est-ce... qu'est-ce que vous lui avez fait ?

— On l'a coincé dans un vestiaire... on était cinq, on l'a tabassé... Il était devenu comme... comme une chose, parce qu'on pouvait lui faire n'importe quoi. Il était tellement sans défense ! (Il leva les yeux vers le ciel, retenant un afflux de larmes.) Il disait « Je vais le dire à mes parents ! »... on lui disait que nous balancer aux adultes c'était un truc de faible... et il n'osait jamais. Mais c'était nous, les faibles. (Il secoua la tête.) Personne n'est jamais intervenu... tous les jours... tous les jours je regrette que personne ne soit intervenu. Alors j'essaye... d'être celui qui intervient. J'essaye de le sauver... alors que c'est déjà trop tard...

Deux nouvelles larmes percèrent sa rétine et il les essuya rageusement.

— Je ne devrais même pas pleurer... je n'ai pas le droit, putain...

Le voir accablé fendit le cœur de Zachary, mais il n'osa pas le toucher, de peur de briser quelque chose. La révélation avait mis comme un mur entre eux et il ne savait plus comment se comporter face à cette nouvelle personne, cet étranger qui avait un jour porté le masque du Raphaël qu'il connaissait. Il était mal à l'aise.

RivalitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant