CHAPITRE XXVIII : Fou de lui

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- 21 janvier 2029 - Pennsylvanie - Allegheny National Forest

Raphaël sentit l'appréhension poindre puis s'intensifier, en croisant le regard de son Némésis planté dans le sien. Zachary le fixait. Que pouvait-il lui dire ? Ses yeux noirs luisaient comme deux belles obsidiennes où semblait danser le doute. L'inquiétude creusait une ride entre ses sourcils et sa bouche gonflait une moue chagrine. Que pouvait-il lui dire ? Sinon qu'il l'aimait un peu trop.

Sinon qu'un type violent et hors de contrôle l'aimait un peu trop.

Zachary n'était pas vierge de tous reproches, loin de là, cependant il semblait avoir aimé chez Raphaël tout ce qui faisait de lui un « type bien ». Comme tous les autres, il avait dû être séduit par son aura de sauveur, ses belles actions, son comportement impeccable proche du sans faute. Du moins, c'était ce qu'il croyait. S'il lui disait la vérité, qui sait comment Zachary pourrait réagir ? Il risquait de le perdre et cette pensée le terrifiait. Malheureusement pour son cœur, sa conscience était inflexible. Quand il n'était pas hors de lui, elle le rappelait à l'ordre et il ne se sentait plus obligé que du meilleur, comme s'il pouvait racheter le pire.

Il lui devait la vérité, parce qu'il ne pouvait se résigner à le laisser aimer le même mensonge que celui qu'il réservait aux autres. Alors, il prit sur lui et, acceptant la potentialité de le perdre, avoua d'un trait :

— J'ai tabassé le type dans le café. Celui qui était assis derrière toi.

Les yeux de Zachary devinrent plus ronds que des billes. Il tomba des nues, abasourdi. Raphaël ? Son Raphaël ? Le gentil garçon qui faisait des tours de passe-passe aux élèves et sauvaient les filles en détresse ? La seule question qui franchit ses lèvres fut :

— Hein ?

— J'ai tabassé le type assis derrière toi dans le café, dimanche.

Le fils Valdez battit des paupières, prolongeant l'instant, rendant l'attente interminable pour le cœur comprimé de Raphaël.

— Attends, t'es en train de me dire que tu as tabassé le mec, dimanche, assis dans le café derrière-moi, répéta-t-il pour être sûr. Toi. Toi tu as tabassé un type.

— Oui...

— Mais là, quand on est partis ?

— Quand je t'ai dit que j'allais chercher mon portable.

La sidération lui ouvrit grand la bouche. Zachary n'en revenait toujours pas. Il avait beau comprendre que l'information était là, réelle, son cerveau ne voulait rien admettre. Il était choqué.

— Mais... devant tout le monde ?

— Non, dans les chiottes. Personne ne m'a vu.

Ses pensées s'éclaircirent, dissipant le brouillard mental qui le rendait confus. Il observa longuement son Némésis, ses cheveux châtains qui battaient son front, son air d'enfant pris sur le fait et ses yeux bicolores, plantés dans les siens comme s'il se préparait à une quelconque sentence. Il se souvint de Lucy et Christopher et du fait qu'il avait confirmé à Raphaël qu'il s'était passé quelque chose, laissant deviner qu'ils lui avaient fait du mal. Il n'était pas dupe quant aux motivations de son Némésis et l'idée qu'il soit allé frapper son ennemi pour le venger lui rendit l'action toute agréable.

— Tu l'as frappé... à cause de ce que je t'ai dit ?

Raphaël avala ses lèvres et hocha la tête. Malgré la violence de l'acte, Zachary ne put réprimer la chaleur qui s'épandit dans sa poitrine, ni la pression amoureuse qui palpa son cœur. Son amant avait été en colère pour lui. Il avait pris sa défense. C'était la première fois que quelqu'un prenait sa défense. Une émotion toute neuve noua sa gorge et ses yeux s'embuèrent. Il baissa le regard, embarrassé.

RivalitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant