CHAPITRE XXV : Duplicité

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- 17 janvier 2029 - Pennsylvanie – proximité de Pittsburgh

Zachary n'avait pas croisé son frère, en descendant préparer le petit déjeuner, mais il avait tout autant pu être dans sa chambre. Depuis quand ? Il l'ignorait. Sullivan était parti la veille au soir pour se rendre chez une fille et avait assuré ne pas rentrer avant le lendemain. Est-ce qu'il venait d'arriver ? Tatoué, aussi ténébreux qu'une romance l'aurait désiré, l'aîné des Valdez examina Raphaël de bas en haut, avant de se tourner vers son frère et de lâcher :

— Salut petit frère.

— Salut, t'es rentré ce matin ?

Sullivan le jaugea en haussant un sourcil inquisiteur.

— Tu veux savoir si j'ai conclu ? (Il sourit.) Évidemment. Tu ne me présentes pas ton pote ?

— Ah, heu, si. C'est Raphaël.

— Marrant. Je ne vous ai jamais vu ensemble. T'es nouveau ?

— Je suis arrivé cette année, répondit simplement ce dernier.

Quelque chose chez Sullivan le dérangeait. C'était sans doute l'étrangeté de son sourire, la mesquinerie de ses yeux sombres, à la fois identiques et étonnamment différents de ceux de Zach. Tout, chez lui, le tendait comme un arc et le poussait à la méfiance.

— Vous êtes bizarres tous les deux, commenta le tatoué.

— On va y aller, répondit rapidement Zachary, on a des trucs à faire.

— Un dimanche ? Vous allez à la messe ? (Il gloussa.) Ben, fais ce que tu veux petit frère.

Sur ce, les deux jeunes hommes saluèrent une dernière fois l'énigmatique ainé et quittèrent la maison pour rejoindre la voiture. Une fois dans le véhicule, le portable de Zachary vibra dans sa poche. Il le sortit et lut le message qu'il venait de recevoir : « Surveille tes fréquentations. ». C'était son frère. Un vague frisson lui parcourut la colonne, mais quand Raphaël lui demanda qui l'avait contacté, il répondit que ce n'était rien.

Ils se rendirent à Pittsburg en quelques minutes seulement et décidèrent d'aller visiter le parc de River View, que Raphaël n'avait jamais vu. Ce jour-là, un soleil froid nappé de brume perçait le ciel bleu de l'hiver. Aucun vent, simplement l'air immobile et glaçant, les arbres défeuillés dégageant une aura triste, l'herbe verte, gorgée par la bruine matinale, qui s'étendait un peu partout entre les chemins pavés. Ils croisèrent plusieurs promeneurs et quelques coureurs courageux, puis décidèrent d'un commun accord de se rendre dans un café pour se réchauffer un peu. Ils en trouvèrent un qui était ouvert, non loin du parc et qui était suffisamment tranquille pour attiser leur intérêt. Ils avaient peu de chance de croiser quelqu'un de leur entourage, mais craignaient tout de même une rencontre subreptice risquant de ruiner leur matinée. Raphaël et Zachary pénétrèrent les lieux exigus et décorés à la façon d'un ancien café français. Aucun client sur place. On y proposait toutes sortes de boissons chaudes, pâtisseries et gâteaux. Le fils Valdez demanda un café allongé, sans sucre. Son Némésis opta pour un chocolat liégeois et il l'observa savourer la chantilly en étendant un sourire moqueur. La banquette était suffisamment confortable pour qu'il se laisse aller dans le dossier.

— Quoi ? demanda doucement Raphaël.

— Rien.

— Tu me fixes.

La sonnette retentit. Raphaël, qui était face à la porte, vit entrer une jolie fille aux cheveux naturellement platinés, ainsi qu'un jeune homme assez banal, qu'il devina être son petit ami, à la façon dont ils se tenaient la main. Les deux se rendirent au comptoir pour commander, puis prirent place à la table située juste derrière Zachary. Raphaël détacha son attention d'eux pour la reporter vers son amant, s'il pouvait l'appeler ainsi, mais celui-ci lui sembla étonnamment tendu. Il s'était décollé du dossier de la banquette et fixait son café. Il vit clairement les jointures de ses mâchoires se dessiner, signe qu'il serrait les dents.

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