8h37. Je fixe l'horloge depuis le début du cours. Hadda n'est toujours pas là. Ça ne lui arrive jamais de rater les cours. On est en novembre et ça ne lui est jamais arrivé une seule fois. Ça lui arrive d'avoir du retard, et encore, c'est une histoire de quelques minutes. Pas trente-sept. Ça m'inquiète, tout de même. Qu'est-ce qu'elle peut bien faire ? Faut que j'me calme. Peut-être qu'elle n'a juste pas entendu son réveil. Peut-être qu'elle est juste malade. Peut-être qu'elle a juste dû accompagner ses souy à l'école. J'en sais rien.
- Nina, je chuchote en tapotant son dos. Eh, Nina !
- Tu veux quoi ? me répond-t-elle en se retournant, agacée.
- Elle est où Hadda ?
- J'sais pas. Je lui ai envoyé un message mais elle m'a toujours pas répondu.
- Tu sais où elle habite ?
- Bah oui, logique. Pourquoi ?
- Viens on va voir chez elle après, on a une heure de trou. La prof d'anglais elle est absente.
- Si tu veux.
Je me rassure en me disant que, dans une demi-heure, on la retrouvera chez elle, saine et sauve. Qu'on retournera tranquillement tous les trois sur le chemin du lycée, pour le cours de 10h, comme trois bons amis.
La fin du cours retentit enfin. Je me précipite dans le couloir pour que Nina ne m'oublie pas. Elle fout les jetons, sa pote. Dans le genre femme fatale qu'il ne faut pas faire chier, elle est haut classée. Un faux pas et elle est capable de m'anéantir, sa pote.
Enfin sortie de la classe, Nina me fait signe de la suivre. Elle ne m'attend même pas un peu. J'ai l'air d'un vrai petit toutou à lui emboîter le pas en trottinant.
- Wesh Nina, pas si vite stp !
- T'es pas pressé de voir Hadda ?
- Si, si, bien sûr.
Je m'en arrête là pour ne pas m'enfoncer. Elle serait capable de relever n'importe lequel de mes mots pour me torturer, me faire douter, ou me faire passer pour un bon à rien.
- Ecoute, Hedi, je vais être cash avec toi. Au début, ça me faisait plaisir de voir Hadda bien s'entendre avec un garçon. Enfin, je sais pas où vous en êtes ni ce que vous ressentez tous les deux, même si mon flair se trompe rarement. Mais tout ça pour dire que, maintenant, je suis plus aussi enthousiaste à cette idée. Elle m'a raconté pour Alice. Je sais pas si t'es un gars bien pour Hadda. Toi, Tim, tous vos potes. J'entends vos histoires de charognards dans les couloirs. Peut-être que toi t'es pas comme eux, mais pour l'instant, t'as pas non plus prouvé le contraire. Crois pas que parce que tu vas lui sortir le grand jeu une ou deux fois que ça sera gagné pour toi, ça serait mal connaître Hadda. Et vous avez beau partager beaucoup de choses en commun, pour l'instant, j'te sens pas.
Chacune de ses phrases me percute le cœur. Chacune de ses phrases est une gifle pour ma conscience. Je ne sais même pas quoi lui répondre. J'ai bien compris que les mots ne suffisaient pas, qu'il fallait des actes pour prouver ma sincérité.
- J'comprends que tu t'inquiètes pour ta meilleure pote, c'est normal. Mais tu connais rien de moi. Rien du tout. J'prouverai tout le contraire de ce que tu penses de moi. Parce que Hadda...
Parce que Hadda, je l'aime. Enfin je crois. J'ai failli le dire à voix haute. Mais c'est à elle que je dois l'avouer en premier. Pas à Nina. Oui, je crois que je l'aime, il faut que je l'assume. Je n'ai jamais autant pensé à quelqu'un de ma vie. J'pensais pas que ça m'arriverait, pas maintenant. Et à vrai dire, j'ai peur d'aimer. Je ne sais pas comment on fait. Mon seul modèle d'amour, c'est ma grand-mère, c'est tout. Le reste du monde m'a abandonné. Ç'a toujours été moi contre le monde entier.
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Amour chronique [J'écoute encore les étoiles chanter] - TERMINÉE
Teen Fiction[Complète] C'est un soir qu'il est parti. Sans un mot. Sans un bruit. Le lendemain de son départ, Hadda trouve une lettre sur le bureau de son grand frère. Je ne reviendrai pas, a-t-il écrit. Mais Hadda refuse de se contenter de l'histoire officiell...