Amour chronique [J'écoute encore les étoiles chanter] - TERMINÉE

La poudre

Un dernier coup de poudre. Un dernier coup de gloss. Un dernier coup de highlighter. Sans oublier nos fameuses créoles à strass, et nos chaînes en or. La mère de Nina, qui nous attend depuis déjà presque un quart d'heure dans la voiture, nous crie de nous dépêcher de finir de nous préparer. Je lisse une dernière fois les cheveux de Nina à l'arrière de sa tête afin de s'assurer qu'il n'y ait pas une seule mèche de cheveux qui bique. Petit mirror selfie avant que le charme du maquillage ne rompe et nous sommes fin prêtes à partir. Cette année, c'est la première fois que l'on fête le nouvel an ensemble, alors il faut que tout soit parfait. Habituellement, on le fête chacune de notre côté avec nos familles respectives. Cette année, Emma a invité toute la classe pour le fêter, afin qu'on puisse profiter au maximum de notre dernière année au lycée. C'est la première fois que mes parents me laissent aller chez une amie jusqu'après minuit. Si je suis surexcitée à l'idée de festoyer avec mes amis, j'avoue ressentir une certaine nostalgie à l'idée de ne pas sauter le cap entre deux années avec mes proches et de savoir être la seule qui ne sera pas présente. Les danses sans fin sur du raï algérien et les jeux avec mes cousins me manquent déjà. Mais bon, il faut bien couper le cordon. Et puis, il y aura Hedi. Ça me fait chier qu'on se soit éloignés pour de la merde. Qu'on ne se parle plus autant. Je ne comprends pas comment tu peux autant donner à quelqu'un puis finir par te rétracter sans raison. Et j'en ai marre de ne pas savoir où nous en sommes. J'veux dire, il sait que je l'aime, je sais qu'il m'aime, enfin, d'après lui. Qu'est-ce qu'on attend ? Est-ce qu'il pensait réellement ce qu'il m'a dit ? Est-ce qu'il ressent toujours autant la même chose ? Peut-être que la magie est partie, qu'il s'est rendu compte que je n'étais pas faite pour lui. La dernière fois, il paraissait si sincère mais ce n'était peut-être juste sur le moment. Peut-être qu'il ne pensait pas un mot de ce qu'il m'a dit. Même si c'est le cas, je veux l'entendre de vive voix. Je veux être enfin fixée. Pouvoir avancer. Moi, depuis, je sais ce que je ressens. Mes sentiments prennent un peu plus de place chaque jour et j'aimerais pouvoir les refouler si les siens ne sont pas réciproques, avant de devenir folle.

Arrivées chez Emma, celle-ci nous accueille à bras ouverts. Telle une pile électrique, elle déblatère un flot de paroles inarrêtable. Elle a le temps de prendre nos manteaux, nous montrer où l'on peut trouver les chips, les bonbons et les boissons, nous fait visiter sa maison et nous demande de noter les chansons qu'on aimerait passer durant la soirée. Leïla, Léo, Sarah et Timothée nous prient de les rejoindre sur le fauteuil. Tout le monde n'est pas encore là, personne n'a donc commencé à danser. On se contente de picorer quelques chips et d'entamer la bouteille de Coca, un peu gênés dans nos habits du 31, n'échappant pas aux moqueries aussi inévitables qu'affectives des garçons. Peu à peu, le salon se remplit. Les sonneries à la porte défilent, tout comme Emma qui passe son temps à faire des allers-retours pour l'ouvrir.

- Hedi arrive, préviens Timothée qui vient de recevoir un message de son meilleur ami.

Mon cœur fait un bond et je me mets impulsivement à enrouler mes doigts dans les mèches de mes cheveux. Ding-dong. C'est sûrement lui. Une nouvelle fois, je frôle l'arrêt cardiaque. Je suis du regard l'ouverture de la porte qui finit par dévoiler Hedi, dans sa belle chemise noire, son pantalon droit et ses éternelles Air Max qui le trahissent. C'est rare de le voir habillé de cette manière. J'ai l'impression de découvrir un autre Hedi, un peu plus âgé, un peu plus posé. Ça lui va bien. Je détourne le regard histoire de ne pas me faire cramer. Non, je ne veux pas qu'il pense que je l'attendais avec impatience. Je me sers un autre verre de Coca et demande à l'assemblée qui veut être servi de nouveau. Alors que je tourne le dos au reste du monde, je devine les pas de Hedi s'avancer dans le salon, ses mains checker tout le monde, et lui s'approcher un peu plus de moi.

- Wesh Hadda, me fait-il en posant sa main sur mon épaule.

- Wesh. Désolée, je t'avais pas vu arriver, je lui réponds en me retournant avec un grand sourire.