Zéro pointé

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Presque une semaine. Presque une semaine que Hadda et moi n'avons pas échangé un seul mot. Entre temps, Camille et moi avons continué de parler. Seulement parler. Les conversations avec elle n'ont rien à voir avec celles que j'avais avec Hadda. Brèves, pas très intéressantes, peu profondes. Ça va ? Tu fais quoi ? Quoi de neuf ? Ça me manque, les soirées passées à philosopher avec Hadda. Je pensais avoir envie d'être avec elle mais, si je m'intéresse à Camille, c'est que, finalement, pas tant que ça, non ? De toute manière, je ne sais pas ce que je veux mais je n'ai ni envie de lui faire du mal, ni envie de me faire du mal. Alors, ces derniers jours, j'ai trouvé plus judicieux de m'éloigner d'elle. Sans un mot. Sans un regard. C'est peut-être gamin d'agir comme ça mais y a pas de mode d'emploi pour ces choses-là.

Aujourd'hui, c'est vendredi. Le dernier avant les vacances. Hadda m'a envoyé un message, il y a deux jours, pour me demander comment on s'organisait pour finir le travail de litté. J'ai pas répondu. Ça m'a vexé qu'elle revienne vers moi pour me parler seulement du travail, sans même prendre de mes nouvelles. Ni des nôtres. Alors j'ai pas répondu. Je sais que je la mets dans la merde parce que c'est un travail noté important mais, moi, j'ai l'habitude des mauvaises notes donc ça m'est égal. Elle saura rattraper une mauvaise note, elle qui en récolte toujours de bonnes. Ça ne m'inquiète pas. Et puis, c'est pas comme si on n'avait rien fait. À la rigueur, on peut rendre ce qu'on a écrit. Même si c'est pas fini. Je dis ça comme ça mais, en vrai, je culpabilise un peu. Parce que je sais comment elle est. Je sais que les études, c'est tout pour elle. Et je sais qu'actuellement, elle doit être en état de stress intense. En vrai, avec un peu d'effort, on pourrait se rattraper... Le cours de français n'est qu'à la toute fin de la journée. C'est notre dernier cours. De 16h30 à 17h30. On a la pause du midi et le cours d'anglais pour avancer (étant donné que c'est la même chose qu'une heure de permanence). Je verrai. On pourra peut-être arranger les choses.

Cette semaine était vraiment étrange. J'ai passé mes journées à esquiver les gens, excepté Timothée. Entre Hadda, Jela et TJ... Y'avait personne que je voulais croiser. Aussi, ce matin, j'ai reçu du courrier. Le facteur s'était trompé de boîte aux lettres hier, c'est la voisine qui me l'a filé en me croisant dans le hall. C'est rare que j'en reçoive, j'ai ma petite idée sur ce que ça peut être. J'étais trop en retard en cours pour l'ouvrir sur la route.

Une fois en classe, j'ouvre l'enveloppe et sort à moitié la lettre. « Tribunal de grande instance ». Mon cœur palpite. Intrigué, je sors discrètement la lettre de son enveloppe, en-dessous de la table. Soit on m'a pé-ta avec Jela et TJ, soit...

C'est une date de passage devant le juge. Pour décider de mon avenir. Par rapport à ma mère. J'avais complètement oublié que c'était bientôt. La dernière fois, j'ai archi pas écouté l'assistante sociale qui est venu faire un bilan à la maison. J'étais plus occupé à penser à autre chose. Et puis, elle me faisait chier, celle-là. Les assistantes sociales, on dirait qu'elles se sentent obligées d'intervenir dans la vie de tous les pauvres. C'est vrai ça, quand t'es pauvre, on essaye de régler tous tes problèmes avec une assistante sociale. Comme si on n'était pas assez grands pour régler nos problèmes tout seul. C'est vrai ça, les riches, on leur envoie jamais d'assistante sociale pour décider de qui va hériter, de quel enfant a besoin d'une psy depuis qu'il a vu son bouy tromper sa youm avec la femme de son frère, de qui a besoin d'un suivi psychologique parce qu'il a été victime de manipulation, de pression familiale ou j'sais pas trop quoi d'autre. Non, eux, ils sont assez grands pour régler leurs problèmes seuls. Alors que, parfois, y a des trucs bien plus bre-som chez eux. Nous, même pour acheter des fournitures scolaires, y a l'assistante sociale qui nous ordonne un plan dont elle vérifiera même le suivi. Les riches, même s'ils dépensent des mille et des cent dans des futilités en un jour, personne ne vient leur établir de plan pour apprendre à mieux gérer leur argent. Moi, je les emmerde les assistantes sociales. Les éducateurs aussi. C'est pas parce que j'ai pas de parents que j'ai besoin d'eux. J'ai ma grand-mère et elle m'élève mieux qu'ils éduquent leurs gosses.

Amour chronique [J'écoute encore les étoiles chanter] - TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant