Juste un signe

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J'parle plus de Dieu que j'parle à Dieu

J'suis venu tout seul mais on repart à deux

Seule dans cette petite chambre bleue d'hôpital, je repense au hadith que m'a partagé Hedi. Et si c'était un signe.

Tous les jours, j'pèche et j'm'enfonce vers le bas

J'crois en Dieu mais j'sais pas si lui il croit encore en moi

Je me demande si Dieu m'entend, si Dieu me voit, s'Il est fier de moi

Et si, toi, aussi. À votre place j'le serais pas.

J'pense à c'qu'on était quand j'regarde les étoiles

Le bonheur n'vient pas à toi, le bonheur vient de toi

J'regarde ton visage cadavérique,

Mais toujours aussi angélique.

Et si c'était un signe.

Choses simples, le bonheur est dans les choses simples

Tout s'terminerait mal, j'arrête de prier

Car si Dieu m'donnait c'que j'voulais, j'm'en servirai mal

Choses simples...

Et si c'était un signe.

La chanson se termine et tes yeux s'écarquillent au même moment. Alors à moitié affalée sur ton lit d'hôpital bancal, je me redresse soudainement pour te laisser l'espace d'émerger. J'ai eu peur que ce moment n'arrive jamais. J'ai toujours peur. Te tenir la main, avec mes mains d'enfant, c'est comme tenir la ligne d'un cerf-volant, menacé par le moindre coup de vent. Et je ne veux pas que tu t'envoles.

Hedi et Nina sont repartis en cours. Tata Wahiba est repartie au travail, elle reviendra ce soir. Nous voilà plus que toi et moi, toutes les deux. Ça devient rare, ces derniers temps. Surtout depuis l'enterrement. C'est comme si on s'était éloignées pour se protéger. Comme si on avait peur d'une nouvelle séparation, et qu'on voulait à tout prix faire en sorte que si elle arrivait, il fallait qu'elle soit moins douloureuse. Mais rien ne peut séparer un enfant de son parent. Ce n'est pas vrai, qu'on s'est éloignées, finalement. On est toujours aussi proches. Je suis toujours là, avec toi, à chaque étape importante de ta guérison, comme tu es toujours là, avec moi, à chacun de mes nouveaux pas. Je sais que tu sens tout ce que je ressens. Je sais que tu penses à moi tout le temps. À nous. C'est ce que je fais aussi. Ce qui nous éloigne aujourd'hui, c'est seulement la parole.

- Yimma ? T'es réveillée ?

Ton visage me console, m'assure que tout va bien. Que tu es juste fatiguée. Parfois, c'est comme ça qu'on communique, on lit seulement entre les lignes de nos visages respectifs. Et ça fonctionne.

- Je suis désolée... je lui déballe la voix rouillée par les larmes.

- Pourquoi donc ? m'adjure-t-elle en se penchant vers moi.

- J'ai l'impression que c'est de ma faute, si tu es là, sur ce lit d'hôpital. J'ai peur de t'avoir trop tracassée, en me voyant dans la chambre de Djazil...

- Mais non, ma chérie... Rien n'est ta faute, benti.

Je scrute les lignes de son visage un instant, devinant les non-dits derrière son silence.

- Tu sais, yimma, tu peux pas toujours me bercer d'illusions avec des mots-doux. Je suis grande, maintenant. J'ai compris que la vie n'était pas un long fleuve tranquille. Et je vois bien l'inquiétude se fondre dans chacun de tes traits, lorsque tu me dis que tout va bien.

Amour chronique [J'écoute encore les étoiles chanter] - TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant