Amour chronique [J'écoute encore les étoiles chanter] - TERMINÉE

Se retrouver

Depuis que j'ai été interrogée par la police, je me sens plus apaisée. C'est comme si on m'avait enlevé une épine dans le pied qui était restée plantée là depuis dix ans. Je ne suis plus seule. Une vraie enquête va avoir lieu. Et je saurai enfin, si Dieu le veut, la vérité. Y a ce truc au fond de moi que je n'avais pas ressenti depuis très longtemps. Ce truc qui me fait me lever apaisée. Ce truc qui me fait me sentir plus légère, en sécurité, peu importe ce qui advient durant ma journée. C'est comme si ma grosse boule d'angoisse s'était endormie. Mais je la sens encore prête à se réveiller à la moindre chatouille.

Je suis arrivée une heure à l'avance au lycée aujourd'hui. On commençait tard alors j'ai voulu en profiter pour aller au CDI. J'y allais tout le temps avant. J'aime y passer du temps, me balader entre les étagères pleines de livres, caresser ceux-ci un par un, me laisser surprendre par les couvertures et les quatrièmes de couvertures, jusqu'à trouver le bon. En plus, au CDI, il y a des petits fauteuils pour s'installer. C'est confortable pour la lecture. Et puis, les dames du CDI sont super gentilles. Elles me conseillent toujours leurs coups de cœur et prolongent toujours mon prêt lorsqu'elles voient que je tarde à rendre les livres empruntés. Je crois qu'elles m'aiment bien. Cet endroit va me manquer l'année prochaine. Il paraît que les bibliothèques universitaires sont hyper grandes et qu'il y a encore plus de choix. C'est cool, je n'aurai pas à dépenser mon argent dans les livres.

Je suis arrivée à l'avance aussi parce que j'ai donné rendez-vous à Demba. Je ne lui ai pas encore parlé de ce que j'ai vu la dernière fois. Je ne savais pas comment. Quand il arrive à ma hauteur, je ne réfléchis plus :

- Demba, je suis au courant.

Je lui tends la vidéo que j'ai pris le temps de filmer avec mon portable.

Gêné, il déglutit sans rien prononcer.

- C'est pour ça que t'étais bizarre ?

- Ouais... avoue-t-il en baissant la tête.

- Mais t'es au courant qu'on s'en fout, Nina et moi ? Par contre, les comportements de crasseux de ceux qui t'ont fait ça...

- Je sais... Mais... Y avait pas que moi dans cette histoire. D'abord, Youssef... Et puis ton frère, enfin ses potes, parce que lui n'a rien fait... Et puis Hedi, enfin, encore une fois, son pote, Jelani... Je ne voulais pas parler parce que j'avais peur que ça foute encore plus la merde. Y a déjà assez de bourbiers dans nos vies comme ça. Et y avait mon père aussi derrière tout ça. Je savais qu'il avait eu accès au fichier grâce à ton frère mais celui-ci a pris soin d'effacer la vidéo avant que mon père ne la voie. Il a voulu nous protéger, Youssef et moi.

- C'est pour ça qu'il tenait tant à la retrouver... C'était pas juste pour les photos.

- Quoi ?

- Non, rien. C'est une autre histoire encore.

- Tu vas le dire à Nina ?

- Et toi, tu vas le dire à Youssef ?

- Est-ce que c'est nécessaire ?

- Je sais pas...

- On verra plus tard alors... Chaque chose en son temps.

- J'peux te faire un câlin ?

- Bah ouais, c'est mieux qu'une blague ! Mais dépêche-toi, j'ai cours après !

Assise sur le fauteuil vieux-rose, je débute enfin la lecture qui m'a le plus alléchée dans les rayons. Au loin, je vois entrer Madame Jankowski, un sourire aux lèvres que je ne lui connais pas trop. Je lui renvoie un sourire et lui murmure un timide bonjour. Après avoir salué ses collègues et discuté avec les dames du CDI, Madame Jankowski se dirige vers moi.