Arrivées à l'hôtel dans Bristol, nous nous embrassons une dernière fois avant de sortir de la voiture avant que je ne paye le chauffeur. Dehors, l'air est assez frais. Kyra m'aide à sortir ma valise du coffre puis nous entrons dans le grand bâtiment.
K - Bon et bien... on est repartie, soupire ma compagne en se dirigeant vers l'accueil.
La réceptionniste nous donne nos clefs de chambre, nous sommes d'ailleurs surprise des numéros. La 77 pour moi, et la 78 pour Kyra. Nous serons non seulement dans le même couloir, mais également dans des chambres côte à côte, sachant que ma professeur a une chambre seule.
K - C'est... pratique pour nous, murmure Kyra avant d'entrer dans sa chambre.
J'ouvre la porte pour trouver Vicky posée sur son lit, sa valise déjà ouverte.
A - Hey, comment tu vas ? demandé-je en rangeant mes affaires.
V - Ça va au calme, les visites de cet aprem' étaient sympa.
A - Tant mieux. Et avec Moon ?
La jeune femme soupire un grand coup avant de se redresser en tendant les bras vers moi, réclamant un câlin. Sans hésitation je viens la serrer contre moi, sachant qu'elle a besoin de réconfort.
V - Il est toujours avec Mélissa. D'ailleurs, aujourd'hui ils se sont disputés, je ne sais pas à propos de quoi.
A - Ah bon ? Hmm... Je serais bien allée leur demander, mais ce ne sont pas mes affaires. Alors à moins que l'un des deux m'en parle spontanément...
V - Nan, mais je ne veux pas savoir. Je veux juste oublier, pour l'instant.
Nous restons encore quelques instants dans les bras l'une de l'autre. Une autre question me vient sur un problème bien plus important.
A - Et ton pseudo mariage arrangé ?
V - Rien de bien nouveau. Le type m'a envoyé des messages, je l'ai bloqué, soupire la blonde en enfonçant son visage contre mon ventre.
A - Hee doucement ! J'suis pas un airbag ! m'exclamé-je en riant.
V - Si ! Tu fais toujours en sorte que je souffre le moins possible dans mes situations merdiques.
Je caresse ses cheveux, touchée par ses mots. Evidemment que j'agis dans ce sens. Elle est comme un membre de ma famille.
A - Je t'aime, Vic', murmuré-je en embrassant le haut de son crâne.
V - Je veux bien sortir avec toi mais je croyais que t'avais une copine, me charrie-t-elle en relevant la tête.
Je réplique immédiatement en la frappant sans force.
A - Tu sais très bien ce que je veux dire, trou d'uc !
La jeune femme éclate de rire avant de me serrer d'autant plus contre elle, reprenant son sérieux.
V - Moi aussi, Wen. Tu es ma famille. Bon anniversaire, ma vieille.
A - Merci. Allons nous coucher, il commence à être tard.
Vicky me lâche, hochant la tête pour approuver l'idée. Je me dirige vers le placard et en sors mon pyjama avec une trousse de toilette, puis vais dans la salle de bain prendre une douche rapide sans manquer de me remémorer la journée, cette journée avec Kyra. Lorsque j'ai terminé, je regarde le miroir embué. Petit à petit, l'image devient de plus en plus nette, et j'apparais. Moi, et mes tâches. Ou plutôt, juste moi. Parce qu'elles font parties intégrante de moi, ces marques. Peut-être pas au point de me définir, mais elles sont un morceau de ce que je suis. Je me suis souvent dit que j'aurais été mieux sans, plus belle, plus acceptée. Est-ce que ça aurait été le cas ? Est-ce que j'aurais été une meilleure version de moi-même ?
Le regard que Kyra pose sur mes tâches se dessine devant mes yeux. Un regard émerveillé à chaque fois qu'elle voit mon corps, ma peau. Est-ce qu'elle m'aurait vu de la même façon ? Peut-être pas. Finalement, peut-être qu'elles me vont bien, ces tâches. "Une œuvre d'art", m'avait dit Kyra avant qu'on ne soit ensemble. C'est vrai, dans un sens. Je suis atypique, unique, comme un tableau. Des couleurs qu'on ne peut reproduire avec exactitude. Des couleurs. Pas une. De même que mes iris et mes pupilles, impossibles à reproduire. Rouge, bleu, gris. D'autres couleurs. Des yeux hazel version "moi".
Je suis différente, d'une différence qui me va bien. Sans elle, je ne serais pas Arwen Perçant, jeune adulte d'à peine 18 ans avec un passé tumultueux, ses traumatismes et son vécu. Je ne serais pas moi, mais une autre.
Finalement, peut-être que j'aurais vécu mieux, avec moins de souffrance sans cette maladie colorée. Mais... Peut-être que je n'aurais pas rencontré toutes les personnes auxquelles je tiens. Une vie sans Vicky, sans Moon, sans Solène, Gilles, Charlie, Paul, sans Mélissa, Iris et Léa, sans Nolan et Jennie, sans Gabin et Arthur. Une vie sans Kyra. Horrible. J'en frissonne rien que d'imaginer ce quotidien sans eux. Peut-être que je n'aurais pas autant subi, mais pour une vie avec eux, je revivrais de la même façon. Une vie avec eux en vaut largement la peine.
En me concentrant à nouveau sur mon image dans ce miroir maintenant sans buée, je remarque une larme sur ma joue. Une larme d'émotion. De tristesse, de joie, du sentiment d'avoir des gens qui comptent pour moi autour de moi.
Je l'essuie rapidement avant de me changer, me brosser les dents et de retourner dans la chambre. Vicky est déjà endormie. C'est très rapidement que je sombre à mon tour dans les bras du sommeil.
Le lendemain se passe de manière assez monotone. On nous dicte les instructions, on visite et on rentre. Les jours suivants se déroulent de la même façon, jusqu'au moment de retrouver notre pays chéri après être allé à Bournemouth. J'ai évidemment pu profité de quelques escapades avec Kyra. A quelques moments je nous sentais observées, mais Kyra ainsi que mes amis me disaient que j'étais parano. J'ai fini par les croire, je le suis probablement après autant d'évènements.
A - Bon dieu que ça fait du bien de rentrer ! m'exclamé-je en m'étirant alors que nous sommes enfin devant le lycée, qu'il est 19h08 et que déjà bon nombre d'élèves sont retournés chez eux.
K - Je suis d'accord.
A - Tu viens à la maison, ce soir ?
K - Non, il faut que je rentre chez moi ranger mes affaires, faire tourner une machine, faire le ménage et d'autres trucs chiants d'adulte, soupire ma professeur.
Je hausse les épaules pour toute réponse. L'une des nombreuses voitures de mes parents s'arrête à quelques pas, Gilles en sort avec Arthur qui porte son éternel costard de garde du corps ou agent de sécurité et chauffeur. Je m'élance vers mon père, ravie de pouvoir à nouveau le serrer dans mes bras. Il m'a manqué, véritablement. Parce que je n'ai vu que Maman, en Angleterre.
G - Comment vas-tu mon bébé ? demande-t-il en me serrant contre lui à m'en étouffer.
A - Je vais bien, même si je suis fatiguée.
G - Tant mieux. Donne ta valise à Arthur, il va la mettre dans le coffre.
Je m'exécute avant de me tourner vers Kyra et de la saluer de la main, regrettant de ne pouvoir l'embrasser en guise d'au revoir.
Un frisson me parcours l'échine. Encore cette sensation d'être observée... Hmm... c'est dans ma tête, hein ? Je regarde les alentours de manière à paraitre naturelle, mais je ne trouve personne de caché ou entrain de m'observer. Pourtant, le même frisson me parcours lorsque mon regard se pose sur un type qui ne me semble pas avoir déjà vu au lycée. Pas très grand, un pull gris à capuche rabattue sur sa tête, des cheveux bruns tombant devant son front. Mais il ne me regarde pas, il scrolle sur son portable. Une fille vient lui parler. Peut-être qu'il vient juste la chercher ? Oui, ça doit être ça. Il vient juste chercher quelqu'un.
G - Arwen, tout va bien ? s'inquiète mon père. Ça fait plusieurs fois que je t'appelle.
A - Ah, pardon. Oui, tout va bien.
Je regarde à nouveau vers le type, il a disparu.
A - Oui, tout va bien, murmuré-je à moi-même pour me rassurer.
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Au-delà Des Limites
RomantikUne boîte de nuit. Une femme au rouge à lèvres bleu. Une jeune femme de Terminale au corps de bronze taché de blanc. Une nuit mouvementée quelques jours avant la rentrée. Le lycée, un cours d'anglais. "C'est elle ?" pensent-elles en même temps, l'...