16. Les obkrycs

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— Tomasz ! s'écrie Chantsuko.

Elle tire sur la poignée devant elle, révélant l'entrée étroite d'une pièce saturée de lumière. Des porte-chandelles tombent du plafond, pluie de fer et de feu sur un monde incandescent, et éclairent une salle peuplée de colonnes couleur océan.

— Tomasz ?

Essoufflés par notre course dans les couloirs du palais et affaiblis par la kyrielle de marches gravies, nous franchissons le seuil à pas trainant sur les traces de la Xhiemenne. Bon sang... L'espace qui s'offre à nous s'avère bien plus vaste que le concevait mon imagination. Les piliers se dédoublent, se multiplient, déployant une galerie sous mes grands yeux ébahis.

— Tomasz ?

— Par ici, répond une voix au timbre inconnu.

Suivant l'écho, Chantsuko, Paole et moi nous aventurons dans les allées à la recherche de l'origine du son. De tous côtés, entre les colonnes, d'étranges reliques dorées sont exposées, protégées par des cloches de verre. Là, une plume. Ici, un casque ailé. Là-bas, une flûte. De ce côté ? Un vase, une boîte, un plastron, une aiguille, un bracelet... Et là... qu'est-ce que c'est ? Un diadème. Simple, nu, dépourvu d'ornement, il m'interpelle sans que je ne saisisse pourquoi. Pourtant, je ne peux m'empêcher de m'attarder sur le bel objet scintillant. L'artiste revient sur ses pas pour se placer à mes côtés.

— Ceci est l'obkryc de la Volonté. Qui porte cette tiare possède le pouvoir de soumettre n'importe quel esprit au moindre de ses désirs.

Impossible... Les obkrycs ne sont que des légendes, Layth ! Des légendes ! Qui est l'auteur de ce sermon ? Qui m'a mis ces paroles dans la tête et en quel lieu ? Je ne m'en souviens pas. Incapable de formuler le moindre mot, je ne réplique pas...

— Un obkryc, Layth. Vous savez... ces artéfacts aux propriétés particulières qui confèrent un Don à leur détenteur. Regardez tout autour de vous... Les obkrycs sont partout.

Les obkrycs n'existent que dans l'imagination du peuple, Layth. Les chuchotis reprennent dans mes oreilles. D'où proviennent-ils, bon sang ?! Les obkrycs ne sont que des contes, des histoires inventées par les hommes pour tromper les hommes... Une centaine d'obkrycs défilent pourtant devant mes yeux...

Inconcevable, Layth. Impossible. Tu te rends bien compte que c'est impossible, n'est-ce pas ? La voix a tort. La voix ment. Elle m'a toujours menti.

— Venez, Layth.

Paole me tire par la manche. Et alors que nous reprenons notre chemin dans le dédale des allées, les preuves se dressent devant moi en mur de vérité. Illusoire, Layth... Incompatible avec le monde réel. Assez ! De telles reliques peuvent exister... Elles existent.


— Chuko, je l'ai trouvé !

Entre deux piliers de pierre azuré, un jeune homme est apparu. Il porte la même tunique bleue que Chantsuko, bien que la forme du col et la longueur du vêtement diffèrent. Contrairement à la femme, l'inconnu arbore un ample bas de soie blanche. Il s'approche de notre trio, droit, confiant, souriant.

— Bientôt, poursuit-il, nous aurons annihilé la souffrance.

À quelques pas de nous, l'inconnu dégage un puissant parfum de certitude. Chaque fragment de peau, chaque fibre de ses cheveux, chaque particule expirée, exprime sa détermination infaillible, sa foi immuable en un mystérieux dessein. L'aura du jeune homme vibre dans l'atmosphère et emplit l'espace d'ondes agréables, chaleureuses, bienveillantes. Chantsuko s'avance vers lui, puis dit :

Le SensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant