Hors série 15

139 15 1
                                    

Hors série n°15 – Dîner particulier - P.D.V Allan Lysander-Morgan, dirigeant calice de la famille Lysander

Ma main s'éleva, toquant contre la grande porte de notre bureau commun. J'y découvris mon mari, à travailler, alors qu'il nous restait quelques jours à profiter, après nos deux semaines de Lune de Miel au bord de l'eau, dans un endroit paradisiaque et loin d'être de trop ! Il lâcha son stylo quand il me vit, comme pour me dissimuler le fait qu'il travaillait. Yvan gloussa discrètement.

-Tu viens, nous avons quelque chose à faire avant le dîner de ce soir.

Mon époux se leva alors, me rejoignant. Il attrapa immédiatement ma main, comme nous avions pris l'habitude de le faire et il m'embrassa la joue tendrement. Je lui souris, le guidant à travers les couloirs finement éclairés par le coucher du soleil naissant. Le domaine se calmait petit à petit, pour une soirée qui débuterait en petit comité.
Nos pas nous poussèrent dans nos jardins, là où des souvenirs heureux germaient jusqu'au rosier symbolisant notre rencontre passée. Il s'y trouvait deux autres rosiers, l'un aux différentes couleurs vives qui le composaient et l'autre d'un jaune lumineux. Sans hésitation, je me laissai tomber sur la terre humide, tendant des gants à Lucas.

-Viens m'aider à les planter.

Il s'approcha, s'agenouillant sur cette terre lui aussi, il m'observa premièrement les manipuler sans peur aucune.

-Mets en au moins un, je ne veux pas que tu te fasses du mal avec ces rosiers.

Je le laissai m'enfiler le gant, son bras passa autour de ma taille, me rapprochant de lui pour me donner un tendre baiser.

-J'ai pensé planter ces rosiers, ici, à côté de celui de notre rencontre, pour nous évoquer d'autres souvenirs heureux. J'ai remarqué que tu n'allais jamais te recueillir sur la tombe de tes parents, alors j'ai pris la liberté de leur déposer des fleurs, régulièrement. J'ai également pensé à ces rosiers, en leur mémoire. Pour tes parents, mais aussi pour les miens.

Je le sentis touché par mon geste et par mes mots. Il m'attira à lui, nous interrompant le temps d'un instant pour exprimer toute sa reconnaissance.

-Merci Allan, merci d'être entré dans ma vie.

Nous nous embrassâmes, longuement, avant de nous mettre au boulot réellement. C'était une activité manuelle à laquelle nous n'étions pas habitués, mais cela faisait du bien et puis, nous sentions que c'était à nous de le faire, pour nos proches disparus trop tôt.

-Messieurs Lysander, les chefs de la famille Aleisteir viennent d'arriver.

Nos yeux se relevèrent sur notre majordome, il garda les yeux baissés et sa discrétion. Nous avions fini par nous allonger sur la terre humide dans un rire heureux, après le travail accompli. Nous nous dirigeâmes vers l'entrée de notre bâtisse, y trouvant la mine de dégoût d'Andrew.

-Beurk, qu'est-ce que vous avez été faire dehors ? Quand on vous incitait à faire l'amour, cela ne voulait pas dire n'importe où, il y a des limites tout de même.
-Nous avons été planter des rosiers.
-Au moins vous ne travaillez pas
, remarqua le vampire, faisant taire la remarque d'Andrew.
-Allez vite vous changer avant que les invités n'arrivent.

Nous nous exécutâmes sans nous lâcher un seul instant, nous présentant dans notre salle à manger, les tables étaient déjà dressées, tout comme le buffet, le milieu de la salle avait été laissé vide, afin d'inciter chacun à discuter avec d'autres. Notre personnel se tenait sur les côtés, aligné, préparé à ce qu'il suivrait. Ils avaient cet air bienveillant et apaisant que j'avais spécifiquement demandé.

-Merci beaucoup pour le travail fourni ce soir, vous vous êtes dépassés.

Dans une révérence respectueuse, ils nous saluèrent. Nos invités entrèrent à cet instant, tous ces vampires aux lettres d'une noirceur trop grande pour vouloir continuer de vivre éternellement. Ils avaient été conviés ici, dans le plus grand secret, sur invitation, afin d'espérer rencontrer eux aussi une personne spéciale qui pourrait partager leur vie, rien que temporairement. Nox se trouvait là, sans vraiment comprendre ce qu'il y faisait. Il vint vers nous, des serveurs s'approchant déjà pour offrir une coupe de champagne aux nouveaux arrivants.

-Qu'est-ce que nous faisons là ? Je pensais que c'était un dîner avec les différents chefs de famille.

Andrew posa son regard bienveillant sur le chef de sa garde, s'accrochant au bras de son vampire dans un sourire heureux. Nous étions là, tous les dirigeants de chaque famille, mais nous ne resterions pas, non.

-Cette soirée est pour chacun d'entre vous Nox. Vous avez le droit au bonheur, même si vous n'avez pas eu l'occasion de rencontrer votre calice avant qu'il ne meure.

Ses yeux papillonnèrent sous la surprise, c'était quelque chose qui n'avait jamais été fait. Nous avions pourtant pris la décision en nous concertant avec chacun des chefs de famille, qu'il était important et nécessaire de ne laisser aucun vampire de côté, surtout ceux qui, le plus dans leur vie, souffrirait par la perte de leur calice, mais qui étaient très stigmatisés également et incompris. Alors ils se dissimulaient, mais moi, à chaque instant, où que je sois, je les voyais, puis, bien plus finement, j'observai leur détresse.

-Je ne comprends pas ce que je fais là, je le vis bien, j'ai accepté cette perte à l'instant où je l'ai ressenti, de toute manière, c'était déjà trop tard. Je n'ai pas besoin de quoi que ce soit d'autre, mon rôle de chef de garde me plaît et est suffisant pour moi.

Je voyais dans ses yeux tout le chamboulement de son être, il était embarrassé de se savoir au centre de l'attention, surtout concernant ce sujet délicat. Alors je m'avançai d'un pas, attrapant ses mains pour la première fois, avec un regard plus doux, plus confiant également.

-Nox, si nous avons organisé cette soirée, c'est pour vous, pas pour que vous vous sentiez davantage à l'écart, non, mais plutôt pour que vous puissiez trouver une certaine paix, être entouré et compris sans être jugé par qui que ce soit. On ne vous oublie pas, on ne pourra jamais oublier votre malheur. Alors acceptez d'être inclus, comme vous êtes, de vous sentir heureux le temps d'une soirée. Vous pourriez rencontrer l'amour, même s'il n'est qu'éphémère. Vous y avez le droit et à présent, ce soir, vous en avez l'occasion.

Il était touché et ne pouvait me le cacher, cette attention nouvelle le déconcertait mais d'une certaine manière lui faisait plaisir, venant de nous.

-Mais je me sens bien dans ma vie, j'ai décidé de privilégier ma carrière, depuis toujours, et j'en suis heureux.

Même ses mots ne parvinrent pas à le convaincre lui. Je lui lâchai alors les mains, le tournant vers cette salle remplie de beaux hommes et de jolies femmes aussi esseulés que lui.

-Profite et sois un peu heureux toi aussi. Il y a déjà quelques femmes qui t'ont repéré, ainsi que quelques hommes !

Je le poussai en avant, le laissant seul et décontenancé. Il se tourna vers nous dans une expression perdue, tandis que tous étaient souriants. Lucas ne tarda pas à ouvrir cette soirée par un discours, captivant l'attention de tous.

-Merci à tous et à toutes d'être venus ce soir pour cette soirée spéciale, dont mon mari a eu l'idée. Chacun des chefs de famille ainsi que nous-mêmes avons participé à l'organisation de cette soirée afin de vous réunir tous ici. Vos calices sont partis trop tôt, avant que vous n'ayez pu les rencontrer. Alors, profitez de cette soirée pour rencontrer du monde, nouer des liens, d'amitié, d'amour, c'est à vous de le décider, vous avez encore toute l'éternité à vivre, alors vivez comme vous le désirez, avec qui vous le voulez, une vie heureuse et pleine de sens. Tout le monde a besoin de réconfort dans sa vie, vous bien plus que les autres. Vous êtes des personnes très courageuses qui donnez chaque jour un peu plus de sens à votre vie, félicitations.

Nous applaudîmes ces âmes si fortes qui avaient décidé de continuer à vivre malgré tout, sans cette personne particulière à leurs côtés. A cet instant alors je perçus dans les yeux de Nox cette étincelle commune à chacun d'entre eux, celle de la reconnaissance. Ce n'était que leur première soirée, et en les observant, j'étais persuadé que bien d'autres suivraient.

Captivant TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant