70 - Douleur de la vie

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-Tu crois que ça va aller ?

Je levai les yeux au ciel face à son inquiétude, presque, inutile.

-Je vais bien arriver à survivre une matinée sans toi, soufflai-je exaspéré.

J'étais assez étonné qu'il veuille me laisser seul. Surtout après tous les longs moments où monsieur m'avait collé, bien plus que nécessaire. Il s'infiltrait même parfois dans quelques uns de mes cours, sous prétexte d'observer le comportement de sa classe en dehors de ses heures de cours à lui. Sa mine inquiète se renforça.

-Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Le médecin a dit...

-Oui, c'est vrai, il a dit ça, le coupai-je. Cependant, c'était une fausse alerte tout comme il nous l'a signalé, et à de nombreuses reprises. Il a dit que toi, et tes parents, étaient excessifs. Alors, que tu ne sois pas dans les parages m'arrange même, je pourrai être tranquille !

Il s'approcha de moi, légèrement rassuré. Son corps tenta de se coller contre le mien, cependant, mon ventre nous bloquait. Il fallait préciser que, à ce stade, je ne m'en formalisais même plus. Il se pencha et déposa un baiser sur mon front, ses mains retrouvant mon dos pour le caresser.

-Tu vas voir, je reviendrai tout beau.

-Je n'en doute pas, soufflai-je.

Avec un très grand sourire, il se recula, caressa une dernière fois mon ventre puis se détacha complètement de moi pour attraper sa veste.

-Tu viens ?

J'attrapais quant à moi mon sac et le suivais hors de notre foyer. J'avais fini, avec le temps, par y emménager complètement. Bien que, régulièrement, nous allions dormir chez mes parents, souvent après un bon dîner. Nous, car, Adrien ne voulait plus se détacher de moi, alors, lorsque je vivais encore partiellement chez mes parents, il venait y passer la nuit pour être au plus près de moi.
Un frisson remonta dans mon corps et me donna la chair de poule. Immédiatement, ses yeux se posèrent sur moi.

-Tu as froid ? 

Je secouai la tête, le dépassant pour monter dans sa voiture. Il finit par me rejoindre, sa culpabilité refaisant surface. 

-Tu es sûr que ça ne te dérange pas ?

-Faut vraiment que tu y ailles, t'es moche comme ça.

Cela eut au moins le mérite de le faire taire. Il ne m'en tint finalement pas rigueur et profita du trajet pour caresser mon genoux, me détendant considérablement.

-Tu as mal ce matin ?

-Pas pour l'instant. Mais je t'appelle si quelque chose m'arrive soudainement. On ne sait jamais, j'ai entendu dire qu'un vaisseau d'alien pouvait scratcher à tout moment sur notre école. Tu sais à quel point c'est dangereux l'école, hein Adrien ?

Ce fut à son tour de lever les yeux au ciel, exaspéré par moi. Mais, il fallait bien le mettre dans le bain, au risque de le faire fuir plutôt que de lui montrer une facette de moi qui n'existe pas. Le faux sourire qu'il afficha me fit pouffer.

-T'es encore plus moche comme ça, me moquai-je.
-Tu dis ça parce que tu es jaloux, s'offensa-t-il. Et ce n'est pas ce que m'ont dit les étudiantes de BTS hier, se la péta-t-il.

Peut-être que tout ça me montait trop à la tête, mais, j'étais soudainement très irrité.

-Ou encore le petit étudiant de première année.

Je soufflai calmement pour tenter de dissiper cette chaleur qui me montait à la tête. Maudite jalousie. Il savait que j'y étais sensible, un peu trop susceptible de ce côté là. Il l'avait découvert et avait su percer ce mystère au fil des nombreux mois où il m'avait collé aux basques. Alors, il s'en servait souvent pour me taquiner. Il ne se rendait sûrement pas compte de la situation dans laquelle je me trouvais. J'avais deux petites fureurs à gérer, ou plutôt à supporter, et qui me fatiguaient énormément. Il était évident que je n'étais pas libre, même si les autres ne le voyaient pas, lui le savait. Lui, de son côté, n'avait rien d'aussi contraignant que ces affreusetés adorables et pouvait parfaitement aller voir ailleurs sans que je n'en sois informé. Quoique, vu l'adulation qu'il témoignait à mon ventre et son obstination pour ces deux petits êtres, j'en doutais fort. Pourtant, c'était là, à l'intérieur de mon cœur, cette petite incertitude qui me tourmentait. De plus, je l'avais croisé la veille ce fameux étudiant de première année et, j'étais bien placé pour avoir pu constater la beauté et la mignonnerie qu'il incarnait.
Soudainement, mon visage fut relevé et les yeux tendres d'Adrien m'examinaient. Il me fit un léger sourire, et finalement, je le savais. Le doute se dissipa et fut remplacé. La douceur avec laquelle il me regardait me rassurait. Adrien avait en quelque sorte changé depuis que je l'avais rencontré. Il n'était plus aussi impatient, ni aussi autoritaire. Il était plus calme et, j'avais l'impression que, depuis qu'il m'avait trouvé, il s'était retrouvé lui. J'étais persuadé qu'il n'avait pas toujours été aussi extrême. Ni aussi impatient. Mais, c'était parce que c'était moi. Son instinct le poussait à me protéger, à sceller le lien qui nous unissait. Mais, moi je ne savais pas tout ça. Alors, je l'ai pris pour un fou et, au lieu de l'écouter, j'ai décidé de lui résister et de le contrer. Ce n'était pourtant pas de ma faute, ni entièrement de la sienne. Mais voilà, avec empressement, nous nous étions liés et étions entrain de fonder une famille. C'était tôt. Alors, j'arrivai à percevoir chez lui cette envie de se poser et d'y aller plus doucement, plus progressivement. Plus jamais, il ne voudrait me contraindre, et encore moins me forcer.

-Il n'y a que toi que j'aime, murmura-t-il.

J'aimais cette tendresse qu'il me témoignait et ce lien qui nous reliait, cet attachement qui nous faisais encore plus nous aimer. Je sentais toute sa sincérité. Il l'était car il m'aimait. Et, au cours des derniers mois, il me l'avait démontré. Notamment au cours de nombreux dîners romantiques, parfois préparés par ses soins. D'autres fois, lors de nos sorties, que ce soit au cinéma ou nos journées plages pour nous reposer et nous ressourcer tous les deux. Mais, finalement, nous n'étions jamais que deux, nos amis faisant étrangement des apparitions, sans que nous sachions réellement pourquoi. Ses lèvres douces me tirèrent de mes pensées. L'instant d'après, avec un sourire malicieux, il m'éjecta de la voiture. Il avait bien fait attention à ce que je ne tombe pas et ne me blesse pas. Mais, il l'avait fait. Avec de grands yeux outrés, je l'observai. Il jeta mon sac sur le sol. J'étais heureux de ne pas avoir d'affaires importantes. Il me fit ensuite un petit signe de la main avec ce fameux grand sourire et ouvrit la fenêtre de sa voiture après que j'ai refermé la portière.

-Bon, passe une bonne matinée dans cet établissement dangereux. N'oublie pas Antoine, il faut vivre dangereusement ! 

Il enclencha la vitesse et commença à partir.

-Le moche y va ! Ciao !

Dépité, je l'observai s'éloigner. Je pouvais encore sentir ses yeux m'observer. Finalement, il était plus rancunier que je ne le pensais. J'attrapais dans un sourire, et avec difficulté, mon sac et commençait d'un pas las à me rendre près de la grille du lycée. J'avais un manque flagrant d'envie là. Comme de par hasard, les fureurs étaient calmes. C'est ça, faites profil bas face au comportement de votre hautain père. Il ne perdait rien pour attendre celui là. Je soupirai encore une fois, j'avais le dos en compote. Sérieusement, même marcher était compliqué. Il était grand temps que ça se finisse. Tout comme cette année scolaire.

-Dans un mois, vous passez vos épreuves finales.

Je soupirai. A peine assis, la voix criarde de cette professeure insupportable nous rappelait déjà les mauvaises choses. Heureusement, j'avais professeur concon Lennix pour m'aiguiller, et parfois compléter, mes cours que je devais réviser. Allan se tourna vers moi.

-Bonjour Antoine.

-Bonjour Allan.

Il m'observa quelques secondes avant de reporter son regard sur son téléphone.

-Adrien n'est pas là aujourd'hui.

Mes yeux s'ouvrirent un peu plus tandis que j'acquiesçai.

-Tu ne sais pas ce qu'il est parti faire. Et bien, Adrien m'a abandonné toute une matinée de cours pour aller chez le coiffeur. Il a peur d'effrayer les petits avec sa coupe horrible.

Allan grimaça, ses yeux remontant jusqu'à mes cheveux à moi.

-Il faudrait aussi que tu y passes.

J'haussai les épaules.

-Tu te rends compte ? Adrien m'a abandonné pour aller se faire une beauté pour deux gamins qui ne se souviendront même pas de sa tête.

Voyant son regard insister sur mes cheveux je soupirai.

-Dorian n'est pas là ? demandai-je pour changer de sujet.
-Il m'a dit sécher exceptionnellement, pensant qu'Adrien serait là. Je dois l'appeler ?

-Non c'est bon.

Je ne demandais même pas pour Andrew sachant pertinemment qu'à l'heure qu'il était, il dormait profondément. Et, lorsque dix heures seraient passées, il se trainera sur un transat et se dorera la pilule au soleil. Quel chanceux. Mais il serait bête de ne pas profiter de ce beau temps. A vrai dire, je savais déjà ce que je ferai dans l'après-midi. Une petite sieste au soleil, avec pour compagnie un très beau serveur, très bien coiffé, qui me servira de très bon rafraichissement. J'en bavais déjà. Une belle journée s'annonçait.

**********Je suis pas là demain donc bon...

Captivant TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant