26. Les amants maudits

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Angie


Je me retourne dans un mouvement vif pour faire face à la personne qui se mure dans un presque silence. Je sais ce que c'est, le calme. La paix qui est telle qu'aucun son n'existe, qu'aucun geste n'en sort, qu'aucune respiration ne se fait. Moi, j'ai perçu un souffle. Peut-être une mauvaise habitude, un genre de sixième sens, développé lorsque j'ai été forcé d'entendre les gens que j'aimais pousser le dernier.

Quelques mètres plus loin, une silhouette quitte l'ombre et se plante enfin en plein milieu du couloir. Je ne suis pas étonnée. Je crois que la première émotion qui me vient, qui me frappe, c'est la colère. J'ai envie de bondir sur mes pieds et de lui montrer par des actes la violence de ce qu'il m'a foutu en pleine tronche, lorsqu'il a trahi le peu de confiance que j'avais en lui, au bal. Je n'attendais rien, pourtant. Je sais à quel point on est seul, dans la vie comme dans la merde, et je ne comprends pas pourquoi je m'en sens déçue.

— Duncan.

Les mains dans les poches, il ne m'inspire rien. Je ne saisis pas ce qui le pousse à se pointer ici, si ce n'est pour tenter de se justifier. Cependant, dans sa posture, tout m'indique qu'il vient en paix, et qu'il n'en mène pas large.

— Salut, Angie.

Et ça, c'était Carolyn. Je soupire lorsque, à pas de loups, elle sort de sa cachette pour venir se poster à ses côtés, lui tenant le bras comme la véritable maîtresse qu'elle semble être. Je ne l'avais pas prévue dans l'équation, mais qu'importe. Je plisse les yeux, pour affirmer mon mécontentement face à une telle situation. D'accord, si je veux être honnête, je dois bien admettre que je les attends avec impatience, ces explications. Parce que, bien sûr, sans bonnes raisons de leurs parts, ils sont désormais les coupables idéaux. Ce ne serait pas la première fois qu'on voit ça, après tout.

Le couple d'amants maudits qui décime tout sur son passage, jusqu'à commettre l'irréparable.

— Il faut qu'on parle.

Je dévisage Duncan, sans répondre. Parce que je me rends compte, qu'en effet, la probabilité qu'ils soient les fautifs vient de façon considérable d'augmenter. J'étais déjà mise à nue, sans défense et en danger, dans cette histoire. Sans Syke, je suis juste faible et la proie rêvée. Il n'est plus là pour veiller sur moi et je ne peux même plus me fier aux caméras pour trouver une issue, au cas où.

Néanmoins, j'ignore pourquoi je tiens plus à ces justifications qu'à ma propre santé. Je hoche la tête, lui indique que je suis prête à écouter, lorsqu'il tranche :

— Je préfère qu'on discute de tout ça dans ta chambre.

Un ricanement nerveux s'échappe de mes lèvres tandis que Duncan marque un pas. Carolyn, elle, demeure en arrière, le visage fermé.

— Je ne suis pas assez bête pour te laisser entrer dans la seule pièce qui est censée me maintenir en sécurité, Duncan.

Il fronce les sourcils.

— Oh, arrête avec ça. Si je te voulais du mal, je l'aurais déjà fait.

— Tu n'irais pas jusqu'à commettre quelque chose de malencontreux en plein milieu d'un couloir, quand même.

— Je ne suis pas un criminel, Angie. Je suis sûr que tu le sais.

Je souris puis secoue la tête.

— Pour être franche, non. Je l'ignore.

Il avance encore, à l'opposé de sa copine, qui, elle, reste figée en arrière.

— Je suis désolé, de t'avoir caché des informations.

— Tu n'as pas fait que me cacher des infos, Duncan. Tu m'as menti.

— Mais tu n'aurais pas pu comprendre !

Cette fois, il me rejoint pour de bon, les mains en signe clair de lâcher-prise. Son visage arbore des traits anxieux et un peu contrits. Je soupire, reste tout de même sur mes gardes, jusqu'à reculer un tout petit peu. Le dos contre la porte, j'admets :

— C'est vrai, je n'aurai pas pu. Tu trompes Olivia avec Carolyn. Tu te tapes sa meilleure amie. Juste comme ça, alors qu'elle a disparu. C'est quoi, un moyen de te consoler ? C'est ce qu'elle représente, pour toi ? C'est ce que vous vivez, ensemble ?

Cette fois, je m'attarde sur Carolyn, ses cheveux blonds et sa grâce lorsqu'elle nous rejoint. Elle est le tyran de beaucoup de monde, dans cette université. Mais à la voir comme ça, on dirait presque qu'elle est en détresse, à la recherche de quelque chose qu'elle ne semble plus trouver.

— Nous sommes prêts à t'avouer toute la vérité, maintenant, affirme-t-elle.

Elle plante ses billes claires dans les miennes. J'essaye de mesurer le degré de son honnêteté lorsque Duncan ajoute :

— S'il te plaît, Angie. Laisse-nous entrer.

Je pèse le pour et le contre, note chaque détail, de leurs visages, de leurs regards, de leurs lèvres, qui s'étirent peu à peu en lignes minces en attendant ma réponse. Je tâche de contrôler mes pulsions, celles de me jeter à corps perdu dans la gueule du loup.

Pendant une seconde, je tente même d'incorporer Syke à cet échange, m'efforçant de constater comment il penserait, dans cette situation bien précise. J'imagine ce qu'il dirait, s'il était là, avec moi, par message ou par téléphone. Je ressasse sa voix, je revois ses mots, je songe à cette façon, qu'il a de toujours tout gérer, dans le calme et dans la patience. La vérité, c'est que durant cet instant, je me rappelle à quel point ça me hante. Et combien ça me coûte, aussi, d'être forcée de rester à distance.

La colère remonte, l'insatisfaction et la frustration, également. Je serre les dents, contracte les poings. Je fais face à mes deux interlocuteurs, balancée entre ce que je peux faire et ce que j'ai le devoir de faire. Mitigée entre ouvrir cette porte, m'enfoncer dans cette pièce et espérer comprendre un peu mieux cette histoire.

Ou alors, reculer. M'en aller. Renoncer.

Je cherche mes priorités, mais au fond de moi, la décision est déjà prise. Je dois avancer, poursuivre et lutter. Sans ça, sans ces explications, je n'y arriverais pas. Quitte à me mettre en danger. Quitte à tout perdre. Quitte à me laisser subjuguer, embarquer ou noyer.

— Va te faire foutre, Syke. Tu n'es pas à ma place.

Alors, oui, je décide. Sous les regards curieux de notre couple maudit, je le fais.

J'ouvre la porte.


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SYKE HACKER T1 - MONSTER (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant