Il est bientôt vingt-et-une heures.
Ce soir, j'ai préparé de simples pâtes à la bolognaise, mais je les ai confectionnées moi-même. J'ai des origines italiennes, après tout. Seulement, je ne prends jamais bien le temps de cuisiner. Ça n'est pas mon truc.
Aucune des filles n'a décroché un mot, ce soir. Nous avons dîné en compagnie d'un silence mortuaire qui pesait comme un âne mort sur nos épaules. J'ai bien essayé d'enrichir nos conversations, mais les retours étaient froids et fuyants. On m'avait toujours dit que les femmes étaient difficiles à vivre. Je n'y croyais pas, jusqu'à ce que j'en vois deux se quereller à tout bout de champ. Et qui doit faire tampon ? Moi.
Ce soir, j'ai exceptionnellement fait la vaisselle, pendant que Constance buvait un verre de vin à mes côtés. Nous avons parlé de choses et d'autres, pendant qu'Isadora regardait la télévision, dans la pièce de vie. J'aurais aimé qu'elle se joigne à nous, mais si je l'avais ne serait-ce que mentionné, j'aurais subi ses foudres. Je n'y tiens pas. Cette jeune femme, du haut de ses dix-sept ans, pourrait provoquer un incendie rien qu'à la parole ou à son regard meurtrier.
Dix-sept ans...
— Je ne vais pas tarder à aller me coucher, m'annonce soudain Constance, m'arrachant à mes pensées.
— Ça marche. Je te rejoins dans une heure ou deux, j'ai du boulot.
C'est un mensonge. Je passe simplement mes soirées seul dans le salon, à ruminer, la plupart du temps.
— D'accord. Alors, bonne nuit mon amour... Commence ma femme en approchant.
Elle m'oblige à laisser tomber la vaisselle. Alors, j'essuie mes mains pleines d'eau brûlante et de savon et me tourne dans sa direction. Je la saisis par les hanches.
— Bonne nuit, mon coeur.
— Je t'attends au chaud, sous la couette, murmure-t-elle dans mon oreille.
Je sais ce que cela signifie. Constance n'y va pas de main morte, même devant sa fille. Et je suis presque certain qu'Isadora l'a entendue, si j'en juge par sa grimace dont le reflet m'envoie des éclairs, dans le miroir d'en face, et donc, son dégoût évident. Ce qui me dérange le plus, c'est les battements de mon cœur et le malaise qu'ils créent à cette mention.
Mon pauvre John.
Ça devient inquiétant.
Ma femme nous quitte, en saluant sa fille de loin. C'est ce que je lui ai conseillé. Mieux vaut garder de la distance tant qu'Isadora le souhaite.
Cela m'évite au moins des saignements de nez.
Elle remonte les escaliers en m'envoyant un dernier signe provocateur, auquel je ne réponds étrangement pas, puis me retourne de nouveau pour essuyer la vaisselle. Il y en a des tonnes. À chaque fois que je cuisine, j'utilise des tonnes d'ustensiles et de plats. J'ai même tendance à sortir une fourchette, l'utiliser une fois, puis la mettre dans l'évier, avant d'en sortir une nouvelle quelques minutes plus tard.
Pathétique.
Mais alors que je saisis une des poêles pour l'essuyer à l'aide du torchon que je récupère sur mon épaule, j'entends le craquement du fauteuil, puis les pas légers d'Isadora me rejoindre. Je m'empresse alors de la détendre :
— Ça va, ma fille ?
Toujours ce surnom imbuvable, mais qui me permet de ne faire aucun faux pas.
— Oui.
Elle est fuyante. Plus le temps passe, plus elle se renferme. Malgré moi, je repense à ses aveux de l'autre soir, et ses questions datant d'il y a à peine une heure. Je ravale difficilement ma salive.
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DADDY'S GIRL - TOME 1 - The Daddy
RomanceEN COURS DE CORRECTION !!! Isadora est sur le point d'avoir dix-huit ans. Malheureusement, peu avant son anniversaire, un drame se produit : son père, qu'elle aimait plus que tout au monde, décède des suites de son cancer. Isadora n'a d'autre choi...