14. soir de fête

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Tw : deadname, mention de transphobie et d'outing

Ce soir là James était resté jusqu'à tard dans le rayon d'un super marché. Depuis qu'il était parti de chez ses parents il achetait ses repas le jour même, se promettant tout les jours de se cuisiner des légumes mais finissant toujours pas s'acheter un sandwich ou une pasta box. Aussi spécial soit-il, ce jour là ne fit pas exception à la règle. C'était Noël : vacances et jour férié. Il n'avait rien fait de la journée, repoussant tout ses plans de la semaine pour regarder des conneries sur internet. Sans internet, il se disait toujours, sa vie aurait été vraiment merdique. 

Sirius travaillait au garage ce jour là et Remus était en pause de socialisation ou en famille. James avait donné rendez-vous à Peter au parc où ils allaient quand ils étaient gosses, Peter n'était jamais venu. Il l'avait attendu une demi-heure sur l'une des structures du skate park, mettant un point d'honneur à arriver à heure, et puis il avait compris que Peter ne viendrait pas. Il trouvait toujours une excuse au dernier moment. 

À cette heure là Sirius était sans doute rentré à l'appart - James supposait du moins que personne ne venait faire réparer sa voiture à vingt-et-une-heure passée un vingt-quatre décembre mais malgré tout il continuait à faire le tour des rayons sous les lumières clignotantes depuis un temps fou. Son cerveau s'était perdu dans les noms des produits, des couleurs des étiquettes et puis ses pensés. Il s'obligea à partir parce qu'il imagina le caissier attendre la fermeture avec impatience pour courir retrouver sa famille - ce n'était jamais que son imagination, il n'avait peut-être même pas de famille mais la conscience de James le persuadait du contraire. Il savait que pour certains c'était un jour important qu'il ne fallait pas passer dans un super marché. 

Il saisit un nouveau goût de pasta box et un paquet d'oréo pour Sirius. Il passa à la vraie caisse parce qu'il trouvait ça cruel de payer à la caisse automatique alors qu'un pauvre type se tuait à rester ici exprès pour les gens comme lui qui venait faire leurs courses à la quasi-fermeture. 

« Joyeux Noël. dit-il en partant.

- Merci vous aussi. » répondit le caissier. 

Et puis il sortit, avalé par la nuit. Il ne savait pas bien s'il devait se sentir heureux ou déprimé d'être seul sur une route sombre par une nuit de fête. Il y avait quelque chose de rassurant à être seul, un souffle de liberté, l'impression qu'on pouvait être qui on voulait sans risquer d'être jugé. Il aurait pu être un criminel en cavale que personne ne le saurait. Mais c'était aussi un peu effrayant, si un criminel en cavale l'attaquait, justement, personne ne pourrait réagir. 

En poussant la porte de l'appartement James pensait de nouveau à sa quête pour devenir une meilleure personne avec la pénible impression d'être bloqué au premier niveau. Il se dit que c'était la fin de l'année, qu'il avait le droit à quelque conneries avant ses bonnes résolutions et que l'année d'après il serait parfait. Il rit dans la cage d'escalier parce qu'il savait que ce n'était pas vrai, que dans une semaine comme dans trois ans il serait toujours le même s'il n'y mettait pas du sien et qu'une année de plus ce n'était jamais qu'un repère arbitraire inventé par des maniaques des chiffres. Les bonnes résolutions n'avait jamais marché sur lui plus d'une journée de toutes façons. 

Son rire mourut dans sa gorge quand il ouvrit la porte. Il crut même un instant qu'il allait laisser tomber les courses sur le sol. La scène qui se jouait devant ses yeux le tira complètement de l'état d'indifférence dans lequel il avait été toute la journée et, sans savoir pourquoi, il se sentit envahi d'émotions et d'empathie. Regulus était assis sur le canapé du salon, à coté de Sirius, et il était en larmes. En fait ils étaient en larmes, l'état de Sirius n'était pas bien meilleur. Ils se tenaient proches l'un de l'autre comme s'ils avaient peur d'être séparés s'ils arrêtaient de se toucher. James ressenti un frisson de ce qu'il identifia comme de la peine. Les frères le fixèrent un moment sans réagir, peut-être parce que lui ne parlait pas non plus, déboussolé. 

« Qu'est-ce que tu fais là, qu'est-ce qui se passe ? finit-il par demander en lâchant ses courses pour de bon et en s'approchant de Regulus qui s'était relevé on ne savait trop quand, on ne savait trop comment. Quoi qu'il ce soit passé pour qu'il se retrouve là, il semblait avoir perdu le peu de forces qu'il possédait et chaque mouvements qu'il faisait paraissait en mesure de le casser en mille morceaux. 

- Ha ouais. "J'ai jamais croisé Despina" hein ? dit Sirius dont la tentative d'humour tomba à l'eau. 

James recula d'un pas en se rendant compte que sa réaction était en effet un peu excessive pour une personne qu'il était censé avoir à peine vu une fois dans sa vie. Dans ses rêves, pourtant, il serrait Regulus dans ses bras et ne le lâchait pas. 

- Je voulais pas que tu saches qu'on se parlait des fois parce que... je ne voulais pas l'outer. 

C'était en grande partie faux, ce secret venait surtout du fait qu'il ne voulait pas que Sirius sache qu'il crushait sur son petit frère depuis maintenant plusieurs mois, mais son ami n'était pas obligé de le savoir. Ni Regulus, d'ailleurs. 

... ce que je me rends compte que je suis peut-être en train de faire ?

- Crois-le ou non je ne t'en voudrais pas même si c'était le cas, j'ai connu bien pire en matière d'outing aujourd'hui. 

- Rosier l'a balancé à nos géniteur∙ices. 

- Oh quel connard. 

- C'est sûr. 

- Andromeda m'a prévenue, heureusement. J'ai pu partir sans les affronter mais du coup j'ai plus nul-part où aller, je suis venu ici. 

- Oui bien sûr c'est normal. dit James que la situation faisait parler très vite et sans réfléchir - il détestait ça parce que ça lui faisait dire des trucs méchants sans qu'il ne s'en rende compte et qu'il estimait en avoir bien assez dit durant toute sa vie. Tu peux rester ici autant que tu veux... tu veux pas d'autres vêtements ? »

Il avait malgré lui baissé les yeux vers la robe noire que Regulus portait et qui ne lui allait pas du tout car on pouvait sentir à quel point il était mal alaise dedans. Il regretta aussitôt ses paroles, craignant que Regulus ne le prenne mal, ce dernier savait mieux que lui ce qui était bon pour lui après tout et il portait peut-être cette robe par plaisir, se dit James, s'il voulait porter une robe ça ne regardait que lui... il se sentit stupide.

Ce fut encore pire quand le jeune homme fondit en larmes. James sursauta et sentit Sirius le lacérer d'un regard froid. 

« Désolé, désolé, je sais pas de quoi je me mêle, une robe c'est jamais qu'un vêtement je-

- C'est pas ça, répondit Regulus et l'autre se rendit compte qu'une partie de ses sanglots étaient des rires. Tu m'as pas fait de peine, au contraire, je suis heureux. Merci mais j'ai pris mes affaires, juste- t'es la première personne à me proposer ça... ça me fait plaisir que... Je suis juste tellement heureux que vous m'acceptiez comme un garçon, sans poser de questions.

- C'est la moindre des choses, dit James, hébété. 

- Là d'où je viens, non. 

- T'es plus là bas, lui répondit Sirius en le serrant dans ses bras sur le coté ce qui sembla rappeler  à Regulus que, d'habitude, il détestait qu'on le touche. Il se débattit faiblement et Sirius leva les yeux au ciel. Ha ouais ça c'est toujours pareil par contre. 

- J'ai changé d'identité de genre, hein, pas de personnalité. »

I HATE GROWING UPOù les histoires vivent. Découvrez maintenant