15. soleil

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Tw : un peu de dysphorie

Un rayon de soleil vint caresser sa joue au réveil et il sourit. Ça n'était jamais arrivé, c'était surprenant mais agréable. Familier et inconnu. Regulus sourit avant d'ouvrir les yeux. Ensuite, ses pupilles scrutèrent les environs. Il ne savait pas s'il ressentait un poids en moins sur les épaules ou si au contraire il se sentait comme un meurtrier en cavale. Il déciderait ça plus tard. 

Il y avait une certaine angoisse à l'idée d'être libre, encore plus libre qu'avant. Il avait une semaine de vacances devant lui et puis il devrait retourner en cours... ou pas. Il pourrait aussi trouver un boulot, c'était un peu salaud de rester ici sans pouvoir payer de loyer, non ? Mais étant donné les circonstances on lui pardonnerait. 

De ça aussi, il faudrait réfléchir. 

« Oh désolé, je t'ai réveillé ? 

Il se retourna vers une voix qu'il ne connaissait pas bien mais qu'il peut pas de mal à rattacher à un visage. Remus se tenait dans l'encadrement de la porte de la cuisine, un verre d'eau à la main. Depuis le canapé du salon, encore allongé, Regulus le fixa sans bouger.

- Non pas du tout, je dormais pas. 

- Je suis Remus, je sais pas si tu te souviens de moi... 

L'autre se redressa, éparpillant les draps autour de lui pour s'assoir. Son dos tordu par sa position et incommodé les traces du binder quotidien lui faisait mal. 

- Si. Tu avais emprunté tout les romans gays de la bibliothèque du lycée. 

Remus rit, surpris. Regulus se souvenait bien de la petite liste en carton répertoriant les anciens empreint à l'avant de chaque livres de la bibliothèque. Il y avait passé tellement de temps qu'à une époque il aurait été capable de passer de rayons en rayons, de prendre un livre au hasard et de monologuer dessus pendant quinze bonnes minutes. Il n'avait pas tout lu mais il connaissait tout : les auteurs, les histoires, les thèmes. Il connaissait aussi de loin celleux qui passait le plus de temps dans cet endroit et il les aimait bien, des compagnies silencieuses qui semblaient toujours partager quelque chose avec lui. Il se souvenait de Remus que c'était l'un des meilleurs amis de Sirius et puis parce qu'il venait souvent. Remus avait de nouveau livres dans les mains chaque semaine, mais c'était vrai, il était toujours amusant de constater que, dans un non-dit général chaque livre ayant un rapport de près ou de loin avec l'homosexualité avait été emprunté par le jeune homme. 

Dis moi qui tu lis je te dirais qui tu es. Regulus c'était souvent demandé comment il trouvait le courage d'emprunter ses livres. N'avait-il pas peur que les autres devine ? Ne gardait-il pas ça secret ? Lui se refusait à plusieurs titres trop explicites ou couvertures trop évidentes pour être sûr de ne jamais laisser d'indices.

- J'avais besoin de représentations à cette époque, se justifia Remus. À une période je n'arrivais plus du tout à m'attacher aux personnages hétéros. 

- Imagine si tu avais été trans. »

Leurs conversation fut coupée par le courant d'air d'une porte qu'on ouvre et James apparu, gêné car tout les regards furent sur lui aussitôt.

« Tu sais que c'est les vacances ? le taquina Remus, Je ne m'attendais pas à te voir debout avant onze heure. 

- Bla bla bla... Ça se croit malin monsieur "je me sers un verre d'eau" dans un vrai verre au lieu de boire au robinet comme tout le monde.

- C'est pour mes médicaments. répondit l'homme en question, pas vexé le moins du monde ce qui n'empêcha pas le visage de son ami de se décomposer. 

- Oh merde, jura James en reprenant aussitôt un ton sérieux. Désolé... je suis... je suis vraiment con. »

Regulus sentit une certaine gêne entre eux comme si leurs complicité était fragilisée par une récente dispute. Ils n'en parlèrent pas alors il ne posa pas de questions. 

« Je vais vous laisser, sourit Remus en allant reposer son verre, le devoir m'appelle. »

En partant il jeta un regard coup d'oeil aux deux garçons, jetant plus à Regulus qu'à James un regard qu'il ne comprit pas, quelque chose de taquin et d'encourageant, peut-être. Au moment où il claqua la porte, le silence leurs retomba dessus. James faisait quelque chose et Regulus ne savait pas s'il devait parler. 

« Tu savais que j'étais le frère de Sirius ? demanda-t-il au bout d'un moment.

- Tu savais que j'étais son meilleur ami, non ?

- Ouais, je suppose qu'on est quitte. »

Et la conversation fut close, juste comme ça. Regulus ne savait pas bien s'il pouvait aller prendre une douche maintenant, parce que James ne parlait pas mais qu'il restait malgré tout avec lui. 

Il sait tout, maintenant. réalisa Regulus. James connaissait tout ces secrets qui avait tournés en boucle dans sa tête pendant des années et qu'il avait peur de dire parce que si c'état si dur à porter pour lui ça le serait aussi pour les autres. Mais il savait tout et pourtant il était toujours là. Le cerveau de Regulus le persuadait qu'il le détestait sans doute en secret, mais le jeune homme arrivait à en douter : James était là, avec lui, il ne lui posait pas de questions intrusives et ne lui jetait pas de regards dédaigneux. 

« Ça te dérange si je vais me laver ? » finit-il par demander, perdu.

Bien sûr que ça ne le dérangeait pas ou que de toutes façons il ne l'aurait pas dit, Regulus se sentit stupide d'avoir demandé. 


Il y pensait encore quand il sortit de la douche et qu'il se jeta un coup d'oeil dans le miroir. Il songea que s'il n'était même pas capable d'engager la conversation avec James ça n'était pas prêt de marcher avec lui. Ce n'était pas grave, se répétait-il souvent. Ce n'était qu'un crush, ça passerait si ça ne marchait pas et il en aurait d'autres, mais combien voudrait de lui ? 

En observant son corps il continua de se le demander. Il aurait tellement souhaité naitre comme eux. Pas ces seins, pas cette voix aiguë, pas ces traits trop fins, pas cette féminité dont il ne pouvait pas se débarrasser malgré tout ses efforts. Certains jours le mal-être s'en allait et il se disait qu'avoir cru être une petite fille lui avait apporté beaucoup : une ouverture d'esprit qu'on apprenait qu'aux filles, une occasion d'expérimenter des choses qui lui aurait autrement manqué, il avait tellement aimé les robes et le maquillage avant que la dysphorie ne le rattrape... mais la dissonance n'était jamais loin. La sensation d'avoir gâchée sa vie ou de ne l'avoir jamais commencée non plus. 

Quand est-ce que ça va commencer ? se demandait-il. Tandis qu'un vieux démon dans sa tête déclinait : Quand est-ce que ça va s'arrêter ?

Il rêvassait à propos du jour où il aurait un torse plat et une voix grave, la confiance qu'ont les garçons de parler à tout le monde sans avoir honte d'eux-mêmes. Il était sûr que ça pourrait l'aider... Il s'aimerait enfin et on l'aimerait enfin. Il serait enfin la personne qu'il avait toujours été à l'intérieur de sa tête. Si seulement il était né autrement, si seulement il n'avait pas à le faire, si seulement il pouvait, si seulement

mais il pouvait !

Plus rien ne l'en empêchait, maintenant. Il y avait le bloc flou des prescriptions à franchir et des médecins à trouver, mais, si ces derniers jours lui avait appris quelque chose c'était que ce qui paraissait être des montagnes à franchir n'était plus si grandes une fois qu'on était au sommet. Plus personne ne pouvait l'en empêcher. Il était adulte et émancipé. Celleux qui comptaient étaient de son coté alors... alors il pouvait essayer. Et l'argent, il en gagnerait. Il avait des circonstances atténuantes, oui, mais il restait un riche héritier blanc qui avait lu un nombre pas possible de livres et qui parlait plusieurs langues, il trouverait. Il trouverait. 

Ça irait. 

Il baignait dans un tel enthousiasme, noyé dans ses plans pour le futur que quand James lui proposa d'aller boire un verre avec les autres le soir-même - lui qui n'avait jamais mis les pieds dans les soirées étudiantes et pas passé de temps avec des ami∙es depuis plus de dix ans - il accepta. 


I HATE GROWING UPOù les histoires vivent. Découvrez maintenant