2. une nouvelle vie

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tw : mention de transphobie

Je ne suis pas une fille. se répéta Regulus, luttant entre son éducation qui lui répétait qu'il n'avait pas sa place ici et son identité intérieure, plus affirmée que jamais. Il avait le droit d'être dans ces toilettes comme n'importe quel garçon, surtout dans une cabine où il ne verrait rien de rien. Mais il avait beau se le répéter, son sentiment d'illégitimité le hantait sans compter son angoisse à l'idée de gêner les autres garçons. Enfin, l'autre garçon, en l'occurence. 

Quand il avait déménagé et intégré l'université quelque semaines plus tôt, il s'était émancipé de tout. « C'est pour être plus proche de l'école » avait-il prétendu, et ses parents avaient accepté. Iels ne manquaient ni de contacts ni d'argent pour lui trouver un appart bien placé et ce n'était pas comme s'iels allaient se manquer de toutes façons. 

Le soir où le jeune homme s'était retrouvé seul pour la première fois, pourtant, il lui avait été difficile de voir ça comme une libération. Parents ou pas, il était isolé, comme toujours. Entre des murs vides, il n'y avait que ses pensés qui rebondissaient comme des échos et se faisaient de plus en plus lourdes et sombres. Il avait cru qu'elles allaient l'avaler. Ce n'était pas la première fois que son propre esprit le rendait fou mais avant il avait un frère, des cousin∙es... dorénavant il était livré à lui-même. 

Il espionnait souvent le compte instagram de Sirius pour rêver de vivre sa vie. Il avait songé à lui envoyer un message avant de se dégonfler. Regulus réfléchissait toujours beaucoup avant de prendre une décision ce qui rendait ses journées faites plus de ruminations que d'actions. Ça avait du bon comme du mauvais. Quelque chose entre être sage et dévoré par l'anxiété. Renouer avec Sirius ce serait renouer des liens autour des poignets de son frère, le ramener à une vie dont il ne voulait plus. Peu importe à quel point il en avait besoin, il ne pouvait pas lui faire ça. Se libérer des Black c'était une victoire qu'il ne fallait pas ternir. Alors, ce premier soir, Regulus était avec lui-même et personne d'autre. 

Malgré sa richesse que certain∙es auraient appelé "chance" - et ça l'était, oui, d'un certain point de vue - peu de personne aurait échangé leurs vies avec celle de Regulus, il en était persuadé. Il n'avait jamais eu de vrais parents, de vrai∙es ami∙es, jamais été en couple. Il n'avait donc personne sur qui compter et son estime de lui était bien trop faible pour jouer ce rôle. Depuis son collège il se lamentait sur ce sort, ne vivait qu'au travers des livres qu'il lisait. Parfois il croisait un personnage aussi seul que lui et ça ne lui donnait que des idées morbides. Il avait l'impression de débloquer un nouveau niveau de mal-être chaque jour. Quand il allait mieux il lui arrivait même d'en rire : il visualisait le peu qu'il connaissait des design de jeux videos lui disant "vous avez débloquer le niveau pensés intrusives" !

Mais ce soir là au lieu de tourner en rond il s'était levé, il avait pris une paire de ciseaux, avait hésité à l'appliquer contre son poignet puis avait plutôt empoigné une mèche de ses longs cheveux. 

Il était seul maintenant, abandonné. Mais ça voulait aussi dire qu'il était libre, qu'il pouvait bien devenir ce qu'il voulait sans que personne ne puisse l'en empêcher. Il pouvait se couper les cheveux, arrêter de jouer les petites filles parfaites, s'en foutre de ses parents et de leurs commentaires sur le "lobby LGBT", leurs mépris face à ce qui était hors norme. Personne ne le punirais parce que personne ne le saurait. Celleux qui l'apprendrait ne seraient pas important∙es. Pour la première fois depuis très longtemps, Regulus avait pris une décision spontanée et avait décidé de laisser les conséquences venir au lieu d'y réfléchir jusqu'à ce qu'elles l'empêchent d'agir. Il avait suffisamment introspecté pour savoir qu'il était un garçon, qu'il n'était pas d'accord avec ses parents, voir même qu'il n'allait pas aimer cette nouvelle école... mais bon, une décision à la fois. 

I HATE GROWING UPOù les histoires vivent. Découvrez maintenant