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   Cette idée le laissa indifférent. Ils ignoraient ce qu’il endurait. La douleur, la peur, les voix par-delà les murs. L’horrible sensation de n’être à sa place nulle part.

   En cette belle après-midi de vendredi, il faisait beau. Le soleil côtoyait des nuages aussi blancs que du lait et une petite canicule invitait à mettre des vêtements légers. Nathan nichait toujours dans sa chambre quoique tout le monde était rentré. Pour ne pas éveiller de soupçon, il aurait dû se trouver dans le salon et broyer du noir, mais il préférait sa chambre. Son royaume qui lui donnait un semblant de contrôle.

   Nathan regarda par la fenêtre et joua avec les rayons de soleil. Il regarda les montagnes qui embrassaient l’horizon et les arbres qui bordaient la ruelle de son quartier. Il pensa aux bois, à la rivière et éveilla l’envie d’y faire un tour. Tout seul si possible. La voix de Belinda s’éleva. Il pensa que son super pouvoir faisait son retour, mais fausse alerte. Elle avait simplement hausser la voix.

   Plus tôt dans la journée, Ophélia avait écrit sur leur groupe whattssap pour informer que la réunion se tiendrait chez elle. Il avait laissé son pouce sur le message et observa longuement la poubelle. Ce serait plus facile de ne pas y aller en justifiant ne pas savoir l’endroit où se tenait la réunion. Néanmoins, il ferma son portable et l’envoya sur son lit. Il ne pouvait pas rater ça. Ses amis l’attendaient. Mais pourrait-il supporter de voir les parents d’Ophélia ? D’entendre des « Paaaaa » et des « maaaaaa » à tout va qui lui grinçait le cœur ? Cela le rendait envieux et il n’aimait pas ça. Dans ces moments-là, il pensait qu’il n’aimait pas du tout sa vie et les images tristes se succédaient. Un père, une mère, une maison, une famille, un éclat de sourire, un petit plat.

   Cela s’apparentait plus qu’à un cauchemar éveillé qu’un désir. Sa vraie famille l’avait abandonné, ce qui logiquement voulait dire qu’elle ne voulait pas de lui. Donc espérer un retour de leur part comme par magie était ridicule. Ses recherches sur la question le prouvaient bien. Très peu d’enfants adoptés rencontraient leur parent biologique au cours de leur vie. Alors de là, à espérer une arrivée fracassante et une phrase du genre : « Salut, Nat, nous sommes tes vrais parents et nous venons te chercher pour aller vivre comme toutes les autres familles. » Pathétique.

   Une heure plus tard, Brayden frappa à sa porte.

— Fous le camp !

— Sympa l’accueil. Alors glandeur, t’as peur de la lumière maintenant ?

   Silence.

— Enfin bref, maman te demande.

   Nathan râla en redoutant le sujet de conversation, attrapa son cahier de dessin et sortit de sa chambre. Dans le couloir, il jugea ses habits adaptés pour la réunion : un teeshirt arborant Hulk et tous ses muscles, un joggeur, et des baskets légers. Il traversa le couloir, descendit l’escalier, toujours accoster par ces merdiques souvenirs accrochés aux murs et regagna le salon. Greta mangeait un paquet de chips en visionnant devant bip bip et le coyote. Belinda semblait être dans sa chambre, alors il se jeta sur le canapé et se perdit dans la détermination du coyote à faire de Bip bip, son plat principal.

— Il est fort pas vrai ?

— Qui donc ?

— Bip bip.

— Oui oui. Mais coyote est le plus fort.

— Vraiment ?

— Sûr. Tomber de deux-cents mètres de haut et se relever comme si de rien n’était, il faut avoir l’ossature.

   Greta ouvrit grand les yeux. Nathan tapa dans ses cheveux et pensa que dans la vie réelle, la détermination du coyote aurait fini par payer. C’était ce que disait les motivateurs sur YouTube, en tout cas. Belinda apparut plus tard dans des habits qui aidaient mieux à supporter la chaleur et sourit en voyant ses enfants côte à côte.

— Bonsoir Nat.

— Bonsoir. Tu me demandais ?

   Il aurait dû ajouter une marque d’affection au milieu de ces deux phrases, surtout devant Greta, mais il n’avait pas la tête à ça.

— Oui. Alors ça va mieux ?

— Oui.

— Tant mieux.

   Belinda alla dans la cuisine, surement pour se servir de quoi grignoter et haussa la voix.

— Alors, tu vas aller voir tes amis ?

   Nathan regarda son cahier et Greta.

— Peut-être bien.

— Comment ça, peut-être bien ? Tu ne rates jamais une occasion pour être avec tes amis.

   Il rumina beaucoup cette demi-vérité. Le temps de cette phrase était erroné. Le présent n’avait pas lieu d’être. Il sentit son cœur s’emballer à nouveau et le sang gonfler dans ses veines. Non, pas ça, pensa-t-il. Pas maintenant. Mais son corps ne l’écoutait pas. Et était-ce vraiment le sien ? Difficile à dire, mais il se sentait étranger à lui-même. Ensevelis par un autre sous une tonne de béton. Nathan ne voulait pas alarmer Greta et faisait tout pour paraitre le plus normal possible. Des gouttes de sueur se formaient maintenant sur son visage et ses doigts s’enfonçaient dans le canapé. « Ne le déchire pas ». Il se devait de dire un mot à Belinda pour ne pas qu’elle vienne jeter un coup d’œil et le trouver tout près de faire un AVC.

— Hein ? lâcha Belinda qui attendait sa réponse.

   Parle. Parle. Parle du con. Parle. Dis quelque chose.

— Fout moi la paix.

GØN : quête et guète, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant