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— Wow ! Très amicales. Vous êtes rentré quand ?

   Nathan s’assit sur l'unique chaise disponible et détailla la pièce. Ce n’était surement pas un agent du gouvernement. Comme le reste de la maison, la salle à manger renvoyait un cadre solitaire et inspirait la pitié. Seule la fleur au milieu de la table valait un regard.

   Il remarqua une tonne de spaghettis lâchée près du frigo.

— Vous êtes partie acheter tout ça. Vous êtes gourmand !

— C’est pour toi. À partir de maintenant, tu vas manger des pâtes matin, midi et soir.

   Il y avait de la joie dans la voix de Jannick.

— Quoi ?

— Si t’es pas content, tu n’as qu’à mourir de faim.

— T’as pris que ça ?

— Oui. Et ?

— Comment ça et ? Je ne vais pas bouffer tout ça ! Je ne suis pas italien moi.

— Et dorénavant, je ne te cuisinerai plus rien.

— Parce que tu cuisines ?

   Jannick se retourna et déposa une montagne de spaghetti sur la table. Nathan se retint de sortir un mot parce qu’il attendait la chute de la blague, mais rien n’arriva. Au contraire, son cordon bleu retira une fourchette et la planta au beau milieu de l’assiette.

— Bon appétit ! Lâcha-t-il tout sourire.

   Nathan comprit qu’il se foutait de sa gueule et répondre au tact au tact l’épuiserait. Il crevait la dalle, en plus. Il s’approcha du plat, inspira l’odeur qui s’en échappait et pigea que c’était pire que ce qu’il imaginait. L’idée d’avoir volontairement cramé le plat lui passa par la tête, mais il resta zen. Il n’allait pas prendre de pose de Yoga, néanmoins il allait adopter l’attitude de ces maitres qu’on montrait dans les films. Ce serait tout de même bête de se faire repérer à cause d’une mauvaise bouffe.

— Il y a du ketchup au moins ?

— Je ne suis pas méchant à ce point là.

— Encore heureux.

   Jannick ouvrit le réfrigérateur et sortit un pot dudit produit Nathan, en bon instigateur, remarqua la quantité abusive de viande qui congelait dans l’appareil et paniqua. Il ignora la sauce tomate qu’on lui tendait et s’imaginait les pires scénarios. Le voilà dans une grande marmite en train de se cuisiner lui-même. Il ajoutait de la carotte, de l’ailles, du poireau, du persil… le tout devant le sourire accru de son hôte. C’était un peu tiré par les cheveux, mais il y avait de quoi faire un drame. De plus, à la vitesse folle dont les anomalies se succédaient, serait-il surpris de voir cela pour de vrai ? Alors, c’était pour ça qu’on l’avait amené ici. On comptait le bouffer ? Cela n’avait aucun sens. Il restait tout de même un monstre.

— C’est quoi toutes ces viandes ? demanda-t-il. T’es un cannibale ?

— Tu me soules !

   Jannick envoya le pot de sauce sur sa poitrine et traina vers le salon. Nathan en profita pour accourir vers le frigo et remarquer qu’il y faisait fausse route. Il y avait une quantité énorme de viande, mais c’était pour la plupart des steaks, et de la côtelette de porc. Il retourna sur sa petite chaise en se narguant de devenir parano, pria pour qu’il puisse survivre à ce massacre de l’art qu’était la cuisine et attaqua le repas. Il inonda son assiette de sauce et enchaina les fourchettes comme un déjanté. S’il voulait réussir, il fallait ne pas trop s’attarder sur le gout.

   Il engloutit la moitié de son mets et laissa le reste sur la table. Son ventre risquait d’éclater, mais il n’avait pas honte. Cela lui faisait du bien. Sa gorge était asséchée, mais pas question d’enchainer sur un verre d’eau. Il préféra laisser filer le temps en prenant une pose qui facilitait la digestion. Quatre minutes, plus tard, l’ennui le frappa et il partit en direction de la seule distraction de cette baraque : Jannick. Que penserait ce dernier s’il savait qu’il le voyait ainsi ? À moins de pouvoir lire dans sa tête, il s’en foutait.

   Personne ne se trouvait dans le salon. Il sortit.

   Jannick fumait une clope sur le petit banc de la galerie. Il s’amusait à propulser la fumée le plus loin que possible. Cet homme niquait les mesures de sécurité. Nathan le remarque un peu tard, mais il faisait nuit noire. Les ténèbres l’observaient. Aucune lueur à l’horizon et le froid s’imposait en crescendo. Il entendait de petits bruits par ci et là et il distinguait quelques arbres, mais la majorité semblait uniforme. C’était donc ça une soirée en pleine nature ? Dangereux.

   Trois minutes plus tard, Jannick ne lui adressait toujours pas la parole et il restait là, appuyé contre le mur de bois, baigné par la lumière de l’ampoule. Il ne pouvait s’assoir sur la banquette, car il recevrait les jets de fumée de Jannick.

— Vous saviez que la cigarette est mauvaise pour la santé ?

   Il ne s’attendait à aucune réponse. On le surprit.

— Seuls les faibles ne fument pas.

   Cette phrase le laissa un moment interdit.

— Si vous le dites. Mais je pense que ce serait mieux si vous arrêtiez.

— Merci de tes sages paroles gamin. Néanmoins, tu devrais t’inquiéter pour toi.

   Nathan frissonna. À cause du froid et du sérieux prononcé de l’avertissement.

— Vous saviez ce que je suis ? demanda-t-il intrigué.

   La menace devait être grande pour venir se plaquer dans un trou perdu comme ici. Il devrait peut-être se contenter de l’ignorance, mais ça l’embêtait d’être pris pour cible sans connaitre la raison.

— Tu es un monstre.

GØN : quête et guète, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant