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— Non. Pourquoi ?

— Tu es entré dans ma chambre, j’ai pensé que… Tu sais quoi, laisse tomber.

— Ok.

   Belinda l’évalua en songeant que la vie lui enlevait à petit feu les gens qu’elle chérissait. Ses parents, sa grande sœur et maintenant, Nathan. Elle savait néanmoins que c’était la meilleure solution. Cela lui ferait du bien de changer d’air.

— Je tenais à m’excuser pour hier, reprit Nathan le moins fort que possible. Je me suis laissé emporter et j’en ai trop dit.

— Excuse acceptée. Mais j’espère que tu m’as cru.

— Difficile d’admettre que des secrets puissent me protéger, mais tu dois avoir tes raisons.

   Belinda déposa son couteau sur l’évier.

— Disons cela.

   Edgard lançait de temps à autre des coups d’œil dans leur direction. Ses doigts tapaient le clavier, mais ça se voyait qu’il avait la tête ailleurs. Belinda se demanda comment un homme aussi musclé pouvait perdre ses couilles dans un moment pareil. Il fallait affirmer sa virilité, comme on le disait si bien. Un George O'malley, était mignon seulement derrière un écran. Elle décida tout de même de l’accorder le bénéfice du doute et patienta. Après tout, son mari devait se sentir coupable.

   Une minute plus tard, seule la voix de Winnie l’ourson résonnait dans la maison. Elle prit les devants.

— Nathan, je crois que ton… je veux dire Edgard a quelque chose à te dire.

   L’intéressé leva brutalement la tête et lança un regard inquiet à sa femme. Néanmoins, il se resaisit, ajusta sa posture et essaya de renvoyer le mec détendu et serein. Enfin, le pensait-il. Nathan, qui cherchait toujours ses mots pour une dernière conversion, se sentit soulager avant de suspecter un truc pas net.

— Pourquoi ? demanda-t-il.

— Demande-lui.

    Edgard se leva avant d’ordonner de le suivre. Nathan aurait aimé répliquer qu’il n’avait aucun ordre à lui donner, histoire de jouer le rebelle, mais il mentirait. Alors ses pas accompagnèrent les siens jusqu’à la véranda.

   Le soleil rayonnait et sa lumière jouait avec les feuilles des arbres. Des amas de nuages blancs apportaient de l’originalité à ce tableau. Les Hotskins, leurs voisins de palier, faisaient leur petit barbecue mensuel et l’odeur de la chair grillée flottait jusqu’à eux. Nathan ne voyait pas l’intérêt de faire ça si tôt dans la journée. De plus, sous une température chaleureuse.

   « Des choses à dire ». À bien y regarder, il y en avait tellement que l’article semblait inadapté.

— Je n’ai jamais été doué avec les mots, débuta Edgard en perdant son regard ailleurs. J’ignore par où commencer.

   Nathan fronça les sourcils et se demanda s’il devait s’approcher pour lire l’expression qui grimait son visage. Ces phrases lui laissaient un arrière-gout dans la bouche et le ton employé laisserait envisager des remords, de la tristesse. Ce qui n’aurait pas de sens. Comme il cogitait toujours, Edgard ajouta qu’il devrait commencer par des excuses.

— Pourquoi ? Tu ne m’as rien fait à ce que je sache.

— Tu parles. Tout est à cause de moi. Si j’avais su garder ma grande bouche, rien de cela ne serait produit.

   La colère de Nathan pointa le bout de son nez, mais il ne devait pas sombrer. Une dernière conversation possédait des principes : ne pas aggraver la situation par exemple.

— Tu aurais aimé continuer à me mentir ? reprocha-t-il.

— Si c’est pour changer ce que tu es devenue. Oui.

— Ce que je suis devenue ?

   Edgard sursauta et le regarda.

— Je voulais dire cet enfant renfermer et triste et en colère et en…

   Nathan sentit qu’il avait des tas de qualificatifs en stock, alors il lui annonça qu’il comprenait le message. Edgard étira ses commissures pour former une étrange grimace avant de fuir son regard à nouveau.

— C’est donc cela que tu avais à me dire ?

— Je suis désolé. Pour tout.

— Arrête de me prendre en pitié.

— Ça n’a rien à voir

— Encore heureux. Je peux te poser une question ?

— Vas-y !

   Nathan lécha les lèvres et comprit qu’il n’y avait aucun intérêt à entreprendre une telle démarche. À se lancer sur cette route périlleuse, car très bientôt, il allait partir. Mais ça le démangeait comme la faim.

— Pourquoi n’assistais-tu pas à mes anniversaires ? Bon, la réponse parait toute faite, mais tu faisais déjà semblant, pourquoi ne pas continuer ?

— C’est justement ça. Je n’arrivais plus à jouer la comédie. C’est dur de mentir à des gens auxquels on tient.

— Pourquoi ne pas m’avoir dit la vérité ?

— Tu avais onze ans. Ce n’était pas aussi simple.

— Tu connais mes vrais parents ?

— Non.

   Il essayait encore d’ouvrir la boite de pandore. Tout ce qui concernait ses origines était mis sous scellés et cela l’agaçait. Toutefois, aujourd’hui était un jour à prendre comme un cadeau du ciel. Il n’allait pas le gâcher à essayer de connaitre des secrets qui l’apeuraient. L’ignorance pouvait parfois se révéler être un atout. Rien ne disait que ses parents n’étaient pas des criminels qui enlevaient des enfants. Ou des bouffeurs de coke. Ou des monstres qui dévoraient des humains à la tombée de la nuit. Et puis, il savait déjà qu’ils étaient noirs, c’était suffisant non ?

— En tout cas, je tenais à te remercier. Je dois le reconnaitre, je n’ai manqué de rien ici. Tu… vous aviez pris bien soin de moi.

GØN : quête et guète, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant