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   La terre s'arrêta. Plus de vent, plus de lunes, plus de froid. Le corps de Nathan cryogénisa et sa bouche menaça le sol de quelque coulée de bave. Non, ce « pas notre fils » ne se référait pas à lui.

   Il avait vu sa mère enfanter Brayden et Greta. Assez con comme raisonnement, mais cela clarifiait pas mal de choses. Le seul enfant susceptible d'être ce cruel « il »... Le monde ninja envolé, il désirait désormais une explication. Difficile de savoir comment, mais il quitta sa cachette pour l'encadrement de la porte. Et là, il sut qu'on parlait bien de lui, qu'il n'y avait plus de retour en arrière. La honte qu'affichait ses parents, que dire, ces... gens le montraient bien. Les expressions, au contraire de la parole, laissaient peu de place aux doutes.

   « Quoi ? » Voilà la seule chose qu'il fut capable de sortir. Comme si cela n'était pas assez clair. Comme s'il voulait qu'on y ajoute une couche. Belinda, surprise et apeurée, regarda son mari qui avait perdu sa rage.

— Cherie, mais qu'est-ce que tu fais là ? avait-elle demandé en s'approchant de lui.

   À sa démarche chancelante, il répondit en s'enfuyant. Il percuta une chaise, cogna ses pieds sur quelques marches, mais ne s'arrêta pas. Il voulait... il voulait retrouver sa chambre. Il aperçut Brayden qui ouvrait une barre de chocolat dans le couloir et le bouscula sans le regarder avant de s'enfermer dans sa chambre.

   Enfin, c'est ce qu'il aurait aimé. Son père n'avait pas une allure de sportif pour rien. Son petit poids ne put parvenir à fermer la seule frontière qui aurait empêché de l'avoir en relief. C'était peut-être bon signe qu'Edgard n'ait pas cherché à le bousculer comme il aurait pu le faire. Il préférait utiliser des mots réconfortant et coloré de possessivité, genre : « allez mon grand, laisse-moi entrer. On peut t'expliquer ».

   Expliquer quoi ? Qu'ils n'étaient pas ses parents ? Non, trop peu pour lui.

— Il n'y a rien à expliquer, tonna-t-il le souffle en ébullition. Alors, foutez le camp de ma chambre ! S'il vous plait.

   Mais ils ne l'entendaient pas de cette oreille. Après s'être assuré que Brayden était bien enfermé dans sa chambre, Belinda réapparue les mains en évidence pour montrer qu'elle venait en paix.

— Chérie, il faut que tu te calmes pour que l'on puisse tout t'expliquer.

— Je n'ai pas besoin d'explication. La seule chose dont j'ai besoin c'est que vous me disiez que ce que je viens d'entendre est faux.

— Je, commença Edgard, mais il ne parvint pas à enchainer.

   Nathan se sentait trahi et en plongeant à tour de rôle dans les yeux de ses ex-parents, il se demanda comment une journée aussi parfaite avait bien pu dégénérer à ce point. C'était trop pour lui. Trop pour son petit corps qui prenait feu et dont le soufre qui s'en dégageait l'empêchait de respirer. Il avait besoin d'être seul pour se concentrer sur sa douleur.

— Je vous ai dit de partir.

   Sa voix avait changé et la douleur prenait vie en lui. Son corps brulait pour de vrai et le marteau de Thor venait de frapper sa tête. Une migraine si monstrueuse qu'il oublia tout. Ses parents qui lui mentaient depuis toujours, sa vie illusoire, sa petite sœur qu'il ne pourra plus serrer dans ses bras. Brayden qu'il ne pourra plus narguer de ne pas faire partie des insoumis. Il prit sa tête en coupe et fléchie les genoux sous l'intensité des atrocités qu'on commettait danser son crâne. Quelqu'un s'amusait à cisailler au scalpel son cerveau et ça le contraignait à hurler. Hurler comme on pouvait le faire quand on arracherait une partie de soi sans anesthésie.

   On déversa du piment dans ses yeux à tel point que son regard devint flou. *Qu'est-ce qu'il m'arrivait, bon sang ?* Au paroxysme de la douleur, il pensa que rien ne pourra faire pire, mais erreur. Des griffes se mirent à lacérer son dos, ses bras, ses jambes, sa poitrine et même son visage. Il entendait en écho la voix de Belinda et celle d'Edgard, ce qui le donnait un peu d'espoir vu que cela signifiait qu'il était toujours de ce monde.

   Une éternité plus tard, deux minutes dans le monde normal, la douleur s'estompa, mais avait pris Nathan avec lui. Car oui, le petit garçon qui se tenait debout, le regard perdu vers Belinda et Edgard n'avait plus rien d'humain.

   D'abord ses yeux. Ces yeux avaient quelque chose d'outre-tombe, de mortuaire, de sanglant et de bestiale. Outre le rouge pâle qui remplaçait le noir habituel de ses pupilles, un trait de félin les coupait en deux. Cela lui donnait un regard de prédateurs et d'un être affamé. Il avait aussi ses lignes de la même couleur que ses yeux qui parcouraient sa peau avec légèreté. Il y avait du plaisir à les contempler surtout celles de son visage qui respectaient une certaine équidistance. Elles soulignaient les recoins de ses mâchoires, tout en laissant deux traits saignant de chaque côté de ses joues, occupaient tout son menton et une artère qui sortait de ses cheveux, traçait son front pour se terminer sur son nez. Un vrai œuvre d'art.

   L'atmosphère de la chambre devint chaude, et ceci littéralement. Belinda et son mari le ressentirent. Ce dernier était à deux doigts d'hurler un « What the fuck » qui le caractérisait si bien. Cependant, il copia l'attitude de sa femme, un peu trop calme pour ce visuel saisissant. À croire qu'elle s'y attendait depuis longtemps. Lorqu'elle prit la parole, cela ne fit aucun doute.

GØN : quête et guète, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant