Cette démarche ne visait pas à jouer les coureurs de jupons. Il cherchait à creuser une ouverture pour clôturer cette scène de panique. Jannick pouvait dévorer de la viande de cheval ou d’humain, mais il ne s’en prendrait pas à lui. Sinon, ses pieds auraient déjà disparu après toutes ces nuits à roupiller dans le même lit.— Je n’en sais rien, répondit Jannick en inhalant la fumée à fond. Mais elle a de magnifiques yeux comme toi.
Le compliment ne passa pas.
— C’est relou de lancer que j’ai de beaux yeux. Ne me dis pas que t’es… parce que tu sais, je dors avec toi et ça me fait plus peur que de savoir que tu bouffes du cheval.
Jannick adopta un visage crispé en décortiquant ses mots. Quand il comprit enfin, il esquissa un grand sourire.
— Ah, c’est très… comment on lance déjà… homophobe ?
— C’est même pas vrai.
— Oh que si ! Rassure-toi, t’as pas à t’en faire pour tes petites fesses.
— Tu n’aurais pas du ajouter petite à ta phrase.
Le blond répondit en haussant les épaules et replongea sur sa cigarette. Le calme se réintroduit dans la pièce. Le tabac agaçait le nez de Nathan, mais il s’en foutait. Il voulait gouter à ce silence et à cette substance qui se consumait. Cela le rassurait. Quand Jannick termina, il piétina le mégot et toisa le plafond.
— Tu sais, malgré tout, je fais des efforts pour être une meilleure personne. Pas que je vise le paradis, mais j’en ai fais la promesse.
— À qui ?
— Cela ne te regarde pas.
Nathan revint sur terre. Le loup-garou n’était pas du genre bavard, il le savait bien, mais après ce qui venait de se passer, il pensait qu’il y aurait une petite exception. Il ne se découragea pas pour si peu et changea de sujet.
— Je peux te poser une question ?
— Tant que ça ne me casse pas les couilles.
— Pourquoi les gardiens t’ont déclaré monstra non-gratta ?
— Cette question me casse les couilles.
Jannick lui lança un autre sourire avant d’enchainer.
— Je vais passer la nuit dehors pour fêter la pleine lune. Peut-être que je te répondrais après.
Ici, il n’y avait pas de portable, pas de livre, pas de wifi, juste des secrets et de vieilles anecdotes à découvrir. Donc il était impatient d’entendre les racontars de son ami. Ce dernier lui lança les clés de la maison en le notifiant de la verrouiller et de ne pas sortir. Nathan observa sa démarche déterminée avant de le perdre entre deux troncs d’arbre.
L’idée de passer la nuit seul ne l’enchantait pas, mais il ne pouvait pas se plaindre. Il décida d’oublier tout ça en dessinant dans son cahier jusqu’à la tombée de l’obscurité. Il engloutit quelques morceaux de steak ainsi qu’un bon kilo de spaghettis, se brossa les dents et rejoins la couette avec le cœur à mille à l’heure. Ses doigts avaient longtemps hésité sur l’interrupteur de l’ampoule. Le noir restait un moment opportun pour une attaque-surprise. En plus, cela laissait la roue libre à son imagination plus que débordante ces derniers temps. Il tâtonna aussi à laisser sa tête sous les draps. Cela l’aidait à réduire son champ de vision ainsi que ces formes qu’il voyait à trois mètres. Valait mieux rester sur ses gardes, les oreilles en alertent non ?
Malgré toutes ses hésitations, il s’endormit profondément.
*
Une lune immense brillait et le froid bordait son corps. Les insectes n’en faisaient qu’à leur tête et les arbres semblaient plus hauts que d’habitude. Une étrange odeur flânait dans l’air : de la carcasse en décomposition ? Nathan regarda autour de lui et il visait juste. Un cheval, à qui il manquait une bonne partie du ventre et du cou, perdait son regard vide vers le ciel noir. Il y avait des vers qui se trémoussaient dans la chair. Beaucoup trop. Le cœur lourd, Nathan recula avec la ferme intention d’effacer cette image de son esprit. Cinq pas. Dix pas. Vingt pas plus tard, ses pieds s’enfoncèrent à ce qui aurait être de la boue. Mais c’était du sang. Rouge et brillant.
Nathan voulut enlever ses pieds, mais ces derniers ne bougèrent pas d’un pouce. Et quand la panique survint, il entama une descente dans ce liquide. Les mollets. Les genoux, la hanche… il criait à l’aide, au secours, mais à quoi bon, il était seul. La poitrine, le cou… il se rendit compte que c’était très chaud et que cela lui faisait étrangement bien. La bouche, le nez, les yeux… Il ne pouvait plus respirer ou regarder son environnement. Il se sentit flotter tel un astronaute en pleine espace. Et d’un coup, tout s’arrêta. Son dos frappa quelque chose de dur et il comprit qu’il se trouvait au sol. Ses paupières s’ouvrirent sur une lune plus grosse que d’habitude et un ciel plus noir. Les arbres continuaient à l’observer de haut et ses pensées se rivaient toutes vers une seule conclusion : la folie.
Quelle autre explication après avoir traversé une marre de sang pour se retrouver au sol, sans la moindre tâche ? Il attrapa la fièvre et trembla comme une feuille. Toutefois, il fallait se relever pour… rentrer chez lui. Chez lui qui se trouvait quelque part à droite ou à gauche. Il pencha la tête vers les deux directions, mais ne remarqua aucune forme rassurante.
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GØN : quête et guète, Tome 1
ParanormalQuand Nathan Osborn voit ses yeux changer de forme et des lignes tracer sa peau, il découvre un monde où magie, monstres et mystère se marient pour le meilleur et pour le pire. Un monde où les secrets sont nécessaires et où sa vie ne tient qu'à un f...