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— Je sais que tu es réveillé, gronda une voix

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— Je sais que tu es réveillé, gronda une voix. On n’a pas le temps de jouer.

   Nathan continua de faire semblant et de visualiser un monde vide, beau, et parfait. Vide. Beau. Parfait. On le secoua. Surpris par ce petit geste, il ouvrit les yeux. Il fallait tout de même dissuader toute raclée et le sol était inconfortable. L’inconnue portait toujours son uniforme et le soleil n’avait pas bougé. La forêt verdoyait à ses côtés et semblait plus grande que jamais. La flèche ? Il regarda sa poitrine et ne remarqua que deux trous dans son teeshirt. Les lignes avaient disparu. Ce qui, disons-le, donnait un peu d’espoir. Il pourrait convaincre cette personne (si c’en était un, bien sûr) qu’un cœur d’humain battait en lui.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-il.

— Ce n’est pas la bonne question.

   Sa voix brouillée par des milliers d’autre lui donnait l’impression de ferraille qui grinçait. En regardant bien, cette figure transpirait la classe et avait la carrure d’un personnage d’un bon manga. Ce n’était pas le moment de penser manga, Nathan le savait bien. Mais on ne contrôlait pas ses pensées. Il regarda les bouts de métal qui braillait près de ses cottes. Leur tranchant se sentait à des mètres.

— Vous allez me tuer ?

— Non. Mais d’autres le feront.

— Pourquoi ?

— Pour ce que tu es.

— Et qu’est-ce que je suis ?

   L’inconnue se redressa pour s’accouder à un arbre. Avec cette chaleur, Nathan espérait le voir enlever son masque pour s’essuyer le visage. Il n’était pas du genre à juger la couverture d’un livre, mais il avait besoin d’une corde à laquelle s’accrocher. Il lui avait très probablement sauvé la vie, pourtant, ce n’était qu’un nouveau kidnapping couvert sous un drap d’héroïsme. La meilleure chose à faire serait de tirer un maximum d’information.

— Tu es ce qu’on peut appeler une espèce rare. Très rare.

— En gros, vous ne saviez pas.

— Je sais que ces gens vont revenir pour toi. Et par consequant, tu mets toute ta famille en danger.

   En temps normal, il aurait dû s’inquiéter, mais ça lui faisait ni chaud ni froid. Heureusement, sa froideur ne dura qu’un instant. Il visualisa une flèche plantée dans la tête de chacun des Osborn. Ce tableau lui donna la chair de poule. Il ne pouvait pas (et ne voulait pas) rester insensible à ce dessin macabre. Après tout, ces gens l’avaient élevé et avaient risqué leur vie sans le savoir. Les hommes en costards auraient pu débarquer un samedi après-midi, durant leur soirée pizza. Ils saccageraient la maison avant d’éliminer tout le monde. Edgard en premier, vue que ce serait le premier à attaquer. Ensuite Belinda, puis Brayden et Greta qui tiendrait madame Poloch. Les connards lâcheront : « le meilleur pour la fin » avant de l’envoyer faire de beau rêve. Ses facultés lui jouaient des tours. Il voyait avec précision la scène jusqu’à devenir troublante. Les éclats de sang sur les murs, les cadavres sur le sol…

   Il soupira en priant de ne pas avoir à vivres ces choses aussi horribles. Quitte à crever autant crever seul. Cependant, il ne voulait pas mourir. La petite expérience d'avant avait éclaté ce désir.  Le masqué se tut dans le silence en pointant le regard sur lui. Les deux petits trous de son masque, en tout cas. Il fallait répondre. Pour dire quoi ?

— D’accord, finit-il par lâcher.

   L’inconnue délaissa le tronc de l’arbre et s’accroupit près de lui. Il ressentit une brise électrique lui traverser le corps et sentit ses poils hérisser.

— Tu vas devoir les laisser et venir avec moi.

   La terre sembla l’avaler. Les laisser et venir avec lui. Oui, s’il avait un peu de bon sens et le sens du sacrifice, il devait partir. Mais on en pouvait pas demander à un ado de renoncer à sa routine (quoiqu’affreux), sa zone de confort sans ne pas peser le pour et le contre. Évidemment, son cerveau lui fit comprendre qu’il devait rester. Il ne connaissait pas cet homme. Comment savoir s’il disait vrai et qu’il ne voudrait pas la même chose que les autres ? Comment être sûr qu’on voulait vraiment le tuer ? L’artilleuse n’avait touché aucune partie vitale ? Toutes les raisons de rester dans le cocon lui montèrent à la tête et cela lui donna le tournis. Il songea ensuite à Brayden et à Greta. Ses petits qui lui appelaient grand frère. Non, il ne pouvait pas se permettre de leur mettre en danger.

— Qu’est-ce qui me dit que je peux vous faire confiance ? Vous gardez toujours votre masque et votre voix de ferraille.

— Tu n’as pas le choix.

   Et pour montrer que le sujet était clos, il lâcha qu’il allait devoir partir dès demain. Nathan protesta, jura, refusa, mais la logique froide et très vive du masqué le remit dans le droit chemin. De toute manière, il pensait comme lui. Il n’avait pas le droit de mettre sa famille en danger. Et quelle famille songea-t-il.

— Je… je ne peux pas. Je ne peux pas vous suivre. Toute ma vie est ici. Et pour faire quoi ? Ces gens m’ont donné la très nette impression qu’ils savaient ce qu’ils faisaient. Alors tôt ou tard, ils finiront par me retrouver.

— Écoute petit, je sais que tout se déroule un peu trop vite pour toi, mais il va falloir te remuer le cul. Tu ignores ce que ces gens te feront subir s’ils t’attrapent. Laisser ta routine n’est pas cher payer. Tu peux me croire.

GØN : quête et guète, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant