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— Lequel ? Et pourquoi ces gens sont après moi ? J'aimerais  savoir si je retrouverai une vie normale, un jour.

   Jannick s'esclaffa à gorge déployée. Il se leva, quitta la galerie, piétina sa cigarette et déclara.

— Tu rêves mon pote, mais c'est la seule chose qu'il te reste. Bon approche-toi. Autant commencer maintenant, non ?

   Nathan fronça les sourcils en cogitant sur sa dernière phrase. Il obéit quand même et foula la terre fraiche. Dans cette obscurité adoucie par la lumière des ampoules, il constata que cet homme possédait une aura dangereuse. 

   Jannick déposa une main sur son épaule.

— D'après les rumeurs, t'encaisses bien.

   Il n'eut pas le temps de répondre que le poing de son hôte lui écrasait le ventre. Il tomba sur le sol et hurla à se faire exploser les tympans. Ses larmes brouillèrent sa vision et ça faisait mal. C'était ça un vrai crochet. Ceux de chemise-à-rayures n'étaient qu'une plume comparée à ça. On aurait dit un coup de marteau.

   Nathan enfonça ses doigts dans la terre alors que sa bouche embrassait la poussière. Son agresseur parlait toujours.

— Tu représentes une aberration de la nature. Une anomalie qui ne devrait pas exister. Voilà ce que tu es.

   La douleur finit par s'envoler et Nathan s’abandonna à la colère. Ne devait-il pas rester zen ? S'il se transformait, ils allaient le localiser et tout sera terminé. Mais ces bonnes pensées apparurent tardivement. Les lignes déchirèrent sa peau et ses crocs apparurent. Un trou noir l'aspira. Cela n'avait aucun sens. Jannick ne pouvait pas être contre lui. Pas après qu'il l'ait laissé dans sa maison et concocter du spaghetti.  Même cramé.

— Mais pourquoi ? ragea-t-il  en se mettant sur ses genoux malgré la migraine et ses yeux qui le piquaient. Ils vont nous repérer maintenant !

— T'inquiète, ici, on réside sous le radar. En effet, tu te remets vite. Je suis désolé, il fallait que je vérifie un truc.

   Jannick lui tendit une main que Nathan jaugea avec doute. La pénombre empêchait de lire l'expression enduite sur son visage. Quel genre d'individu était-ce ? Surement un sans scrupule qui ne voyait pas d'inconvénient à frapper un gosse.

   Cinq secondes plus tard, sa main pendait toujours. Par politesse Nathan lui envoya la sienne. Mais il n'aurait pas dû. Jannick l'attira pour lui mettre un cou dans les cotes. Ses cris bouleversèrent la nuit calme.

— Les gens qui te pourchassent ont une bonne raison, enfin je pense. Il protège les humains. Et oui ! Tout ce qui peut nuire à ces espèces fragiles, ils les poursuivent, les attrapent, les tuent ou les enferment.

   Jannick s'approcha de Nathan et baissa la tête.

— Alors si l’on suit ce raisonnement, avoir les masques noirs à tes trousses signifie que tu es un vrai danger. Enfin un monstre comme moi.

   Nathan qui buvait ses paroles en priant la souffrance de se barrer ne fut pas étonné. Seule une bête pouvait avoir cette force.

— Je vais te tuer ! souffla-t-il quand même.

   Le blond sourit.

— Apprends à encaisser, puis on en recausera. Mais si je dois t'aider à contrôler ta transformation, tu vas morfler.

"Contrôler sa transformation ? De quoi parlait ce connard ?" Pensa-t-il. La douleur dans le bide saccadait son souffle alors il se contenta de ruminer.

*

   Nathan passa la nuit en compagnie de Jannick. Lui-même n'en revenait pas. Néanmoins, il n'était pas question de jouer la tête dure et de se faire tabasser par le froid. Hormis la petite raclée, il avouait qu'il avait passé une bonne nuit. Les grosses laines le tenaient au chaud, et le lit était assez grand pour oublier son voisin.

   Jannick l'avait expliqué que voix-de-ferraille l'avait contacté pour l'apprendre à maîtriser sa transformation. L'idée de vivre un calvaire ne l'enchantait pas. Mais il y avait de quoi relativiser avec le mot "controle".

   Il était désormais certain qu'il pouvait lui donner des infos sur ces gens masqués. Sa fameuse phrase d'hier soir "Un vrai monstre comme moi" était pour beaucoup. Il se demanda s'il devait être heureux de savoir qu'il y avait une aberration de la nature près de lui, ou d'accepter la peur que cela engendrait. Le juste milieu serait l'idéal.

   Bref, ce matin, Nathan s'était réveillé de bonne humeur, s'était brosser les dents en remarquant que la douche n'avait ni cuvette ni eau et avait rejoint Jannick qui cuisinait des steaks. Ça sentait agréablement bon et l'idée  qu'il avait expressément brulé son spaghetti se conforta dans son esprit. Néanmoins, pas question de perdre cette énergie qui flambait son corps.

   Il salua Jannick qui grogna, sortit l'assiette qui contenait le reste de son repas d'hier et le réchauffa dans une casserole. Il commençait à prendre son aise dans la maison, mais avec les coups d'hier, et ceux à venir, il en avait le droit. Il dégusta, bien sûr tout ça dans un océan de sauce tomate, et eue l'envie de chier à la fin.

— Où sont les toilettes ? questionna-t-il en ne voyant pas de marche à suivre.

   Jannick qui avalait son dernier morceau de viande envoya son assiette dans l'évier et dit.

— Va prendre des vêtements, et le rouleau de papier hygiénique sous le lit.

   La gaité  de Nathan s'égayait à mesure qu'il comprenait qu'il avait de forte chance de ne pas avoir d'endroit où chier confortablement.  Ses beaux habits dans ses mains et le rouleau de papier toilette en guise de couronne, il suivit Jannick hors de la maison. Ce dernier entra dans les bois avec l'assurance d'une personne qui connaissait son chemin, renifla plusieurs fois et s'arrêta au bout de cinq minutes de marche.

GØN : quête et guète, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant