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   Il plaqua ses mains sur sa bouche pour empêcher le reste de sortir. Mais le mal était fait. Greta fronçait les sourcils tandis que Belinda réapparaissait avec le choc sur le visage.

— Tu vas bien ? lui demanda sa mère.

   Bien sûr que non, mais comme d’habitude, il fallait mentir. Il descendit ses mains.

— Arrête de faire semblant.

   C’était quoi ce bordel ! Pourquoi ne disait-il pas ce qu’il voulait ? Belinda envoya Greta dans sa chambre et avança vers ce garçon apeuré. La panique l’envahissait aussi, cependant, elle devait rester de marbre. Elle était tout de même l’adulte.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Mais tout va bien maman. Tout va bien.

   Le ton de sa réplique brandissait sa colère : ce qui, compte tenu des circonstances, était normal. Mais Belinda connaissait Nathan sur le bout des doigts. Jamais il ne tiendrait ce genre de propos. Bien que les gens changeaient, elle préférait croire que son respect pour elle subsistait. Le regard que lui lançait ce dernier semait toutefois le doute.

— Je comprends ce que tu endures. Mais il faut me croire. Tout ça, c’est pour ton bien.

— Encore la même histoire. Permets-moi de dire que tu te trompes. C’est impossible pour quiconque de me comprendre. Toi, Edgard, pas même mes amis. Je n’y arrive plus Belinda. Deux ans, c’est long.

   La voix de Nathan se perdait dans sa tête. Cela l’apeurait de dire toutes ces choses avec la sensation d’y être poussé, mais il se sentait bien.

   Tant de personnes chantaient le pouvoir du dialogue. L’antidote de toute querelle. Il avouait que cela avait le gout du lobbying de mauvaise qualité. Mais pourquoi pas ? Parler ne tuait personne (en quelque sorte). Les yeux de Belinda mirent fin cependant à son élan.
Jacasser ne servirait à rien. La seule chose qui pourrait l’aider serait des réponses. Des réponses qui combleraient le puzzle de sa vie et mettraient fin à tous ses « peut-être » et ses « si ». Bon, dès fois, il se levait avec l’agréable sensation d’être important dans un tout qui le surpassait. Mais ces jours restaient rares.

— Fais-moi confiance ! implora Belinda.

— Comme tu le mérites si bien.

   Nathan venait d’envoyer un direct qui pouvait la mettre K.O. Et il se leva, attrapa son cahier, enfourcha son vélo et se perdit dans les rues de Milocity. Son cœur finit par retrouver son calme et il put se concentrer sur sa conduite.

   En cette fin d’après-midi, beaucoup de gens sillonnaient les trottoirs, trempés par le soleil. La majorité semblait pressée et heureuse. Mais du haut de ses quatorze ans, il était assez expérimenté pour comprendre que cela pourrait être factice.

   Ophélia habitait Richmond avenue, quartier à 30 minutes à vélo. Sa maison était une belle baraque presqu’identique à la sienne à l’exception qu’elle n’avait pas de Jardin, pas de toits en cônes et pas de couleurs aveuglantes. On préféra lui donner un trait doux qui devait être en harmonie avec le ciel durant un temps orageux. Ses fenêtres n’étaient pas trop grandes, mais elle renvoyait de la vie (peut-être à cause de ses rideaux à fleurs).

   Étant un habitué de la maison, Nathan déposa son vélo près du garage, ajusta ses vêtements et sonna à la porte. Trois secondes plus tard, cette dernière s’ouvrait sur madame Andrews, toujours aussi chic et parfumée. Nathan eut un pincement au cœur. D’un coup d’œil, on devinait qu’elle était la mère d’Ophélia. Ces cheveux blonds, cette mine bourrée de produit de beauté et aussi clean que de la porcelaine, ces yeux verts et toujours ses cils plus hauts que l’Everest. Andrews Sophonie était le genre de mama cool beaucoup trop ouverte d’esprit pour garder sa langue dans sa bouche.

— Ah, Nathan, c’est toi ? Qu’est-ce que t’as ? On dirait que tu viens de faire quinze kilomètres.

— Exactement, rétorque ce dernier en lui faisant la bise.

   Après quelques usages de formes et de sourire forcé, il grimpa les escaliers (dépourvue de cadre) et frappa à la porte de la chambre d’Ophélia. Cette dernière mit un peu trop de temps à ouvrir et quand Nathan remarqua que Stephen était déjà là, il mit sous silence les petites bêtes qui lui montaient à l’esprit. Il les salua, remarqua l’absence d’Aoki, et s’étala sur le lit.

   La chambre demeurait à l’image de sa maitresse. Des murs blancs, deux grands posters du groupe Black pink. Un de Bob Marley. Pour frimer, disait-elle. Une fenêtre qui lui permettait d’apprécier le lever de soleil, et une bonne odeur de fraise dans l’air.

   Les autres peinaient à parler, de quoi accentuer leur prochain sujet. Nathan décida de briser le silence.

— Alors, vous faisiez quoi tout seul ? demanda-t-il en hochant les sourcils de manière suggestive.

— Ta mère connard, répondit Ophélia dont les cheveux en chignon mettaient en évidence sa beauté.

— Tu t’es faite belle pour notre bon vieux Stéphen hein ? Avoue que tu craques pour lui.

— Si prendre un bain avant de rencontrer ses amis signifie tout ça. Alors oui.

GØN : quête et guète, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant