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   Stéphen ne les écoutait pas. De toute manière, l’institut de Stephen King l’intéressait beaucoup plus que leur chamaillerie. Il ne pouvait pas se prêter à ce jeu-là. Pas après qu’Aoki ait exprimé à voix haute ce qu’il savait déjà. Nathan cachait un secret.

   Un secret qui l’éloignait du profil d’amis avec qui il pouvait se marrer des heures. Il ne faudrait pas que ça tourne en maniacodépressifs et que cela se conclue sur une mort épique. Bon, il lisait beaucoup trop de roman policier.

   Entre deux paragraphes, il épiait la nervosité et l’ennui de Nathan. « Quel culot cette Aoki », pensa-t-il. Dire qu’elle se la coulait douce alors qu’elle l’avait convaincu d’être à l’heure. Au moins, il pourrait terminer le chapitre deux de son roman. Ophélia ne lui laissa pas cette joie. Elle lui tira les cheveux avant de lui arracher le livre des mains. Il protesta, mais cette dernière rétorqua qu’il se trouvait dans sa chambre, dans son lit et qu’il avait intérêt à la faire rire s’il voulait retrouvé son précieux.

   Quelques minutes plus tard, Aoki débarquait dans sa petite jupe noire et son sweat blanc. Au contraire de Stephen qui s’épuisait à force de chercher de bonne blague, elle pétait la forme.

— Salut tout le monde. Je suis en retard, s’enquit-elle.

— Oh ! On ne l’avait pas remarqué, rétorqua Ophélia.

   Cette remarque fit rire Nathan qui tchéqua la nouvelle arrivée. Tout monde se trouva une place et l’on déclara l’ouverture de la réunion. C’était à peu près comme toute leur rencontre. À l’exception que l’accent se mettait sur le passé et le futur. On évoquait les plus beaux souvenirs de l’année académique, les meilleurs profs, les plus belles filles (pour embêter Aoki et Ophélia). Leur planning respectif pour les jours à venir.

   Aoki allait bosser dans un petit resto près de chez elle et suivra des cours de violon durant ses temps libres. Stephen comptait quitter le pays pour aller visiter la Géorgie, la Suède ainsi que la Pologne en compagnie de son père tout en bossant comme une bête sur son roman. Ophélia partirait en camp d’été et Nathan… lui essayerait de rester en vie et de ne pas devenir un monstre. Enfin, il aurait pu dire cela, mais un « rien » avait suffi. 

   Madame Andrews leur apporta des collations qu’ils goinfrèrent en parlant de tout et de rien et cela dura à peu près deux heures. Nathan se perdit dans leur monde et l’espace d’une heure, il fut vraiment heureux d’être là avec eux. Toutefois, une heure passait très vite, et aussi riche que pouvait l’être une conversation entre de bons amis, les sujets finissaient par s’épuiser. Le silence reprit ses droits dans la pièce et Nathan sut que le moment tant redouté était arrivé. Il allait devoir rendre des comptes. Cela le mettait déjà en rogne. Pour qui se prenaient-ils ? Mais la réponse était plus qu’évidente, alors il se calma.

— On sait que tu nous caches quelque chose.

   L’approche directe d’Aoki le bouscula. Il s’attendait à un peu plus de diplomatie, mais ce n’était pas le point fort d’Ao. De personne ici d’ailleurs. Il se perdit un instant dans le ciel bleu en pensant à la liberté des oiseaux avant de revenir dans la pièce. Que faire ? Fuir ? Il commençait à en avoir marre. Cela ne servait à rien et il jouait avec les nerfs de ses potes.

   Tout le monde le regardait. Leurs yeux le mettaient mal à l’aise, car il n’y avait plus cette insouciance qu’il aimait tant. Cette dernière avait laissé place à l’inquiétude et cela ne les allait pas. Cela les donnait des airs d’adulte.

— De quoi tu parles ?

— Arrête avec tes questions inutiles, tu veux bien. Aujourd’hui on compte bien te faire cracher le morceau que tu le veilles ou non. C’est drôle, hein ! On ne devrait pas parler comme ça à un ami.

   Aoki planta ses yeux dans le sien et les autres l’imitèrent. Cela se sentait qu’ils guettaient le moment propice pour mettre le mettre en cage. Nathan jubilait que ses amis s’inquiètent pour lui. Il se sentait même coupable de leur donner tant de puzzles à résoudre, mais il ne pouvait pas les répondre. Déjà qu’il ne voulait pas et Belinda lui avait expressément fait la demande de ne pas révéler la vérité à personne. « C’est pour ton bien. », avait-elle dit.

   Il aurait aimé en faire qu’à sa tête et ignorer ces directives. Elle l’avait déjà menti sur quelque chose de capital, alors continuer aurait été qu’un jeu d’enfant. Cependant, Nathan sentait l’angoisse dans son regard. L’expérience des années passées à ses côtés l’avait appris à discerner le vrai du faux.

    Ok. Mes questions t’ennuient. Alors que dis-tu d’une réponse franche ? Je. Ne. Cache. Rien.

   Il n’obtint pas même un demi-sourire. Ah oui, ce n’était pas une blague.

— Arrête. Je sais quand tu mens. 

— Ne me dis pas que tu lis en moi comme dans un livre ouvert. Parce que ce genre de phrase ressemble plus à Stephen. En passant, ce bouquin que tu lis, il est bon ?

   Voilà un tour de maitre. Détourner l’attention aussi souple que possible. La fierté lui gonflait la poitrine, mais elle se dégonfla quand il aperçut le visage sérieux de son pote. Encore ce visage d’adulte ? Pas vrai.

— Là, tu essaies de détourner l’attention, assomma Stephen. Ce qui prouve qu’on à raison.

— Vous avez un avis bien tranché.

— Faut croire.

— Je vais bien.

   Ophélia, jusqu’alors silencieuse, parla.

— Laisse-moi être honnête avec toi. L’honnêteté vaut de l’or. Pas vrai, le rouquin ? Tu nous inquiètes. Tu nous inquiètes beaucoup. Je ne sais pas qui tu veux séduire, mais ce côté renfermé et mystérieux ne te va pas.

   Nathan se mura dans le silence et encaissa toutes leurs frappes. Leurs mots sonnaient juste, néanmoins il devait continuer à faire semblant, car c’était tout ce qui lui restait. Trois ou quatre minutes plus tard, il lâcha une dernière blague pour écraser tous ses soucis en espérant les leurs aussi. Un jeu risqué. Ophélia s’énerva en envoyant l’institut par terre. Aoki soupira son impuissance, et Stephen tentait de deviner le pourquoi de tout ce cirque.

— OK, ferme ton putain de clapet, cracha Ophélia. Continue de jouer les misérables dans ton coin. Sal binoclard.

GØN : quête et guète, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant