Chapitre 24

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Arrêté devant le grand miroir de ma chambre, je me détaille de haut en bas, vêtu de ce costume trois pièces taillé sur mesure. On aurait dit que j'accompagnais le PDG d'une multinationale à un dîner d'affaires.

Je sais que dans le monde de la Mafia, tout doit être impeccable et parfaitement maîtrisé afin de susciter l'envie chez les autres. Les membres considèrent appartenir à une société encore plus distinguée et sélective que "la Haute Bourgeoisie". De ce fait, ils sont toujours habillés élégamment, copiant la classe à l'italienne. Il m'est arrivé d'accompagner des chefs qui partaient assassiner des gens tout en étant vertu de costard provenant de grandes marques.

C'est pour cette raison que cette soirée est l'occasion parfaite pour moi de commencer à me faire connaître. Je suis le nouveau bras droit du Parrain, je n'ai jamais été autant si proche du pouvoir que maintenant. Si je veux baigner dans le luxe plus tard et offrir une vie dorée à Aurel, je dois commencer à préparer mon futur à partir d'aujourd'hui. Je n'ai plus droit à l'erreur, peu importe ce que je ferai mais il faut que ça me rapporte.

Je veux fructifier tout ce qui me passera dans la main.

Et personne ne se mettra en travers de mon chemin. Absolument personne.

Je passe ma main une dernière fois sur le gilet quand j'entends ma porte s'ouvrir. Itzel entre, déjà prêt. Mais son regard laisse présager que notre discussion ne sera pas l'une des plus réjouissantes.

-Quelque chose t'est arrivée, la nuit du 22 février 2008. Soit deux ans plus tôt, qu'est-ce qui s'est passé ?

OK, je savais que la discussion n'allait pas être divertissante mais j'aurais voulu me préparer mentalement en amont si je savais que c'était pour aborder ce sujet. Et déjà, pourquoi il a autant de détails. Oui, j'ai retenu la date - involontairement mais je l'ai retenu - et je ne savais pas qu'une autre personne l'avait fait.

-Je ne vois pas de quoi tu parles. Je devais être sûrement en train de dormir parce qu'il y avait cours le lendemain.

-Impossible.

Je reste toujours dos à lui car je n'ose pas imaginer ce que je ferai si je le regarde. J'en ai parlé à personne d'autre que Juan et je comptais survoler le sujet avec Sanchez. Ça ne me fait du mal de parler de mon agression, c'est juste que...j'ai toujours honte de moi. Jusqu'à présent, je continue de culpabiliser et me dire que j'ai provoqué la situation.

-J'étais dehors ce soir-là avec Pirlo Ricadelme. Il était en mission d'assassinat et moi, je devais apprendre sur le terrain. Je t'ai vu passé, tu dandinais, recouvert de sang et tu pleurais. J'ai encore cette image dans ma tête car elle m'avait perturbé.

C'est maintenant à mon tour de revoir toute la scène. Du début jusqu'à la fin ; du moment que je suis entré dans cet endroit jusqu'à ce que j'en sois sorti. Tout défile devant mes yeux, ce qui me provoque d'ailleurs un retournement d'estomac.

Je cours jusqu'à la salle de bain pour rendre ce que j'avais mangé. Deux ans plus tard, je pensais que j'étais passé à autre chose mais en fait, j'étais juste le déni. Et ce déni, bah il me va bien. Un jour, faudrait que j'aie une vraie discussion avec quelqu'un pour exprimer mon ressenti. Le psy m'a conseillé d'attendre vraiment que j'aie la certitude que c'est une personne en qui j'ai réellement confiance.

-Je me suis fait violer ce soir-là. Voilà ce qui s'est passé.

Le psy m'a aussi conseillé d'apprendre le tact. Il trouve que je suis trop brutal quand il s'agit d'annoncer des nouvelles. Mais en même temps, comment je dois le dire là ? Mettons les mots sur ce que j'ai vécu, c'était un viol. Je ne vais pas chercher un plus joli mot pour le dire. De toute façon, ça n'existe pas.

𝐓𝐈𝐌𝐄𝐋𝐈𝐍𝐄.𝐓𝟐.𝟓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant