Le Colibri Tome 1 : les pièces de Nepta

38. Capitaine Elias

Cela faisait déjà deux jours que l'Hippogriffe naviguait en mer. Ils avaient pu quitter le port de Komari dans la nuit, les réparations étaient allées plus vite qu'ils ne l'avaient pensé.

Par chance, le temps jouait en leur faveur. Même s'ils essuyaient de nombreuses averses, la météo était restée clémente avec eux. Le vent du Sud les poussait droit vers leur destination.

- Une chance que le vent ait tourné, dit Tom en arrivant à la barre. Hein Capitaine ?

Mais Elias, perdu dans ses pensées, ne l'écoutait pas vraiment.

- Capitaine ?

- Hein ? Finit par répondre Elias.

- Vous avez besoin de vous reposer, laissez-moi tenir la barre.

- Je vais bien, grogna-t-il.

- Vous n'avez pas dormi depuis notre départ de Komari... Vous n'allez pas tenir si vous continuez comme ça...

Tom avait sûrement raison, mais Elias avait peur. Peur de la tournure que cela pouvait prendre s'il s'absentait, ne serait-ce qu'un instant. Maxence avait conquis le cœur de la plupart de son équipage. Même Tom, qui lui avait toujours été fidèle et présent, était entré dans son jeu.

Il était le seul dont la présence de son frère dérangeait.

Il craignait une mutinerie, et malgré le fait que Maxence soit son frère, il n'avait pas confiance en lui.

Mais il finit par donner la barre à Tom, il était épuisé. Ce n'était pas de gaité de cœur mais il n'avait pas le choix. Dans moins de deux jours, ils arriveraient à l'île Vautou. Il ne pourrait pas aider Olivia dans ces conditions..

L'avance qu'ils avaient pris sur le trajet allait permettre d'arriver tout au mieux moins d'une journée avant le Luméria. Si effectivement le Commandant Harys avait pris la direction de l'île.

Il descendit les escaliers, et croisa Maxence.

- Ha, et bien il était temps que tu prennes un peu de repos, dit Maxence avec un grand sourire aux lèvres.

Elias n'était pas d'humeur, il émit un grognement et continua sa route.

- Tu sais même les capitaines doivent dormir, sinon, ils ont du mal à garder le bon cap, et ce n'est pas bon pour le moral de l'équipage, rajouta Maxence.

- Qu'est-ce que tu me veux à la fin ? S'énerva Elias en se retournant vivement face à son frère.

- Rien du tout, je veux juste te donner quelques conseils ...

- Étrangement, ça sonne davantage comme des menaces à mes oreilles !

- Mais enfin Elias, nous sommes frères ! Comment tu peux t'imaginer ça ?

- Comme si tu étais parfait mon cher frère ...

- Explique-moi Elias, parce que là, je ne comprends pas ce que tu me cherches. Tout le monde ici semble apprécier ma compagnie, mais le seul que ça dérange c'est toi !

Le sang d'Elias ne fit qu'un tour. La fatigue, la rancoeur et la colère prirent le dessus.

- Tu veux rire j'espère ! Tu as disparu pendant tellement d'années, et tu débarques la bouche en cœur comme si je devais tout accepter et faire comme s'il ne s'était rien passé ! Tu m'as laissé tomber, tu t'es enfui, comme un lâche !

- Je ne voulais pas t'abandonner mon frère, et tu le sais ...

- Ah oui ?! Pourtant c'est ce que tu as fait ! Tu m'as laissé tomber, tu as laissé tomber Olivia, tu as laissé tomber Thibault ! Tu nous as tous laissés tomber ...

- Tu penses que c'est ce que je voulais ? Tu sais à quel point j'étais dévasté quand leurs parents sont morts... Je n'étais pas capable de les regarder en face ! Merde Elias, ils étaient tellement jeunes quand ils ont perdu leurs parents ! C'étaient des gosses ! Ils étaient mes meilleurs amis, et ...

Elias crut devenir fou, toute sa haine et sa colère, tout ce qu'il avait enfoui au plus profond de lui-même depuis tant d'années ressorties à cet instant.

- Et ils étaient mes amis aussi Maxence ! Tu n'es pas le seul à avoir été attristé par leur disparition ! Moi aussi, j'étais mal ! Mais je n'ai pas abandonné Olivia et Thibault !

- Ce n'est pas pareil et tu le sais, s'égosilla Maxence. J'étais avec eux quand ils sont morts, et... Je n'ai pas pu les sauver d'accord ? Et je m'en veux ! Comment aurais-je pu être capable de les regarder dans les yeux alors que je n'avais pas été capable de sauver leurs parents ?

- Alors c'est ça ton excuse pour nous avoir éjecté de ta vie ?

Maxence semblait tout autant hors de lui qu'Elias. Maxence regarda autour de lui. L'équipage avait cessé de bouger, et chacun écoutait leur joute verbale. Il reprit plus calmement, mais le ton emplit de reproches :

- Je t'accorde que tu as raison sur un point, je n'aurais pas dû partir. Peut-être que Thibault serait encore parmi nous si j'étais resté...

Elias ne sut que répondre à ça. Il savait qu'il était en partie responsable de la disparition du frère d'Olivia. Et la culpabilité le rongeait depuis toutes ses années.

- Tu les as lâchés sur cette île...

- Je n'avais pas le choix, le combat allait être trop dangereux pour eux.. Je ne disposais pas d'autres solutions... Comment aurais-je pu savoir qu'ils trouveraient la porte des Enfers ...

- Attendez, les coupa Edouard, estomaqué par les révélations des deux frères. Olivia, est allée aux Enfers ?

Maxence hocha la tête, et Elias reprit la parole :

- Oui.. Olivia avait tout juste 14 ans à cette époque, Thibault en avait 16. Ce n'étaient plus des gamins. Ils étaient aptes à rester sur une île et à attendre la fin des combats. Mais ils ont trouvé plusieurs cadavres, et parmi les débris et les corps fumants, il y avait les 7 pièces de Nepta. Ils sont entrés, mais seulement Olivia en est ressortie... Je ne pouvais pas savoir...

- Tu devais veiller sur eux, lâcha Maxence, la voix tremblante. Tu aurais dû les protéger. Tu aurais dû être avec eux.

- Et toi, où étais-tu ? C'est facile de rejeter toute la faute sur moi...

- J'ai eu tort, tort d'être parti, et d'avoir cru que tu arriverais à prendre soin d'eux. J'ai eu tort. Je t'ai fait confiance, et tu as trahi ma confiance...

- Et c'est pour ça que tu as poussé Olivia à partir seule ?

- Il fallait que le Colibri vole de ses propres ailes... C'était la meilleure façon de la protéger... Tu n'étais pas capable d'assurer sa sécurité... Alors oui, je l'ai fait. Et regarde-la, pendant 7 ans, elle s'est débrouillée toute seule, elle a suivi sa route, elle a assuré sa propre survie. Oui, je l'ai poussé à te quitter, pour la protéger... Et aujourd'hui, tu l'as retrouvée il y a à peine quelques jours, et elle, où est-elle ?

Elias ne répondit rien.

- Dis-moi, Elias, où est Olivia ? Prisonnière... Par ta faute...

Le Capitaine regarda autour de lui. La plupart baissèrent les yeux, les autres quant à eux lui jetaient des regards mauvais, remplis de colère. Il comprit qu'il venait de perdre le peu de respect qu'ils avaient encore à son égard. Quant à Edouard et Maria, ils n'en avaient plus depuis longtemps. Cela ne faisait sûrement que confirmer ce qu'ils pensaient.

Ça y est, il avait eu sa mutinerie.