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ALMA

19 décembre, 7 h 50.

De ma boutique, je peux apercevoir les arbres sur le trottoir d'en face. Les feuilles orange commencent à tomber au fur à mesure des jours de décembre qui s'achèvent. L'hiver approche. J'en suis déjà à ma troisième tasse de café. C'est mon carburant. Depuis quelques jours, je me lève tôt pour venir travailler. Depuis mon retour de Rome, je ne manque pas d'inspiration. Je passe beaucoup de temps dans l'atelier derrière la boutique pour mettre en oeuvre mes créations, laissant Jony s'occuper de la vente. Ce matin, j'ai reçu des colis contenant de belles pistaches de Bronte, arrivés tout droit de Sicile. L'idée de revisiter certains de mes desserts avec cette nouvelle pépite me rend euphorique.

La sonnette de la clochette retentit et Jony passe la porte du magasin encore fermée au public.

— Bonjour Alma. Tu es déjà là ?

— Oui. J'ai reçu mes pistaches ce matin. Je voulais tester tout ça.

— Hier c'était la stracciatella ! Aujourd'hui les pistaches ! J'ai l'impression que tu ne dors pas beaucoup en ce moment.

— Ça me fait du bien de bosser et je ne suis pas fatiguée.

— Dans trois jours, nous avons la grosse commande pour la soirée de Noël de Verme. Garde des forces. On va avoir beaucoup de boulot.

— Jony, je te remercie de t'inquiéter pour moi mais tout va bien ! Verme aura sa commande.

— Ok patronne.

— Ne m'appelle pas comme ça !

Je passe l'après-midi à l'atelier, les mains dans les préparations. En cette période encore automnale, je cuisine des gâteaux assez gourmands : carot-cake, banana bread, crumble aux pommes. Les clients en raffolent et m'en réclament dès que la dernière part se retrouve vendue. Je réalise également une crème à la pistache, en souvenir de ce que j'ai gouté à Rome que je souhaite insérer dans une pâte à chou.

La journée passe tellement vite et c'est l'horloge qui me rappelle qu'il est déjà 18 h 30. Je laisse Jony s'occuper de fermer la boutique car ce soir je dîne avec mes amis. Julian organise un petit repas chez lui. J'enlève mon tablier, me change et sors du frigo une bouteille de vin rouge.

— À demain Jony, j'y vais.

— Bonne soirée patronne !

La nuit est déjà tombée quand je quitte la boutique. Les décorations de Noël illuminent les ruelles de Lisbonne. J'aime cette ambiance avant les fêtes, les gens sont joyeux et plus détendus que le reste de l'année. Pour le réveillon cette année, Julian m'a invitée à le passer chez lui avec sa famille. Au début je n'avais pas envie de m'imposer mais il a tellement insisté que je ne pouvais pas lui refuser.

Ces dernières années, je le passais avec Marco et ses parents. Nous dînions toujours à 21 h tapante : une dinde aux marrons, des haricots verts et une buche glacée. Toujours le même repas, fade, mais la mère de Marco ne voulait pas laisser quiconque, l'aider à préparer quoi que ce soit. Je n'avais même pas le droit de m'occuper du dessert. Elle était persuadée d'être un vrai cordon bleu et personne n'avait eu je pense, le courage de lui dire le contraire. Assez autoritaire, cette femme n'avait vraiment rien pour elle. Aucune gentillesse, aucune empathie et physiquement elle ne faisait rien pour se mettre en valeur. Chaque année, en guise de cadeau, elle m'offrait une poudre pour le visage. Elle ne manquait jamais de me faire remarquer que j'avais le teint blafard. Une fois les cadeaux ouverts à 23 h, nous rentrions aussitôt, parfois chez lui, parfois chez moi. Un Noël étrange mais cela faisait plaisir à Marco de voir sa famille. N'étant presque jamais là, il se devait de passer au moins une fête avec eux dans l'année.

Couldn't forget youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant