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SANDRO

Il faut moins de deux minutes à Peter pour me récupérer sur le bord de la place et me conduire dans notre planque, en plein coeur de la ville.

Je suis complètement sonné par ce qu'il vient de se passer et ma première réaction est de mettre mon poing sur le nez de mon ami.

— Putain mais à quoi tu joues ? me demande-t-il.

Son nez pisse le sang.

— COMMENT AS-TU PU LA PERDRE DE VUE, BORDEL ?

— Je suis désolé Sandro, tout est allé si vite. Et puis j'étais comme toi, focalisé quelques secondes sur Teresa et... je suis désolé, vraiment.

Je suis rempli de rage, mais je ne peux pas la déverser sur lui. Il n'y est pour rien. Il s'est fait berner comme moi. C'est de ma faute. Je n'aurais pas du la laisser seule et encore moins l'emmener là-bas.

Ugo arrive quelques instants après et Peter le met au parfum sur les événements qui viennent de se dérouler. Il nous apprend qu'il n'y a eu aucun échange place Popolo. Tout s'est joué au Vatican.

— Peter, repasse-nous les vidéos de surveillance. Il faut que l'on comprenne ce qu'il vient de se passer.

Nous nous installons tous les trois devant son l'écran et rembobinons l'enregistrement.

Les premières images d'Alma et moi, entrant au Vatican me bouleversent, je m'en veux terriblement. Je regarde attentivement chaque image des caméras qui me refont vivre cette dernière heure. Qu'est-ce qui nous a échappé ?

— Voilà Teresa qui arrive, nous montre Peter.

— Ok, accélère s'il te plaît, sans la perdre de vue.

Elle a été plus rapide que nous pour traverser les nombreuses salles grandioses du Vatican. À aucun moment ses yeux n'ont regardé, ne serait ce qu'une sculpture, ni même une peinture. Elle venait pour tout autre chose, le regard déterminé, le sourire fermé. Sur le trajet qui la mène à la chapelle Sixtine, personne ne semble s'être approché d'elle et elle ne semble pas encore avoir été blessée.

— 11 h 55. Voilà c'est là qu'elle entre dans la chapelle.

Peter appuie sur une touche de son clavier et les images reprennent une vitesse normale. Il monte également le son de nos micros. Teresa passe la porte. Sur une autre image plus basse, je me vois, embrassant Alma.

Je t'aime Alma, ne bouge pas d'ici, je vais...

Mes dernières paroles me font un mal de chien à entendre. La main d'Ugo se pose sur mon épaule, mais je n'ai pas besoin de sa pitié, je veux juste la retrouver... vivante.

— Ok les gars, ouvrez grand les yeux, chacun sur une des caméras, nous ordonne Peter.

Teresa continue d'avancer lentement dans la salle. Elle jette un coup d'oeil au plafond en direction de la Création puis regarde rapidement sa montre. Elle avance encore, puis d'un coup se penche en avant.

— STOP. Reviens en arrière Peter.

Il fait ce que je lui demande. Je leur indique de regarder au bout de mon doigt. Teresa marche et se plie à nouveau.

— Là, regardez ! Au moment où elle se penche, elle vient de se prendre un coup dans le ventre.

— Il y a trop de monde pour que l'on voit qui a pu la poignarder Sandro.

Il a raison c'est assez difficile à distinguer. Nous passons à Alma.

— Elle est là !

Ugo la montre sur une autre image, toujours en mouvement. Nous l'observons tous les trois. Je redoute ce que je vais voir. Sa présence sur cette vidéo me brise le coeur. Elle continue de marcher avant de se figer. Qu'a-t-elle vu ? Elle se met ensuite à courir avant de se faire attraper le bras par un homme. Il finit par lui mettre quelque chose sur la bouche avant qu'elle ne s'écroule sur lui.

— Saaaaannddrr....

Sa voix dans un cri étouffé, tente de m'appeler. Mon poing s'écrase sur le bureau. La colère s'empare de moi. Je n'ai rien entendu de son appel à l'aide. Je n'ai pas tenu ma promesse de la protéger.

— Zoom moi sur ce connard et rembobine jusqu'à Teresa.

Les images sont claires à présent. Cet homme s'est avancé vers Teresa et l'a poignardée rapidement sans s'arrêter. Celle-ci n'a pas bougé d'un poil se tenant le ventre de douleur. L'homme a continué à marcher puis s'est s'arrêté. Il s'est retourné comme si quelque chose venait de l'interloquer. Alma. Elle aussi, figée devant cet homme. Les deux se regardent quelques secondes avant qu'elle ne cherche à se sauver. Mais l'homme est trop prêt, trop rapide et en peu de temps, il sort un foulard de sa poche et lui met sur le visage. Alma s'écroule lentement dans ses bras et il la soutient jusqu'à la sortie.

Peter essaie de zoomer sur l'homme mais l'image n'est pas totalement nette.

— Laissez-moi quelques secondes, je vais avoir son visage.

Les cheveux blonds de l'individu me ramènent sans cesse à mes premiers soupçons : Saoz. Peter est un as de l'informatique et en quelques minutes il parvient à obtenir un résultat.

— C'est bon, j'ai un visuel. Ça vous dit quelque chose ?

Ugo et moi nous penchons sur l'écran pour distinguer les traits de l'homme qui vient d'enlever Alma. Le souvenir de son visage parvient rapidement à me rappeler l'endroit exact où j'ai vu cet homme.

— Cet homme... il était à Porto, Ugo. Celui qui dansait avec Alma le premier slow pendant la deuxième soirée. Qui est-ce ?

— Il s'appelle Luis il me semble, mais je n'ai pas le souvenir qu'il travaille chez nous. Je ne l'ai vu qu'à cette soirée.

Quelque chose nous échappe. Que vient faire cet homme dans toute cette histoire ? Qui est-il vraiment ? Et pourquoi a-t-il tué Teresa et enlevé Alma ?

Au bout d'une heure, chacun de nous est devenu silencieux. La recherche concernant cet homme n'a rien donné. C'est comme s'il n'existait pas. Peter est focalisé sur ces écrans à la recherche d'un autre indice, d'une piste pouvant mener jusqu'à ce Luis. Ugo est au téléphone avec André. Il l'informe de la disparition d'Alma et de la mort de Teresa au Vatican. Lui seul pourra nous aider désormais. Quant à moi, j'essaie de me repasser le film de tous ces derniers mois, à la recherche d'une possible explication.

— Je viens d'avoir André. Ils sont déjà sur place au Vatican. Il confirme la mort de Teresa. Concernant Luis, il ne sait pas qui il est, mais d'après les registres concernant le week-end à Porto qu'il vient de vérifier, il a été invité par Teresa. Ils ont également trouvé dans son téléphone des échanges avec le terroriste. C'était bien elle. Ça t'innocente Sandro, tu es blanchi.

Mon innocence ne m'intéresse plus. Seul Alma m'importe désormais.

— Luis savait que Teresa serait là pour l'échange, dit Ugo. Alma l'a également reconnu et c'est pour ça qu'il est revenu sur ses pas. Elle risquait de le dénoncer. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle soit là mais il doit se douter qu'elle n'était pas seule.

Je deviens fou. Je suis tellement obsédé par Alma, que j'en ai oublié l'enveloppe récupérée dans la poche de Teresa.

Je coure jusqu'à mon manteau et je déverse son contenu sur le bureau.

— Peter, branche moi cette clé sur un ordinateur sécurisé.

— Ok.

Des fichiers s'ouvrent les uns après les autres sur un petit ordinateur portable, mais aucuns d'entre eux ne semblent avoir de lien avec les agents de Verme. Uniquement des dossiers financiers de comptabilité. C'est à n'y rien comprendre. La clé ne comporte aucun dossier sensible mettant en péril la réputation de Verme et la sécurité de nos collègues.

Luis aurait-il récupéré la clé de Teresa avant nous ? Pourquoi et dans quel but ? Y avait-il dessus des informations qu'il ne souhaitait pas qu'elles soient divulguées ?

Il nous manque des pièces du puzzle. 

Couldn't forget youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant