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ALMA

21 décembre. 19 h 00.

Je suis rentrée chez moi après avoir bouclé le camion avec Jony, afin de dormir quelques heures. La douche chaude me fait un bien fou, cette semaine de travail acharné m'a finalement bien exténuée. Je devrais prendre quelques jours pour souffler un peu. Julian a regardé pour prendre des billets pour Paris. Je pense que ça nous ferait du bien de partir un peu tous les deux.

Je me prépare une petite soupe de champignons et me glisse sous mon plaid bien molletonné à la recherche d'un film à regarder à la télé.

Mon téléphone sonne. C'est Gaby.

— Coucou. Comment vas-tu ?

— Bien et toi ? Alors cette journée ? Tu as réussi à boucler ton travail dans les temps ?

— Oui, super. On a fini il y a plusieurs heures. Je suis à la maison.

— Tu es toujours sûre de ne pas vouloir y aller ? Je sais que tu ne veux plus qu'on en parle mais je ne veux pas que tu aies de regrets si jamais... il était là !

— Gaby, si jamais il est à cette soirée, elle sera probablement là, elle aussi. Je ne veux pas vivre ce film d'horreur indéfiniment.

— Je comprends. Ils font chier ces mecs à nous faire du mal comme ça !

— Attends Gaby, je te laisse, il y a Jony qui m'appelle.

— Ok.

Il est 19 h 30, il doit être revenu au magasin.

— Oui Jony ?

— Alma. On a un énorme problème. Le coursier ne viendra pas. Il a eu un accident de vélo cet après-midi. Rien de grave mais il a les deux bras dans le plâtre.

— C'est une blague ?

— J'ai bien peur que non.

J'ai l'impression que la vie s'acharne sur moi et veut ma perte.

— Je passe te prendre dans une demi-heure ?

— Oui bien sûr. Je ne vais pas te laisser y aller seul.

— Super. À tout de suite.

Tout va bien, je n'aurai qu'à rester en cuisine. J'enfile un jean, une blouse bleue marine à dentelle et mes talons noirs.

Jony arrive une quarantaine de minutes plus tard à cause de la circulation, un grand sourire aux lèvres.

Nous roulons en musique pendant presque une heure en direction du lieu de réception. Il se trouve au abord d'une petite ville non loin de la capitale dans un espèce de hangar industriel.

— Prends le chemin de derrière.

Un panneau nous indique la direction pour le personnel de la réception. En arrivant dans une petite cour, nous remarquons beaucoup de monde déjà à l'oeuvre : traiteurs, serveurs, musiciens. Verme a encore mis le paquet.

— Gare-toi près de cette porte. Je pense que l'on va décharger par ici.

— Ok patronne.

Un homme qui semble être le maître d'hôtel s'avance dans ma direction pour m'accueillir.

— Bonjour, je suis Alma Martins, gérante de Biscuiting, nous venons livrer les desserts.

— Vous êtes en retards !

— Je suis désolée. Il y avait du monde sur la route pour sortir de Lisbonne.

— Suivez-moi, c'est par ici.

L'homme, dont le badge stipule qu'il s'appelle Rodrigo, n'a pas l'air très commode. Il doit mesurer 1 mètre 90 et a l'apparence d'une armoire à glace. Sa peau est terne et son teint livide tel un vampire. Je le suis à travers les couloirs du hangar jusqu'à une salle similaire à mon atelier en quatre fois plus grand.

— Il faudra poser votre marchandise sur les dessertes qui se trouvent ici. Les serveurs viendront ensuite les chercher vers 23 h 00. Ce qui vous laisse environ une heure et demie.

— Nous serons très rapides et efficaces.

— Il vaut mieux pour vous.

Il me regarde avec mépris avant de quitter la pièce. À travers les portes battantes, je peux entendre la musique de la soirée. Je ne peux que penser à Sandro. Le simple fait de l'imaginer peut-être juste à quelques mètres de moi me fait un mal de chien.

— Ça va patronne ?

Je n'ai pas entendu Jony arriver à l'entrée de la pièce. Il remarque tout de suite que quelque chose me préoccupe.

— Oui ça va. Et arrête de m'appeler comme ça ! Il faut commencer à décharger. Il nous reste un peu plus d'une heure.

23 h.

Les serveurs arrivent à l'heure prévue pour pousser les dessertes dans la grande salle. Tout est prêt. Jony est moi avons fini depuis cinq bonnes minutes et nous en profitons pour sortir prendre l'air, histoire de s'aérer un peu. Jony sort son paquet de cigarettes de sa poche et s'en grille deux à la suite.

— Finalement c'est une bonne chose qu'il ne soit pas venu ce coursier. Je ne sais pas si j'aurais été aussi efficace avec lui.

— Le principal c'est que tout se soit bien passé. J'espère que ça leur plaît.

— Alma, tes gâteaux sont délicieux. Et même si les gens riches ont tendance à faire des manières, il n'y a aucune chance pour qu'ils ne leur plaisent pas. Je suis sûr que dès demain, tu auras plein de commandes sur ta boîte mail.

Il me tarde dorénavant de partir. Je rentre à l'intérieur signer le papier de livraison à Rodrigo l'aimable, quand j'entends la voix d'André derrière moi.

— ALMA ! Je suis content de te voir.

— André ! Bonsoir. Comment s'est passé le dîner ?

— Merveilleusement bien. Et tes desserts Alma étaient absolument incroyables. Tout le monde ne fait que me faire leurs éloges. Viens, je vais te présenter quelques personnes.

— Nous allions repartir André. Nous avons de la route et...

— Nous serions honorés Monsieur Munoz, de vous accompagner à l'intérieur.

Non, Jony ! Qu'est-ce qu'il lui prend ? Je lui jette un regard noir du coin de l'oeil et il me glisse à l'oreille :

— C'est la chance de ta vie Alma, ne la laisse pas te filer entre les doigts.

Putain, j'y crois pas. D'une main il ouvre la fermeture éclair de son sac, à l'intérieur la robe noire m'attend. Je me sens prise au piège mais il a raison, ma vie privée ne doit pas ternir ma vie professionnelle. Je suis assez grande pour faire abstraction de tout ça ce soir et me comporter comme une vraie chef d'entreprise.

— Très bien. J'enfile une robe André et j'arrive.

— Parfait. Je t'attends là.

Couldn't forget youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant