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ALMA

Lisbonne, 22 décembre, 7 h 00.

L'aube nous offre un ciel orange et rose incroyable. Dans la voiture qui me ramène jusqu'à mon appartement, le silence règne. Ugo a le regard soucieux et fixé sur la route. Mon front collé contre la vitre, je regarde les souvenirs de cette nuit défiler à vive allure derrière moi. Revoir Sandro, finir dans ses bras, nous dire adieu, encore une fois. Je suis comme un hamster en cage, qui tourne et retourne, encore et encore dans sa roue sans arriver à trouver la sortie.

Nos adieux ont été difficiles tout à l'heure, bien plus que les autres fois. Je me suis blottie dans ses bras dans l'obscurité de la nuit, jusqu'à en oublier la présence d'Ugo et Peter. Il m'a serrée tellement fort que ma tête sur sa poitrine entendit battre son coeur.

— Il est tant de partir, nous dit Ugo qui s'installa sur le siège conducteur.

— Vas mon amour, je te retrouverai bientôt, je te le promets.

Je ne doutais pas de sa promesse, mais sa vie était en danger, tout comme la mienne et nos chances de sortir heureux de cette histoire était infimes.

— Où que tu sois... je te retrouverai Alma. Pars tranquille.

Je lui donna un long et tendre baiser, rempli de larmes et monta dans la voiture.

— Nous serons chez toi dans cinq minutes Alma.

La voix d'Ugo me sort de mes pensées. Nous sommes déjà presque arrivés. Je n'ai même pas fait attention à la durée du trajet.

— Il y a deux hommes planqués en bas de chez toi. André s'est occupé de tout. Je pense qu'il voudra te voir rapidement pour parler de... tout ça avec toi. Il va falloir que tu lui montres que tu ne présentes pas de danger pour Verme. Est-ce que tu crois que ça ira ?

— Je ferais mon maximum.

— Essaie de ne pas parler de ta relation avec Sandro. Laisse-nous d'abord le temps de trouver la taupe.

— C'est sûrement cette pute de Teresa !

— C'est probable, mais rien ne nous permet encore de l'affirmer, il nous faut des preuves.

Savoir que cette femme est responsable de tout ce qui est arrivé dernièrement me rend folle de rage. Si je la croises, je jure de lui faire passer un sale quart d'heure.

— Sandro va rester dans votre hangar ?

— Non, nous allons repartir pour Rome. Je ne peux pas t'en dire plus.

— Je comprends.

Je reconnais le coin de ma rue et Ugo s'arrête devant ma porte. Il sort un espèce de talkie-walkie et s'adresse aux hommes cachés dans la rue.

— Tout est ok ?

La maison est sécurisée. Rien à signaler.

— Ok merci. Tu peux rentrer chez toi, tu ne crains plus rien. Tiens, je te rends ton téléphone. Je l'avais éteint pour que personne ne nous localise.

— Merci pour tout Ugo.

— Ne me remercie pas. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à appeler André.

La voiture démarre rapidement et disparaît dans le brouillard matinal, me laissant seule dans la rue avec deux agents pour me protéger.

Une fois dans mon appartement, je m'enferme à double tours et me fais couler un café tout en rallumant mon téléphone. J'ai un seul texto, de Jony :

« Je t'ai vu suivre Marco il y a un bon moment, je pense que vous avez du repartir ensemble ! Je vais rentrer. Je ramène la camionnette, à demain ! Appelle-moi si jamais tu as besoin que je revienne te chercher ! »

Jusque-là, tout va bien, il ne s'est pas inquiété de mon absence et n'a pas prévenu la police. En me voyant partir avec Marco, il a du penser qu'on remettait le couvert. Ça ne risque pas d'arriver mais en même temps, je ne raconte pas ma vie privée à mes employés.

Rien d'autre sur mon téléphone. Pas de message de Marco. Tant mieux. J'espère qu'il me sait surveillé et qu'il n'osera plus s'approcher de moi.

Un seul café ne suffira pas à camoufler mon absence de sommeil. Je file sous la douche. Il est bientôt l'heure d'ouvrir la boutique. J'attrape dans mon dressing un pull Sézane camel, un jean et une petite ceinture dorée. Je chausse mes bottes en daim noires et enfile mon manteau en moumoute beige.

Quand j'arrive à la boutique vers 8 h 30, Jony est déjà là. Il porte son traditionnel tablier beige et doré et range déjà quelques pâtisseries derrière les vitrines.

— Alma !  Bonjour, comment vas-tu ce matin ?

— Bien merci. Tu es bien rentré hier soir ?

— Oui et toi ? Tu as eu mon message ? Tu as disparu pendant au moins une heure et ne te voyant pas revenir j'ai pensé que... Marco et toi...

— Oh non, je ne suis pas rentrée avec lui. Nous nous sommes parlés à l'abri des regards. Je voulais mettre les choses au clair une bonne fois pour toute concernant notre rupture et puis en revenant j'ai croisé une femme que je connaissais bien, nous avons ensuite longuement discuté. Et ne te voyant plus, elle s'est proposée de me raccompagner chez moi.

La facilité avec laquelle je viens de pondre ce mensonge m'étonne moi-même.

— Oh, je suis affreusement désolé, je ne pensais pas que tu étais encore là.

— Ne t'inquiète pas Jony. Je suis rentrée, c'est le principal.

Il n'a pas l'air d'avoir une quelconque idée de ce qu'il s'est passé la veille dans les escaliers. C'est passé inaperçu aux yeux de tous, sauf à ceux d'Ugo et de Sandro.

La matinée me paraît longue. Jony s'occupe des quelques clients pendant que je lance les préparations pour les gâteaux. Je n'ai pas envie de croiser du monde ce matin. Vers 11 h, la fatigue me submerge et j'en profite pour m'allonger un peu. Depuis que j'ai repris la boutique, j'ai fait installer un petit coin salon dans l'atelier, histoire que l'on puisse se détendre lorsque cela est nécessaire. Et aujourd'hui, c'est plus que nécessaire.

Couldn't forget youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant