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ALMA

Lisbonne, appartement de Julian.

J'ai du mal à affronter les regards écarquillés de mes amis, tellement je me sens honteuse de m'être faite avoir. Gabriela est la première à briser le silence.

— A-t-il essayé de t'appeler ensuite ?

— Quand mon avion a atterri à Lisbonne, il m'a appelée une fois. Je n'ai pas réussi à décrocher, je ne voulais pas entendre sa voix. Et depuis, plus aucune nouvelle, pas même un message. Je pense qu'elle a du le prévenir que j'étais revenue à l'appartement et il a compris que je ne voulais plus entendre parler de lui.

Gabriela semble perplexe. De mes amis, je savais que ce serait-elle qui me pousserait le plus au bout des choses.

— Alma, tu devrais l'appeler pour avoir une explication de sa bouche. Tu ne pourras pas passer à autre chose tant que tu n'auras pas entendu sa vérité.

— Quelle autre vérité tu veux qu'il y ait Gaby ? Je suis tombée amoureuse d'un homme qui voit d'autres femmes. Depuis le début, il m'a menti. Nous ne sommes jamais dit que nous étions ensemble, nous n'avons pas mis de mot sur notre relation mais j'aurai aimé qu'il soit franc dès le départ avec moi.

— Ce que tu nous dis là, c'est ça qu'il faut que tu puisses lui dire. C'est probable, en effet qu'il voyait Teresa et d'autres nanas et que depuis qu'il t'a rencontrée, il a décidé de tout arrêter. Sauf qu'il n'a peut-être pas eu le temps de rompre avec elle et qu'elle s'est pointée dans son appartement à l'improviste. 

Je n'ai pas envisagé cette possibilité. Bianca donne à son tour son avis :

— Ok Gaby, je suis d'accord avec toi. Tout est possible. Mais comment expliques-tu qu'ils se sont vus en douce à l'Opéra ? Il aurait très bien pu rompre avec elle à ce moment-là. Il lui a également dit qu'il ne s'était jamais rien passé avec Teresa. Encore un mensonge ! Et puis va-t-on parler d'un truc encore plus étrange ?

Nous la regardons tous les trois, ne sachant pas vraiment où elle veut en venir.

— Marco ! Que foutait ce connard de Saoz à Rome, le même week-end que toi, à la même soirée ? La coïncidence est énorme. Et si c'était lui qui t'avait fait suivre à la basilique ?

— Pourquoi tu veux qu'il la fasse suivre ? lui répond Gabriela.

— J'en sais rien, peut-être parce qu'il ne supporte pas de la voir avec un autre mec. Marco a pété les plombs depuis quelque temps. Combien de mecs seraient prêt à espionner leurs ex-nanas ? Beaucoup croyez-moi ! lâche Bianca.

— Sandro pensait que c'était des gens qui lui en voulaient par rapport à son travail. C'est pour ça qu'il voulait que je rentre rapidement à Lisbonne.

Aucun d'eux n'arrivent à trouver une bonne version à l'histoire. Aucune en tout cas qui se termine bien pour moi. Je pense que laisser tout ça derrière moi est la meilleure chose à faire. Il n'est pas question que je l'appelle. Je n'ai eu aucune de ses nouvelles depuis mon départ et s'il tenait sincèrement à moi, il me l'aurait prouvé.

Je tire le plaid au motif de peau de léopard sur mes jambes, mon verre de vin à la main, je me laisse aller à mes pensées le visage collé à la fenêtre, pendant que mes amis polémiquent sur mon aventure. Dehors, la pluie bat avec rage sur les pavées de la rue. On ne distingue pas grand chose et les voitures roulent lentement. De l'autre côté de la chaussée, quelque chose retient mon attention. Je distingue une forme derrière un arbre, je concentre mon regard et reconnaît une silhouette humaine. Mais au fur et à mesure que je la fixe, elle se met à bouger en direction opposée et disparaît dans l'obscurité. Était-elle en train de m'observer ? Je ressens alors les mêmes frissons qu'à l'Opéra quand je savais Marco tout près. Se pourrait-il vraiment que ce soit lui qui me fasse suivre ? Pourquoi ? Et dans quel but ferait-il cela ? Tout cela n'a pas de sens !

— Tout va bien Alma ?

Julian s'est rapproché de moi près de la banquette et j'en profite pour me blottir dans ses bras.

— Je peux dormir là ce soir ? Je ne me sens pas de rentrer chez moi.

— Bien sûr ma chérie, tu peux rester ici le temps que tu voudras !

Il est 2 h 30 du matin quand Bianca et Gaby se décident à partir. Au moment de se dire au revoir, Bianca s'avance vers moi pour me serrer dans ses bras et en profite pour me glisser une idée à l'oreille.

— Si tu veux des réponses à tes questions, je me disais peut-être que tu pourrais aller voir Ugo. Lui connait sûrement les liens qui unissent les deux hommes de ta vie.

Sa suggestion me paraît intéressante. Ugo travaille chez Verme, il connaît Marco mais me dirait-il ce que j'ai besoin de savoir ? L'idée a besoin de murir encore dans ma tête. Pour l'heure, j'ai plus important à penser. Dans deux jours, j'allais fournir une quantité astronomique de pâtisseries pour leur soirée de Noël et il fallait vraiment que je me concentre sur mon travail. 

21 décembre, 17 h. Jour de la soirée de Noël.

Jony et moi cuisinons depuis 8 h ce matin. Grâce à André Munoz, j'ai été choisie pour réaliser les desserts pour la grande soirée de Noël qu'organise Verme ce soir. Un assortiment de cookies, choux à la crème, éclairs au café, tartes au citron meringué a été sélectionné par ceux présent lors de la dégustation une semaine plus tôt. Nous avons terminé toutes les préparations dans les temps et Jony commence à emballer les gâteaux dans les colis. J'ai engagé pour la soirée un jeune coursier qui l'aidera à apporter la marchandise jusqu'au lieu de réception. Il doit venir vers 20 h. J'ai une entière confiance en Jony pour superviser là-bas avec les serveurs. Il n'est pas question que j'aille sur place. Je ne veux pas prendre le risque de croiser ni Marco, ni Teresa et encore moins Sandro.

— On a bien bossé patronne ! Tout est enfin prêt. Il ne me reste plus qu'à me reposer un peu et me préparer pour ce soir.

— Qu'as-tu prévu comme tenue ?

— Ça va te plaire !

Il sort de son casier un costume noir deux pièces sur cintre avec un petit noeud papillon rouge éclatant.

— Tu seras très élégant.

— Tu es sûre que tu ne veux pas venir ? Ça risque de nous faire un tremplin si tes desserts leur plaisent. Te montrer lors de cette soirée propulserait la boutique.

— J'ai confiance en toi. Je sais que tu sauras parler en mon nom. Tu connais mieux que personne le magasin et nos valeurs. J'ai besoin de me reposer ce soir.

— En tout cas, si tu changes d'avis d'ici là, j'ai une petite surprise pour toi.

Derrière son costume, se cache une autre tenue qu'il me met sous les yeux.

Une robe noire, longue, fendue de tous les côtés, étincelante.

— Mon dieu qu'elle est belle ! Mais tu es fou, j'espère que tu n'as rien dépensé.

— Ne t'inquiète pas. Ma soeur voulait s'en débarrasser et j'ai tout de suite pensé à toi en la voyant. Vous devez faire la même taille !

— Jony, je suis très touchée, mais je ne viendrai pas ce soir.

— Comme tu veux patronne. Je la laisse, ici, au cas où tu changerais d'avis.

Je ne changerai pas d'avis. La dernière soirée que j'avais passée avec tous ces gens avait bousculé ma vie et j'avais fini par trébucher. Je ne voulais plus regarder en arrière mais marcher loin devant sans me retourner.

Couldn't forget youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant